À première vue, on s'y tromperait, mais Guédelon est bien un château moyenâgeux ... du XXIe siècle ! L'objectif ? Recréer in situ les procédés de construction et l'organisation d'un chantier du début du 13e siècle.
C'est au cœur de la Puisaye, dans l’Yonne, en forêt de Guédelon et dans une ancienne carrière, qu'une quarantaine d'ouvriers relèvent un défi hors-norme : construire aujourd’hui un château fort du premier tiers du XIIIe siècle selon les techniques et matériaux utilisés au Moyen Âge. De fait, carriers, tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, bûcherons, forgerons, tuiliers, … transforment et valorisent la pierre, le bois et la terre présents sur le site afin de vous livrer les secrets des bâtisseurs du Moyen Âge, et ce tout en sachant qu'il n'y avait rien auparavant : pas de vestiges d'un ancien château, pas de ruines... rien !
"De l'enceinte fortifiée au logis et ses charpentes, en passant par toutes les salles du château, tout a été réalisé sous les yeux de milliers de visiteurs venus visiter ce chantier unique au monde. Guédelon est un chantier scientifique, historique, pédagogique, touristique et humain avant tout", ainsi que le précise le site internet de Guédelon. © Guédelon
Un état d'esprit
Les ouvriers travaillent en toutes saisons, hormis l'hiver. Toutefois, bâtir le château fort de Guédelon est bien plus qu'un travail : c'est un état d'esprit, celui d'apprendre au fur et à mesure de l'évolution de la construction tout en sachant, que pour être au plus près d'une construction médiévale crédible, il faut parfois désapprendre, douter, démonter et recommencer.
Un comité scientifique composé entre autres d'archéologues, d'historiens du bâti et de castellologues est associé à l'aventure, intervenant en fonction des besoins, renseignant et/ou validant les choix de construction, apportant des précisions sur les gestes, le maniement d'outils, les techniques, ou encore l'organisation du chantier.
En transformant et en valorisant les matières premières, les ouvriers de Guédelon redonnent vie à des savoir-faire ancestraux et redécouvrent des techniques oubliées. Certains salariés sont arrivés à Guédelon diplômés et qualifiés tandis que d'autres ont été formés "sur le tas". L'aventure Guédelon est bien évidemment ouverte au public, avec une découverte du chantier qui se fait aux bruits des outils sur la pierre, du sciage des bois, des sabots des chevaux et du marteau sur l’enclume. © Guédelon
L'aventure a débuté, du moins dans sa partie concrétisation, au printemps 1997, lorsque Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques, dessine les plans du permis de construire du château "neuf" de Guédelon, qui répondaient aux critères de l’architecture philippienne (un château de plan quadrangulaire doté de six tours : la tour maîtresse, la tour de la chapelle, deux petites tours d’angle et, à l’entrée, les deux tours de la porte principale). Les plans ressemblent au château voisin, qui sert de modèle de référence : Ratilly.
Le permis de construire a été déposé en mairie de Treigny le 25 juillet 1997.
Les métiers de la construction à Guédelon
Guédelon compte une centaine de salariés, dont une quarantaine œuvrant directement à la construction du château. Les autres salariés sont dédiés à l'accueil des visiteurs comme à l'administration de l'entreprise. Sur le chantier, chaque ouvrier a deux missions aussi importantes l'une que l'autre :
– exercer son métier de bâtisseur en utilisant les outils du XIIIe siècle et les matériaux naturels du site ;
– Et expliquer au public la construction du château-fort.
Guédelon recrute principalement pour les périodes d’ouverture au public, d’avril à octobre des personnes qui aiment échanger, partager leur savoir-faire et transmettre à un public curieux et varié, et ce tout en étant en mesure de travailler en équipe, dans le respect, l’écoute et la bienveillance.
Actuellement, le chantier de Guédelon nécessite des :
Maçon - H/F
À Guédelon, les maçons maîtrisent l'assemblage d'ouvrages sophistiqués en pierres taillées :
– fenêtres gothiques,
– voûtes d’ogives,
– voûtes d'arêtes et en berceau,
– coupoles,
– arcs plein cintre, etc.
Le montage d'une voûte demande une mise en œuvre complexe : les maçons savent poser chaque pierre afin que les charges de la voûte se repartissent équitablement. Au-delà de la géométrie, les maçons maîtrisent les calculs de charges. © Guédelon
Menuisier - ébéniste H/F
Pour celles et ceux rêvant de travailler autrement, sans dégauchisseuse, sans raboteuse ni mortaiseuse… et qui souhaitent aborder le chêne en le respectant. Mais aussi qui aiment dessiner, tailler et assembler (fenêtres, portes, mobilier, etc.).
Charpentier H/F
À Guédelon, les charpentiers utilisent principalement le chêne. Chaque arbre est choisi "sur pied" en fonction de sa longueur, de son diamètre et de sa forme ; puis abattu en fonction d'un besoin précis aux coins et à la hache. Une fois l'arbre abattu, les charpentiers l'équarrissent rapidement pendant que le bois est vert afin de faciliter le travail à la hache et à la doloire.
Les charpentiers réalisent ensuite toutes les charpentes du château et assemblent également les cintres en bois qui vont soutenir les maçonneries des voûtes durant leur construction. Pendant toute la durée de la construction du château, ces derniers vont aussi élaborer ingénieusement des échafaudages évolutifs, démontables et réutilisables. Ils assemblent également les engins de levage comme les poulies, les treuils, les chèvres, les cages à écureuil, etc.
Enfin, les charpentiers réalisent l'ensemble du petit matériel nécessaire au déroulement du chantier (brouettes, gamates pour le mortier, règles, archipendules, ...).
Tailleur de pierre-carrier - H/F
Le métier de carrier nécessite un sens développé de l'observation pour pouvoir extraire des blocs de bonne qualité sans s’épuiser à la tâche. Le carrier décrypte la roche en observant sa couleur : il cherche ainsi les lignes de fractures naturelles de la pierre. Plus la pierre est "bleue", plus elle sera difficile à tailler : le carrier préfèrera un banc de pierre rouge foncé.
Il faut parfois plusieurs années pour "savoir lire la pierre". © Guédelon
Après avoir trouvé la meilleure ligne de fracture, le carrier perce des trous en ligne appelés les lumières, puis place dans ces trous des coins métalliques sur lesquels il frappe à la masse. L'onde de choc va fendre le bloc de façon nette et précise.
Quant aux tailleurs de pierre, ils travaillent le grès (pierre brune) et le calcaire (pierre blanche). Ils maîtrisent la géométrie et se servent d’un plancher d’épure pour dessiner au sol les ouvrages à réaliser.
Les gros cordages, appelés torches, permettent d’absorber les ondes de choc et de protéger les arêtes de la pierre. © Guédelon
Tuilier - H/F
Les tuiliers moulent et cuisent toutes les tuiles et carreaux de pavement du château. Ils utilisent l'argile extraite du sol du chantier. Cette dernière est foulée, nettoyée, battue puis moulée (les tuiliers disposent de plusieurs tailles de moules selon les différentes utilisations dans le château). Une fois sèchent, les tuiles sont mises à sécher durant plusieurs jours dans des claies.
Les tuiliers réalisent également des briques en terre crue, utilisés pour remplir les murs de certains ateliers.
Deux ou trois fois par saison, les tuiliers cuisent leurs tuiles et carreaux de pavement devant les yeux intéressés du public. © Guédelon
La tour de la chapelle surplombe une salle, qui est le lieu de convergence de tous les savoir-faire présents à Guédelon : les maçons ont élevé les murs circulaires de la tour et implanté la fenêtre à remplage et les trois fenêtres en lancette ; parallèlement, ils ont poursuivi l'escalier en vis, avec la pose de 24 marches supplémentaires. Cet escalier, pris dans l'épaisseur de la tour, part de la cour et dessert les étages supérieurs de la tour de la chapelle. Les tailleurs de pierre ont réalisé le lavabo liturgique et les charpentiers la galerie en bois qui contourne la chapelle par l’extérieur et qui permet à la garde de relier le chemin de ronde au nord à la courtine ouest. © Guédelon
Contrairement à la plupart des chantiers de construction, Guédelon est ouvert au public, car c'est là l’une de ces vocations : montrer et expliquer à un public le plus large possible des savoir-faire ancestraux et donner l'opportunité à ce même public d'échanger avec les ouvriers passionnés du chantier.
Source : batirama.com / Laure Pophillat / © Denis Gliksman / Yonne Tourisme