Réformer MaPrimeRénov’, fermer l’ADEME, ... : que veut vraiment le gouvernement ?!

Les attaques contre la rénovation énergétique et la protection de l'environnement se multiplient : le gouvernement veut réformer profondément MaPrimeRénov’, baisser ses crédits et ... fermer l’ADEME !

Soutenir la lutte contre le réchauffement climatique, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, protéger l’environnement, … tout ça vient butter sur la recherche d’économies budgétaires. Deux annonces récentes en témoignent : selon une forte rumeur, le gouvernement veut réformer MaPrimeRénov’ et baisser les crédits publics qui lui sont affectés, une partie du monde politique veut carrément fermer l’ADEME.

 

 

 

Réformer MaPrimeRénov’ et baisser ses crédits

Selon une méthode éprouvée, le gouvernement n’a pas officiellement annoncé qu’il allait réformer MaPrimeRénov’ et baisser ses crédits. Il a organisé une fuite dans Le Parisien du 18 janvier. On y apprend que le gouvernement envisage trois choses :

– premièrement, concentrer MaPrimeRénov’ sur la rénovation d’ampleur ;

– deuxièmement : réduire les crédits publics affectés à MaPrimeRénov’ de 700 millions d’euros en 2025,

– Enfin, et troisièmement : financer les monogestes exclusivement par les CEE.

 

Si cet objectif de réduction est mis en œuvre, les crédits publics affectés à MaPrimeRénov’ en 2025 atteindront 1,6 milliard d’euros.

Souvenons-nous : ce budget était de 3,4 Md€ en 2023, il avait initialement augmenté à 5 Md€ dans la loi de Finances 2024, avant d’être raboté à 4 Md € en février 2024, puis annoncé à 2,5 Md € dans le projet de loi de Finances 2025 en novembre 2024, avant ces nouvelles rumeurs.

 

Selon l’ANAH, au cours des 3 premiers trimestres 2024, 70 601 dossiers de rénovation d’ampleur ont été déposés et 42 745 engagés. Au cours de ces 3 premiers trimestres 2024, pour les ménages aux revenus modestes et très modestes, le coût moyen d’un projet de travaux était de 53 472 € et le montant moyen de MaPrimeRénov’ de 41 608 €. © PP

 

 

En ce qui concerne le parcours par geste, 172 878 dossiers ont été déposés au cours des 3 premiers trimestres 2024 et 188 250 dossiers engagés : des dossiers déposés fin 2023 ont en effet été engagés seulement en 2024. © PP

 

 

"Au total, dit l’ANAH, ce sont 230 995 logements qui sont en cours de rénovation énergétique, dont 18 % de rénovation d’ampleur grâce à 1,85 milliards d’euros d’aides accordées dans le cadre de MaPrimeRénov’, générant plus de 4,2 milliards d’euros de travaux". Nous sommes très loin des 700 000 rénovations jugées nécessaires par le SGPE (Secrétariat général à la planification écologique).

N’oublions pas, par ailleurs, que depuis le 1er janvier 2025, en raison de l’absence de loi de Finances, l’État ne paie plus les sommes pour les dossiers entamés avant le 1er janvier. Il ne recommencera à payer que lorsqu’une loi de Finances 2025 sera entrée en application.

De plus, si des changements importants sont apportés à MaPrimeRénov’ en ce début 2025, il se passera encore plusieurs mois avant qu’ils ne soient publiés, compris et pris en compte par les acteurs de la rénovation.

Dans un optimisme fou, nous pouvons parier sur avril 2025. De manière réaliste, comptons plutôt sur juin pour que ces nouvelles mesures soient prises en compte. Ce qui ne va pas améliorer l’activité des artisans et des entreprises actives dans la rénovation en 2025. Rappelons que les CEE ont un cours, plutôt qu’un prix : il y a un marché. Sur le marché spot, suivi par EMMY, le prix des CEE a varié en 2024 entre 8,34 et 7,56 €/kWhcumac. Comment les entreprises et les artisans pourront-ils annoncer avec certitude un montant d’aide à leur client final au moment où ils remettent un devis de travaux ? Tout ça va certainement renforcer la confiance des ménages, des artisans et des entreprises dans les aides publiques à la rénovation énergétique des logements.

En tout cas, les changements relativement modestes que nous décrivions récemment pour MaPrimeRénov’ en 2025 vont certainement disparaître au profit de modifications plus profondes.

 

 

 

Supprimer l’ADEME

Autre nouvelle marotte, plusieurs voix à droite de l’échiquier politique se sont récemment élevées pour proposer la suppression de l’ADEME : pour éliminer les frais fixes et les frais de structure, Valérie Pécresse veut confier les missions de l’ADEME aux régions. Elle est suivie par Laurent Wauquiez et Gérard Larcher qui souhaitent juste supprimer l’ADEME et d’autres agences publiques, sans préciser ce qu’il adviendrait de leurs missions. Mais comme ils placent leur proposition dans le cadre de la simplification et de la réduction des normes, il n’est pas impossible qu’ils imaginent réduire drastiquement toutes les politiques publiques dont l’ADEME a la charge.

L’ADEME a fini par réagir le 15 janvier. L’établissement public, placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, y précise avoir géré 3,4 milliards d’euros pour le compte de l’État en 2024, dont "92 % ont directement financé" des projets "pour accompagner les collectivités et les entreprises dans la transition écologique". Ces projets concernent notamment la décarbonation de gros acteurs industriels, le développement de réseaux de chaleur auprès de collectivités locales, la gestion des déchets et le traitement des friches, ainsi que l'explique l’ADEME. "On a l'impression que ces 3,4 milliards, c'est de l'argent que l'ADEME dépense. Ce n'est pas le cas. Les entreprises n'ont jamais eu autant besoin de l’État qu'aujourd'hui, dans l'accompagnement à la décarbonation. C'est vrai pour les territoires aussi", a déclaré à France Info Sylvain Waserman, le PDG de l’ADEME.

L’efficacité du Fonds Chaleur géré par l’ADEME, notamment, est universellement reconnue.

 

Depuis quinze ans, le Fonds chaleur a permis d’aider plus de 8 500 installations d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R), dont 3 800 km de réseaux de distribution grâce à 4,28 milliards d’euros d’aides ayant généré près de 14 milliards d’euros d’investissements. Cela représente près de 45,4 TWh/an de production additionnelle d’EnR&R, équivalent de la consommation de chaleur d’environ cinq millions de logements. © PP

 

 

De plus, les programmes France Relance et France 2030 ont permis d’accompagner la production de chaleur à partir de biomasse pour la cible industrielle à hauteur de 6,4 TWh/an. Le bilan cumulé de l’ensemble de ces dispositifs conduit à une production thermique additionnelle de 52 TWh/an. Le Fonds chaleur est l’un des leviers les plus efficaces pour la décarbonation et la baisse de la dépendance aux fossiles (efficience moyenne 2023 de 48 E/tonne de CO2 évitée, 36 E/tonne de CO2 en incluant les dispositifs biomasse BCIAT et BCIB de France 2030). Le ratio de l’aide rapportée à la production additionnelle sur 20 ans est de 10,7 €/MWh.

 

La totalité du budget 2023 du Fonds chaleur, soit 601 ME, budget a été engagée. Ce programme a permis d’accompagner près de 1 400 installations en 2023 (contre 900 en 2022). Cette hausse s’explique essentiellement par la montée en puissance des contrats Chaleur Renouvelable, permettant l’accompagnement de nombreux projets de petite taille en milieu rural, valorisant principalement de la ressource biomasse. © PP

 

 

Le Fonds chaleur est majoritairement utilisé pour subventionner les investissements (513 M€) et dans une moindre mesure les études, pour financer des actions de formation ou de communication.

Concernant ces aides à l’investissement, les réseaux de distribution de chaleur, maillon essentiel du développement de la chaleur renouvelable, représentent l’un des premiers postes du budget avec 198 M€, ayant permis de financer 337 km de réseaux. Les chaufferies biomasse ont représenté 221 M€ d’aides, les géothermies (surface et profonde) 59 M€ et les équipements de récupération de chaleur fatale 25 M€. Pour le solaire thermique et les équipements de valorisation du biogaz par injection au réseau, ce sont respectivement 22 M€ et 8,5 M€ qui ont été engagés.

Les projets ayant bénéficié des aides à l’investissement du Fonds Chaleur 2023 permettront de produire 2,82 TWh/an de chaleur renouvelable et de récupération additionnelle. C’est la biomasse énergie qui contribue le plus à cette production de chaleur (47 %), suivie par la récupération de chaleur fatale (28 %), puis par la géothermie (12 %, en hausse de 47 % par rapport à 2022) et le solaire thermique (2 %) dont la production thermique a été multipliée par plus de deux par rapport à 2022. Les émissions annuelles évitées par ces nouvelles installations s’élèvent à environ 626 000 tCO2/an.

 

 

Dans ces conditions, pourquoi vouloir supprimer l’ADEME, disperser ou faire disparaître le savoir-faire, l’expertise technique et scientifique qu’elle détient ?


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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