L’essor d’un leader de la construction bois

Il y a un an, la société OBM Construction reprenait la société normande Poulingue. Interview de Tristan Lheure, directeur général d’OBM Construction et président de la SASU SN Poulingue.

Tristan Lheure, OBM Construction a surpris le monde français de la construction bois a plusieurs reprises récemment. D’abord, par la réalisation d’un bilan carbone, puis par l’entrée au capital, à hauteur de 41 % de la banque BPI et du Crédit Agricole, et enfin par la reprise d’un acteur de la construction bois au moins aussi important qu’OBM Construction. Que s’est-il passé ?

 

 

Tristan Lheure : Le 12 mars 2024, nous avons repris la société Poulingue au tribunal. Il s’agit pour OBM de la 13e reprise d’activités sous cette forme. Cependant, Poulingue est un gros morceau, avec un chiffre d’affaires 2023 comparable à celui d’OBM Construction, autour de 55 millions d’euros. Nos donneurs d’ordre sont complémentaires, plutôt les marchés publics pour OBM, mixte public / privé (tertaire, logements) pour Poulingue. Comme beaucoup de constructeurs bois français, Poulingue a subi le contrecoup des fortes hausses du coût des matériaux en 2022, sur des chantiers de promotion où ces hausses n’ont pas pu être absorbées. Poulingue était en forte croissance, mais manquait de trésorerie et le redressement s’est imposé le 15 novembre 2023.

 

Groupe scolaire Alice Milliat à Nantes, exemple du "modèle nantais" présenté au Forum Bois Construction en session d'ouverture 3.2 le mercredi 26 février. © OBM

 

 

J.T/Batirama : Qu’avez-vous fait depuis la reprise ?

Tristan Lheure : Nous avons créé une société par actions simplifiée unipersonnelle, la SN Poulingue, dont j’ai pris la présidence en complément de mes fonctions de directeur général d’OBM Construction. Nous avons conservé 60 % des effectifs, soit 90 personnes à Beuzeville dans l’Eure, à mettre en regard des 80 personnes du site d’OBM Construction à Chevilly dans le Loiret. Toute l’activité a été conservée sauf la construction de maisons haut de gamme en bois. L’usine, le bureau d’études, les conducteurs de travaux sont restés en place, la DAF, la DRH et les achats ont été mutualisés. Notre périmètre d’activité commun s’étend également désormais vers l’activité désamiantage, curage, déplombage, ainsi que le renforcement de structures, notre zone de chalandise évolue vers la Normandie et le Grand Ouest. Désormais, OBM Construction répond plutôt pour le neuf et face aux entreprises générales. SN Poulingue renforce sa compétence pour le marché essentiel de la réhabilitation, des surélévations, notamment en corps d’état séparés.

 

Le site normand de Beuzeville a préfabriqué des centaines d'ouvrages dans la régon parisienne. © OBM

 

 

 

J.T/Batirama : Quel est le bilan de la première année ?

Tristan Lheure : la SN Poulingue boucle avec 13 millions de CA, à l’équilibre heureusement. OBM Construction a réalisé un CA de 53 millions d’euros. Nous sommes confrontés sur les marchés publics à des plans d’économie, des prix tirés, voire une véritable guerre des prix dans les appels d’offre, où le nombre de compétiteurs est passé d’une moyenne de 3 à 5 voire 8.

Comme nous l’indiquent nos contacts avec les architectes, le pire reste à venir. Nos carnets de commande restent pour l’instant stables mais nous anticipons une activité inférieure en 2025 à celle de 2024. 

 

Chevilly, site historique d'OBM, se distingue par beaucoup d'espace et une liaison ferroviaire porteuse d'avenir. © OBM

 

 

 

J.T/Batirama : Le marché scolaire ne reste-t-il pas porteur ?

Tristan Lheure : c’est vrai. En 2024, nous avons livré le groupe scolaire Alice Milliat à Nantes, présenté le 26 février prochain au Forum Bois Construction du Grand Palais. Mais aussi l’école Simone Veil à Villepinte, et le groupe scolaire de Tosse.

En ce moment, nous réalisons deux gros chantiers, dont le groupe scolaire de Bobigny. Mais pour 2025, à nouveau, l’accent sera mis sur le scolaire avec la livraison du lycée de Châteauneuf-sur-Loire, du groupe scolaire de La Verrière (78), d’un internat d’excellence en Île-de-France, et enfin d’un collège à Vénissieux en bois-paille.

 

 

 

J.T/Batirama : Comptez-vous appliquer à la SN Poulingue les démarches vertueuses entreprises chez OBM Construction ?

Tristan Lheure : À Chevilly, nous avons ouvert le capital de l’entreprise aux employés : un quart des effectifs se répartissent 8,5 %, et à terme, nous allons étendre ce modèle en Normandie.

Même chose pour ce qui est de la mesure de l’empreinte carbone. OBM Construction a été l’une des premières entreprises de la construction bois à mesurer son empreinte carbone, un nouveau diagnostic est en cours avec la BPI. Il est apparu que seul 10 % des 18 000 tonnes de l’empreinte sont de notre fait, (usine, énergie, voitures…), 50 % relevant de la sous-traitance, 40 % de l’exploitation des bâtiments construits. Notre activité métal pèse lourd mais nous tentons de recourir aux aciers de réemploi. Notre objectif est de diminuer l’empreinte de 30 % d’ici 2030 (5 ans).

De toute façon, l’Europe impose la CSRD aux grands groupes, soit un rapport annuel de durabilité. Il n’est pas encore demandé à des structures de la taille d’OBM Construction, mais nous nous y préparons. Notre cas a montré que la prise en compte du contexte climatique devient économiquement opérante. Le calcul de notre empreinte carbone et l’idée de bâtir notre siège social en réemploi a stimulé l’entrée au capital de BPI et du Crédit Agricole, ce qui nos a aidé à reprendre la société Poulingue dans de bonnes conditions. L’activité curage de Poulingue renforce notre position sur le marché émergent du réemploi. La CSRD étendue à des entreprises de moindre taille, et malheureusement la réalité climatique, poussent les donneurs d’ouvrage à faire appel à nous, à la fois dans le public et le privé. 

 

Source : batirama.com / Propos recueillis par Jonas Tophoven © OBM

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