Dans une récente décision du 12 juin 2024 (n° 22-20962), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle l'importance du formalisme en matière de contrat à durée déterminée. Me Taquet revient sur le sujet.
Dans une récente décision du 12 juin 2024 (n° 22-20962), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle l'importance du formalisme en matière de contrat à durée déterminée. Et il est intéressant de constater que la solution dégagée doit être étendue à l’ensemble des contrats de travail.
Faute pour l'employeur de produire l’original d'un contrat, un CDD doit être requalifié en CDI
Dans cette affaire, un salarié embauché sous contrat à durée déterminée de trois mois, avait saisi au terme de son emploi le Conseil de Prud'hommes afin de demander la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. La Cour d'appel avait refusé d'accéder à la demande du salarié dans la mesure où l'employeur avait présenté à l'audience la copie d'un CDD comportant une signature qui s'avérait identique à celles figurant sur deux autres documents formalisés par le salarié, soit un courrier adressé à son employeur et un contrat de travail conclu avec un autre employeur.
Toutefois, la Cour de cassation annule cette décision en invoquant le fait que lorsqu'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, les juges ne peuvent vérifier l'authenticité de celle-ci qu'au vu de l'original de l'écrit contesté. Pratiquement donc, et faute pour l'employeur de produire l’original du contrat, le CDD devait être requalifié en CDI.
Certes, cette solution rendue dans le cadre du contrat à durée déterminée peut être étendue aux contrats de travail temporaire mais encore à tous les contrats de travail et donc aux contrats à durée indéterminée.
Moralité de cette histoire : l'employeur se doit d'être très attentif aux signatures apposées sur les contrats de travail et ne peut faire abstraction du formalisme.
Procédure de licenciement d’un salarié
La lettre recommandée de convocation à l'entretien préalable est une condition sine qua non
La procédure de licenciement d’un salarié est irrégulière si la lettre recommandée de convocation à son entretien préalable ne lui a pas été présentée, peu important que cette absence de présentation résulte d’une erreur de La Poste (Cass soc. 11-12-2024 pourvoi no 22-18.362).
La procédure de licenciement d’un salarié est irrégulière si la lettre recommandée de convocation à son entretien préalable ne lui a pas été présentée, peu important que cette absence de présentation résulte d’une erreur de La Poste (Cass soc. 11-12-2024 pourvoi no 22-18.362). © Freepik
Cette solution peut sembler bien sévère pour l’employeur qui n'est pas responsable de la situation. Après tout, celui-ci n’a commis aucune erreur dans la procédure de convocation du salarié à l’entretien préalable. Ne confondons-nous pas ici la responsabilité de la poste avec celle de l'employeur ?
Pratiquement cette position peut s'expliquer par le fait que le salarié n’a pas pu bénéficier du délai de 5 jours ouvrables prévu par l’article L 1232-2 du Code du travail pour préparer sa défense et rechercher une assistance dans la mesure où il n’a jamais eu connaissance qu’une lettre avait été présentée à son domicile. Bien évidemment la situation eut été différente si le salarié, avisé du passage de La Poste, n’avait pas été retirer sa lettre de convocation.
Qui signe une lettre de licenciement dans l’entreprise ? (Cass soc. 8 janvier 2025, pourvoi n° 23-12462)
Cette position paraît cohérente : par défaut, la signature d’une lettre de licenciement incombe au représentant légal de l’entreprise, souvent le dirigeant de l'entreprise.
Et qu’en est-il si c’est le responsable RH qui signe le courrier de rupture ? Pour les tribunaux, un responsable des ressources humaines ne peut signer une lettre de licenciement que si une délégation de pouvoir a été établie.
Quid du licenciement d'un salarié en arrêt de travail ?
Pas de précipitation pour licencier un salarié en arrêt de travail, surpris en train de donner un coup de main à un ami (Cass soc. 27 novembre 2024 pourvoi no 23-13056). En l’espèce, un chef d’équipe dont le contrat de travail était suspendu à la suite d’un accident du travail avait été licencié pour faute grave (manquement à son obligation de loyauté). Son employeur lui reprochait d’avoir exercé une activité concurrente de la sienne durant son arrêt de travail, en participant sur un chantier chez un particulier, malgré un premier avertissement pour des faits de même nature, et de s’être approprié, sans autorisation, du matériel de l’entreprise. Or :
– l’activité concurrente n’était pas établie, puisque le salarié était intervenu à titre amical et bénévole, l’employeur ne démontrant pas que le salarié aurait perçu une rémunération ;
– Le détournement de marchandises appartenant à l’entreprise n’était pas davantage établi, le béton ayant été facturé à son ami, le salarié ayant seulement passé commande ;
– La récupération, y compris dans l’enceinte de l’entreprise, de bidons abandonnés ne constituait pas une faute grave, pas plus que l’absence du salarié de son domicile, entre 9 heures et 11 heures.
Le licenciement intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail était donc abusif.
Du côté de la jurisprudence
Droit du travail
Ayant relevé que le report de date de convocation à l'entretien préalable au licenciement avait été décidé à la seule initiative de l'employeur, il en résultait que le point de départ du délai d'un mois pour notifier le licenciement à la date prévue pour le premier entretien préalable courait à partir de ce premier entretien, quand bien même celui-ci n'avait pas eu lieu et avait été remis (Cass soc. 18 décembre 2024 pourvoi n° 23-18274).
Présomption de démission en cas d’abandon de poste : la mise en demeure doit indiquer les conséquences de l’absence de reprise du travail sans motif légitime (mention qu’à défaut de reprise du travail dans le délai imparti ou de motifs légitimes, le salarié sera considéré comme ayant démissionné de son poste) (Conseil d’État. 18 décembre 2024. 473640, 473680, 474392, 475097, 475100, 475194)
Le contrat à temps partiel est requalifié en contrat à temps plein en l’absence de mention relative à la répartition du temps de travail, dès lors que l’employeur ne démontre pas que la salariée n’était pas dans l’obligation de se tenir en permanence à sa disposition, l’argument tenant au fait qu’elle était étudiante ne saurait suffire (Versailles 2 décembre 2024 RG no 22/00914).
URSSAF / Paie
Il résulte des articles R. 243-59-2 et R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, qu'en dehors des dérogations prévues par ces textes, le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l'employeur permet à l'agent de recouvrement de calculer le chiffre exact des sommes à réintégrer dans l'assiette des cotisations. Dès lors que l'URSSAF a à sa disposition les éléments de la comptabilité permettant d'établir le redressement sur des bases réelles, elle ne peut pas recourir à une autre méthode d'évaluation, même d'un commun accord avec le cotisant, sous peine de nullité du contrôle (Cass civ.2°. 9 janvier 2025. pourvoi n° 22-13480).
Source : batirama.com / Me François Taquet