Le parquet a requis quatre ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende contre un homme pour avoir loué 29 appartements dans une co-propriété dégradée de Marseille, ville marquée par le mal-logement.
Un mois et demi après la fin du procès retentissant des effondrements meurtriers en 2018 de deux immeubles rue d'Aubagne dans le centre de la deuxième ville de France, marquée par le mal-logement, le tribunal correctionnel jugeait Abdelmajid Bensaïd, 47 ans, pour avoir "soumis des personnes vulnérables à des conditions d'hébergement contraires à la dignité humaine".
Marseille compte 40 000 logements insalubres, soit 10 % de son parc immobilier. Depuis 2018, 925 immeubles y ont été évacués.
L'immeuble Gyptis, l'une des copropriétés les plus dégradée de Marseille
Abdelmajid Bensaïd, qui se définit comme "entrepreneur", possédait 29 studios dans l'immeuble Gyptis, "une des copropriété les plus dégradée de Marseille, et de fait, une des plus dégradée de France", selon le procureur.
Entre mars 2022 et février 2023, alors que l'immeuble faisait l'objet d'un arrêté de péril impliquant la suspension des loyers, le marchand de sommeil a continué à faire payer ses locataires pour vivre dans ce "bidonville à la verticale", infesté de puces, de rats et de cafards, en proie aux :
– ordures dans les couloirs et aux fuites d'eau (jusqu'à trois centimètres d'eau dans certains couloirs) ;
– aux squatteurs, dont certains tentaient des raccordements sauvages, tandis que d'autres sciaient les canalisations pour les revendre ;
– aux bagarres, voire aux meurtres, sur fond de trafic de drogue.
Les photos prises par les enquêteurs montrent des murs couverts de moisissures, des logements en partie incendiés, d'autres sans portes, ainsi que des surfaces inondées et des inscriptions "Shite Cok" taguées en rouge dans le hall.
Des témoignages accablants
"Le matin, tu te réveilles, tu vois les tâches de sang", a témoigné un ancien locataire, "J'arrive pas à oublier mon enfant", a également témoigné Assia C. De nationalité algérienne, elle a vécu trois ans et demi dans le bâtiment. En 2021, enceinte de cinq mois, elle fait une fausse couche quelques jours après un incendie dans l'appartement voisin. Presque tous les anciens locataires sont alors des étrangers en situation irrégulière.
En moyenne, les victimes versaient chaque mois 400 euros de loyer au propriétaire, ancien responsable chez McDonald, qui explique avoir investi ses indemnités de départ pour acheter les studios, en moyenne 12 000 euros chacun. Abdelmajid Bensaïd a assuré avoir voulu "aider", se disant "victime de sa gentillesse" ...
Son avocate, estimant que "ce procès est l'illustration de l'hypocrisie du système" autour du mal-logement, a demandé au tribunal de prononcer une peine plus légère.
Les marchands de misère
Kaouther Ben Mohamed, présidente de l'association Marseille en colère, qui lutte contre l'habitat insalubre et était partie civile, a dénoncé à la barre "des marchands de misère", profitant de personnes qui "pour se mettre à l'abri de la violence de la rue, paient des loyers pour des habitations qui n'en sont pas".
La décision a été mise en délibéré au 3 mars.
Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat