Modernité frugale

Mies van der Rohe revisité avec de la paille : c’est l’image qui vient à l’esprit en découvrant la maison Trilogis, en cours de livraison par l’agence Karawitz, pionnière de l’architecture passive en France.

L'agence Karawitz – contraction des noms de ses fondateurs, Milena Karanesheva et Mischa Witzmann – conjugue conception architecturale, enseignement à Paris et en Côte d'Ivoire, et engagement auprès de la Maison du Passif et de l'ICEB.

Son actualité est dense : une exposition tout le mois de février à la Galerie d'Architecture (Paris, rue des Blancs-Manteaux), la coordination du montage du Pan'Auditorium – deuxième auditorium éphémère du Forum Bois Construction –, et deux conférences lors de cet événement. Karawitz figure également parmi les 90 agences sélectionnées pour l'exposition Galerie de l'Architecture Bois/Biosourcé du XXIe siècle.

 

Pan'auditorium en maquette à la Galerie d'Architecture, dans deux semaines en vrai visible des balcons de la Galerie de l'Architecture Bois/Biosourcée du XXIe siècle. © JT

 

 

 

Sur la paille

L’inauguration de l’exposition de la rue des Blancs-Manteaux a eu lieu le 4 février dernier, des visites sont proposées tous les samedis à 16h dans ce quartier du Marais très visité. Le grand public est attiré par les maquettes disposées sur des bottes de paille de Profibres (22 cm), qui seront réutilisées en formation Pro-Paille. De fait, l’agence Karawitz livre à Fontainebleau une maison allongée en pleine forêt, passive, avec des caissons de paille en toiture, en plancher sur vide sanitaire. L’isolation des murs est en fibre de bois.

 

À la Galerie d'Architecture, les visites guidées courus du samedi après-midi. © JT

 

 

Ingénierie paille

Il est de plus en plus courant d’associer la recherche d’une isolation passive à la paille. Mais il est encore assez rare de voir comment cette isolation est utilisée pour les faces horizontales d’un bungalow sur pieux. Il faut savoir manier les règles de calcul du passif, les règles professionnelles de la paille et surtout disposer d’un recul qui, dans le cas de la maison Trilogis, amène la précaution d’une sur-toiture et d’un auvent, ménageant à la paille un espace de ventilation sous l’étanchéité, et la préservant au maximum de l’exposition aux intempéries. "En construction bois, et à plus forte raison en construction bois-paille, il faut régler tous les croquis de détails et cela prend du temps", explique Milena Karanescheva de l’agence Karawitz.

 

 

 

Se positionner face au soleil

Premier bâtisseur d’une maison individuelle certifiée PassivHaus en France dès 2008, Karawitz est alors déjà un connaisseur pionnier des panneaux massifs en CLT. Ses façades fines en claire-voie font la joie des photographes. Leur pureté est aussi le fruit d’un calcul de durabilité. Construire sur pieux, en dessinant une architecture de la légèreté, rejoint la préoccupation de l’agence, qui interprète le mot climat dans son sens grecque d’origine comme positionnement ou inclinaison par rapport au soleil. "Il ne s’agit pas que du positionnement bioclimatique et physique d’un ouvrage, mais aussi d’une inclination globale", explique Mischa Witzmann.

 

Tout Karawitz en une image. Maison Trilogis, Forêt de Fontainebleau. © Karawitz

 

 

 

La France, l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie…

Quant à Milena Karanesheva, elle revendique l’apport en France des traditions germaniques (allemandes et autrichiennes) de son mari, mais aussi de ses ascendances bulgares. À l’entrée de l’exposition, parmi les photos qui témoignent des sources d’inspiration de l’agence, glanées au fil de voyages, certains domiciles familiaux bulgares montrent à quel point la construction bois y est ancrée et spécifique, mêlant le dedans et le dehors, la structure brute et l’aménagement intérieur, le résineux et le feuillu.

 

 

 

L’ingénierie au service de l’économie

Cette ressource de connaissance et d’inspiration riche, Karawitz l’a mobilisée avec la création du Pan’auditorium, un ouvrage qui caractérise une nouvelle fois la maîtrise de produits industriels du bois au profit d’une économie. Piveteaubois a taillé ses panneaux CLT de façon à ce que la structure porteuse s’emboîte sans vissage, tandis que les parements sont des panneaux en format de production standard, déposés et récupérés après l’événement. Les poteaux porteurs peuvent être utilisés comme support de présentation de panneaux dans de multiples configurations, ou réutilisés pour d’autres événements.

 

 

 

La modularité du jazz

De même que Karawitz maîtrise les panneaux massifs CLT et les tenants et aboutissants des équipement de ventilation passive, Karawitz fait parties de agences qui tirent partie de la modularité et donc de la préfabrication hors-site. Mais cette approche créative est toujours perçue comme celle d’un morceau de jazz. Il y a des invariants, mais aussi un espace pour la liberté d’improvisation. Les projets en cours, mais aussi le Pan’auditorium, le révèlent bien : la préfabrication ne contraint pas, mais autorise au contraire le déploiement architectural.

 
Source : batirama.com /Jonas Tophoven © Karawitz

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