La Cour des comptes juge que la politique française en matière de lutte contre le changement climatique manque de "cohérence", est "insuffisamment évaluée".
"Les mesures prises au niveau national sont foisonnantes", mais "insuffisamment évaluées et n'ont pas la cohérence nécessaire", a résumé le premier président de la Cour Didier Migaud, en présentant ce rapport devant la Commission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.
"La Cour recommande de renforcer le pilotage de cette politique qui est interministérielle par nature", a-t-il ajouté. Le rapport de 600 pages porte sur la "mise en oeuvre par la France du paquet énergie-climat" de l'Union européenne qui pose des objectifs en matière de lutte contre le changement climatique, dont une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2020.
La France s'est par ailleurs donné pour objectif de porter à 23% la part des énergies renouvelables dans sa consommation d'énergie finale. "Les objectifs pour 2020 sont atteignables mais difficilement", juge la Cour, d'autant que "les projections retenues reposent sur des hypothèses (...) parfois irréalistes en matière de construction de logements neufs ou de rénovation thermique", a précisé M. Migaud.
Des secteurs négligés
Le gouvernement entend rénover 500.000 logements par an d'ici 2017. Depuis 2005, les émissions de GES de la France ont diminué de plus de 13%. "Toutefois, cette situation est le résultat d'évolutions contrastées selon les secteurs", souligne le rapport.
"La crise économique a beaucoup joué dans la réduction des émissions industrielles", a relevé M. Migaud. La Cour reproche au gouvernement d'avoir négligé les secteurs du transport, qui représente 27,9% des émissions de GES, et de l'agriculture (21,2%). L'industrie compte pour 22%, et le logement et activités de service, 18,2%.
Pour le logement, la Cour estime que "l'efficience des mesures apparaît très variable", critiquant le crédit d'impôt développement durable ou l'éco-prêt à taux zéro. Quant aux énergies renouvelables, "l'État n'a pas suffisamment mobilisé ses capacités d'expertise pour ajuster sa politique aux réalités", écrit la Cour, épinglant "le mauvais ajustement initial des tarifs de rachat de l'électricité photovoltaïque". "À l'inverse, certains dispositifs mériteraient d'être renforcés, comme le fonds chaleur".
Energies renouvelables : un objectif difficile
"La proportion des énergies renouvelables a progressé depuis 2005, passant de 9,6 % à 13,1 %" mais "pour l'horizon 2020, atteindre les objectifs supposerait que l'accroissement de production annuelle d'énergie à réaliser d'ici là soit six fois ce qu'il a été entre 2005 et 2011 pour l'électricité renouvelable et sept fois pour la chaleur renouvelable", un objectif "difficile", écrit la Cour.
Pour réaliser la transition énergétique promise par le gouvernement, la Cour estime que la France devra augmenter d'un tiers, voire doubler, chaque année jusqu'en 2050 ses investissements, qui s'élèvent actuellement à 37 milliards d'euros (fonds publics et privés).
Elle appelle à mesurer autrement les performances en matière de lutte contre le changement climatique, et prendre aussi en compte le contenu en carbone des importations. Avec un tel calcul, "l'empreinte carbone par personne a augmenté de 5% de 1990 à 2007" en France.
Source : batirama.com / AFP