Concurrencée par le béton prêt à l?emploi et « attaquée » par le Bois, l?industrie du béton veut tirer son épingle du jeu malgré la morosité. Explications de son président Jean Bonnie.
Bâtirama : A l’heure de l’assemblée générale de la Fédération de l’industrie du béton (FIB), quel est le sentiment général de la filière ?
Jean Bonnie
: Les industriels du béton son inquiets car ils dépendent du marché du Bâtiment d’une part et des travaux publics d’autre part. Les mises en chantier de logements sont en chute libre et les indicateurs de la FNTP sont en baisse. Nous vivons avec la perspective de ne pas assurer les 335 000 logements prévus par la FFB et si c’est le cas, nous allons entrer dans une crise très dure.
On sait que les trésoreries de nos entreprises se tendent, et qu’il y a eu des plans sociaux dans les entreprises les plus importantes. Quant aux petites entreprises, elles essaient de garder leur personnel. Toutes les entreprises, à ma connaissance, ont arrêté les embauches en intérim, sauf exception. Donc, on est en période de morosité.
Quant au matériau béton, comment réagit-il face à cette conjoncture ?
Il y a quelques années, les blocs béton ont été attaqués par les produits rouges, c'est à dire la brique. L’attaque a été violente et nous avons perdu des parts de marché importantes, mais il semblerait que ça se stabilise, selon nos indicateurs. Ils ne prennent plus de parts de marché supplémentaires.
Le deuxième problème est très spécifique : les industriels du BPE, (béton prêt à l’emploi) qui sont nos cousins, nous ont repris des volumes, en ce qui concerne les surfaces horizontales (ndlr : prédalles). Nos produits sont attaqués en tonnage puisque les prédalles ont chuté de 16 % l’année dernière.
Qu’est-ce qui explique cette concurrence sur les prédalles ?
Il s’agit d’un phénomène particulier puisque les entreprises du bâtiment coulent le plancher entièrement au lieu de nous acheter la prédalle, qui est un pré-plancher. Cela signifie qu’elles ont soit de la main d’œuvre à caser soit une main d’oeuvre étrangère illégale en France, qui n’est pas payé conformément à la directive européenne.
Sur le plan technique, les coffrages de chantier semblent avoir fait de beaux progrès. Les fabricants de coffrage ont réagi et font à nouveau une offre intéressante et tout le monde baisse les prix. Donc, on a une crise de part de marché sur ce produit là. Sur les autres produits, les produits béton suivent le marché qui est en baisse.
Quelles autres actions menez vous pour défendre votre profession ?
Nous menons des actions préventives en luttant contre cette mode qui consiste à répandre du bois dans les constructions ou des matériaux biosourcés. Le bois en maison individuelle a pris une part de marché entre 10 et 12%. Et nous luttons pour que ça ne s’étende pas davantage. Il y a un travail de lobyying auprès des ministères, et des organismes pour essayer de démonter les arguments du bois et éviter qu’il ne soit imposé par voie réglementaire dans les constructions…
Et le produit béton, comment évolue-t-il ?
On voit apparaître des blocs à isolation intégré par exemple, et on peut noter que la technologie du Prémur évolue assez vite : elle va vers des offres sophistiquées intégrant l’isolation, les réseaux, l’électricité. C’est un produit qui prend une place importante dans la construction.
Quant aux autres produits, je ne vois pas d’évolution majeure dans les 5 ans à venir. Il y aura des évolutions, sur la voirie par exemple, car il y en a toujours. Mais, il n’y aura pas de révolution comparable au prémur, qui est un produit allemand né, il y a 10 ans…
Comment voyez vous l’évolution de la mise œuvre des produits béton ?
Je pense que la manutention des produits restera assez forte dans le BTP. Tout dépendra aussi de l’évolution des produits : si le prémur fait une percée en maison individuelle, dès lors, on assistera à une certaine automatisation des process car le prémur est transporté avec une grue.
On parle aussi de recherches pour une transposition de l’impression 3D dans le Bâtiment. Alors pourquoi pas une imprimante sur le terrain qui fabriquerait une maison ? On peut imaginer, des maisons standard construites sur place avec une grosse imprimante 3D, mais c’est pour un horizon lointain à mon avis…
Source : batirama.com / Fabienne Leroy