Compte pénibilité : décret et douche glacée pour le BTP

Le décret relatif aux critères du compte pénibilité a été publié alors que le dispositif ne s'appliquera qu?en 2016 dans le BTP. Certains risques avaient été reportés par décret en 2016.

Les organisations patronales espéraient encore pouvoir négocier et discuter les conditions d’applications du Compte pénibilité qu’elles jugent inapplicables en l’état dans le secteur du BTP.

 

Malgré d’intenses négociations en coulisse depuis plusieurs mois, personne ne s’attendait à la publication immédiate du décret (le 9 octobre) qui fait suite, rappelons-le, à la promulgation de la loi au mois de janvier 2014.

 

Ce projet de décret, qui n’a pas été modifié dans sa phase finale, avait pourtant été communiqué début juillet à l’ensemble des acteurs. La pression parlementaire et celle des syndicats en attente de ce texte depuis longtemps aura sans doute été la plus forte.

 

Quatre facteurs de pénibilité applicables en 2015

 

Deux dates doivent donc être retenues aujourd’hui par les employeurs. Le 1er janvier 2015, quatre facteurs de pénibilité (les plus faciles à évaluer comme le travail de nuit, le travail en équipe successive et alternante, le travail répétitif ou en milieu hyperbare…) seront d’application immédiate.

 

« Aujourd’hui, nous avons des seuils réglementaires bien définis car ils n’existaient pas auparavant. Ainsi, avant, le chef d’entreprise avait une certaine latitude pour définir lui même les seuils de pénibilité en fonction de son activité » explique un juriste qui s’est penché sur le dossier.

 

Pour tout salarié, exposé au delà de certains seuils réglementaires, après application de mesures de protection collective et individuelle (casque de protection auditive, appareils de protection respiratoire, engins de levage mécanique …), l’entreprise devra établir des fiches de prévention des expositions, transmises chaque année au salarié.

 

Six critères plus difficiles à évaluer applicables en 2016

 

Ces fiches déclencheront l’attribution de points aux salariés exposés dépassant les seuils fixés. Ce cumul de points permettra notamment au salarié de partir plus tôt à la retraite (dans la limite de 8 trimestres) ou de réduire son temps de travail avec compensation de la perte de salaire.

 

En revanche, six autres critères, considérés comme les plus difficiles à évaluer, n’entreront en application que le 1er janvier 2016. Il s’agit des postures pénibles, les vibrations, le port manuel de charges, les températures extrêmes, le bruit et les agents chimiques dangereux (où l’on attend encore des précisions, notamment la méthode d’évaluation de ces agents).

 

Les organisations patronales du BTP souhaitaient encore discuter de ces critères, notamment de celui relatif au port manuel des charges. L’application stricte des critères définis dans le décret s’avère pénalisante pour plusieurs catégories de professionnels, dont, le maçon par exemple

 

Trois facteurs de pénibilité pour le maçon

 

Si ce professionnel prend une charge au sol de 10 kg pendant 600 heures (le temps de travail annualisé est de 1800 heures), s’il lève et porte une charge de 15 kg pendant 600 heures (ce qu’un maçon fait quand il construit un mur dit traditionnel), il est déjà soumis à deux facteurs de pénibilité. S’il travaille dans une posture pénible, en maintenant ses bras au dessus de ses épaules, un 3e facteur de pénibilité s’ajoute.

 

Une posture à genoux, accroupie, une position du torse en torsion à 30 °, fléchie à 45 °, concernera très vite l’ensemble des professionnels du BTP, peintres, carreleurs...  Ce n’est pas tout, le dernier critère sur les agents chimiques dangereux, est en attente d’un arrêté. Certains se demandent si la poussière (fréquente sur les chantiers) ne sera pas prise en ligne de compte et comment elle sera évaluée sur les sites.

 

Le message induit n’est donc pas flatteur pour la profession que l’on peut estampiller de  « métier pénible ». Car échapper à ces critères sera difficile. Comment organiser en effet la polyvalence sur les chantiers (pour ne pas dépasser le quota des 600 heures) quand on gère une petite structure avec quelques salariés ?


Discussions avec les fournisseurs de matériaux "lourds"

 

Les organisations professionnelles, encore discrètes sur le sujet, ne sont pas restées les bras croisés. Certaines ont déjà entamé des réflexions avec leurs fournisseurs de matériaux « lourds ». Une charte a été récemment signée entre l’Union maçonnerie gros œuvre de la FFB et la Fédération française des tuiles et briques. Une réflexion est en cours avec la Fédération des industries du béton sur ce sujet.

 

En attendant, les entreprises échapperont difficilement aux cotisations qui se mettront en place à partir de 2016 pour financer le compte pénibilité, une conséquence qui fait grincer les dents d’une profession, aujourd’hui, en grande difficulté,…

 

« La mise en place de cette usine à gaz intervient au pire moment, alors que le moral des artisans et des entrepreneurs est au plus bas. Le gouvernement ne pouvait pas faire pire ! » a immédiatement réagi Jacques Chanut, président de la FFB, dans un communiqué dénonçant une nouvelle fois « l’usine à gaz » du compte pénibilité.

 

Source : batirama.com / Fabienne Leroy

 

Les cotisations des entreprises à venir…

 

La cotisation de base aura un taux de  0.01% à partir de 2017. Son objet est d’assurer l’équilibre financier du compte prévention pénibilité par la solidarité interprofessionnelle. Elle portera sur l’assiette de droit commun et sera soumise aux exonérations concernant les bas salaires dans les mêmes conditions que l’ensemble des cotisations sociales.

 

La cotisation spécifique (0,1% les deux premières années, puis 0,2 % à compter de 2017- doublée en cas de poly-exposition), payable début 2016 pour l’année 2015, n’est due que pour les salariés pour lesquels le seuil annuel est dépassé. Elle n’est pas soumise aux exonérations concernant les bas salaires.



 

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