La loi sur la transition énergétique a été votée le 14 octobre 2014. Alors que la Convention EEB démarre*, Christian Cardonnel (1) évalue les points forts et faibles de la Loi.
Bâtirama : La loi sur la transition énergétique répond-elle à tous les besoins ?
Christian Cardonnel
: C'est une loi qui a l’avantage de fixer des dispositions techniques précises. Le bâtiment est plutôt bien loti car l’on y trouve beaucoup de choses intéressantes le concernant, notamment sur les plans de l’énergie et du CO2, la dynamique de la transition dans le bâtiment neuf et rénové.
Concrètement, on peut noter plusieurs points positifs. C’est par exemple la rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017 et l’obligation de rénover, avant 2030, les bâtiments consommant plus de 330 kWhep/m².an (le périmètre de consommation -5 usages + usages domestiques- devant être précisé).
La mise sous tutelle du CSTB par le Parlement et la désignation de son président par le Conseil des Ministres : cette décision nous conduit à un équilibre juste entre le scientifique et le technique d’une part et un rôle de validation des Avis Techniques, d’autre part, ce qui va bien cadrer l’ensemble.
Quels sont les autres points positifs à signaler ?
C.C.
: On peut citer aussi le moteur de calcul de la RT 2012, qui va désormais se trouver dans le domaine public, la constitution d’un conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, la mise en place d’indicateurs de CO2 et l’intégration du calcul du CO2 dans les Règlementations Energétiques dès 2018.
On note par ailleurs avec satisfaction que les économies permises par la récupération des chaleurs fatales issues par exemple des eaux grises, de l’air extrait du bâtiment vont entrer dans les calculs.
Ce n’est malheureusement pas encore le cas des apports solaires directs (lumière et énergie) à travers les baies vitrées, mais nous gardons tout de même espoir, car le calcul du BBio l’intègre en partie ! Autre élément très positif c’est la création d’un carnet numérique de suivi et d’entretien du logement, point que j’avais initié dès 2011 avec le concept du Econfort®.
La loi comporte-t-elle néanmoins des carences ?
C.C. :
On peut regretter l’absence d’une accentuation au niveau de la formation, mais aussi de l’information. Or, les maîtres d’ouvrage font trop confiance à la filière, ce qui pose souci car celle-ci reste encore balbutiante et l’on constate que de nombreux éco-délinquants risquent ou sont déjà en train de sévir. La France manque de bons thermiciens d’assistance technique, notamment en rénovation de maisons individuelles et de copropriétés.
Il est donc indispensable de renforcer encore l’information auprès de tous les acteurs, jusqu’aux particuliers. Il est aussi essentiel de renforcer les contrôles, qui s’avèrent d’ailleurs quasi-inexistants, et au niveau desquels il convient de montrer plus de rigueur et de détermination.
Enfin, la loi prévoit le développement du tiers financement permettant à des sociétés publiques d'avancer des fonds aux particuliers souhaitant engager des travaux de rénovation énergétique. Mais comment va faire l’Etat pour fournir toutes ces différentes aides, alors que l’on sait qu’il manque de ressources ? Et si l’on oblige tous les bâtiments à être Basse Consommation, n’allons-nous pas vers un effet d’aubaine ?
Précisément, qu’en est-il des financements ?
C.C. :
Le manque de financements est total et il faut attendre la prochaine loi des finances pour avoir une vision éclairée. Cardonnel Ingénierie a récemment fait une étude pour la Fedene, qui constate qu’à peine la moitié des installations en copropriété est correctement entretenue et reçoit une maintenance suivie, alors que cette dernière peut conduire à près de 20% d’économies d’énergie. La gabegie est énorme, et l’on peut agir rapidement sans grands frais et avec une meilleure équité de confort pour les usagers.
Le label RGE suffira-t-il pour déclencher des travaux en nombre et surtout des travaux de qualité ?
C.C. :
Même si la loi a mis l’accent sur la technique et la science du bâtiment, on a besoin d’une formation plus fine et plus précise que ce dont on dispose à l’heure actuelle. La mention RGE doit se clarifier, se structurer et être mis en exergue pour toute la filière.
C’est tout l’ensemble de cette dernière qui doit se former et travailler en coordination si l’on veut obtenir des travaux de qualité conduisant à une bonne efficience. Les travaux réalisés doivent être contrôlés et commissionnés pour s’assurer d’une véritable performance. A mon avis, dans bien des cas le contrôle final doit pouvoir déclencher le versement des aides.
B. : La loi prévoit
l'embarquement obligatoire des travaux d'amélioration thermique lors des interventions normales de la vie d'un bâtiment. Or, il semble que l’Allemagne rencontre de gros problèmes avec ce type d’obligation. Est-ce finalement une bonne idée ?
C.C.
: Trop d’isolation peut tuer les économies. Avec une isolation embarquée, on risque en effet de tomber dans les mêmes problèmes qu’en Allemagne. On va isoler les façades, mais on oubliera les fenêtres et tout l’ensemble des réseaux fluides et aérauliques ou des menuiseries qui doivent également subir un traitement, sans compter la migration de la vapeur d’eau, des condensations qui ne sont pas bien prises en considération.
Tout ceci va coûter cher et/ou risque d’être peu efficient. On a montré qu’il faut une étude thermique et de faisabilité technique et économique spécifique pour réaliser des travaux efficaces. Malheureusement, ce n’est pas dans l’air du temps, alors qu’un audit énergétique ne coûte que 2 à 4 % des travaux.
A titre d’exemple, en maison individuelle, il coûtera environ 1 000 euros pour une enveloppe de travaux allant de 15 000 à 30 000 euros. En collectif, ce sera un audit de 5 à 10 euros/m2 d’études pour des travaux entre 200 et 500 euros/m2 : on saute réellement une étape peu coûteuse, mais essentielle pour permettre de vraies économies : la loi, là encore ne met pas suffisamment l’accent sur ce point.
Source : batirama.com / Michèle Fourret
(1) Cardonnel Ingénierie
* 11e Convention Efficience Energétique Bâtiment, Paris Cité des Sciences, le 21 Octobre 2014 www.convention-eeb.fr