BTR 480
22 BATIRAMA N°480 I AOÛT - SEPTEMBRE 2018 ACTUALITÉ MÉTIERS Une première démonstration de la nouvelle version d’un outil portatif de taille de charpente s’est déroulée à Belcaire dans l’Aude avant la commercialisation prévue en juin 2019. S on nom, Oakbot, combine le terme anglais pour désigner le chêne, et le suffixe ‘bot’ pour robot. Pour- tant, il ne s’agit pas d’un robot pour tailler du chêne : cet outil portatif permettra de tailler des charpentes de la même manière que les centres de taille à commande numérique, mais de façon foraine et pour un investissement minime en comparai- son. L’idée a germé parmi deux compa- gnons charpentiers alsaciens qui se sont installés à l’autre bout du monde, dans les Pyrénées, à la frontière de l’Aude et de l’Ariège : Pierre Giusti et Ilias Zinsstag. Choc des cultures Leur culture, c’est la barre de 13 m abou- tée et sèche, les machines de taille à com- mande numérique dans les ateliers. Mais du côté des belles sapinières de la forêt de Bélesta, c’est un autre monde. Les bois collés qui s’y aventurent viennent par camion d’Autriche. Ici, les charpentes traditionnelles se montent en bois vert à assemblage bois-bois, avec les outils de toujours. C’est sans doute à ce choc des cultures que l’on devra l’idée d’un outil de taille portatif. Quant à savoir pour- quoi, dans ce coin magnifique mais loin de tout, l’idée s’est concrétisée au fil des années pour parvenir jusqu’à la version 4, mystère. Un charpentier géo-trouve-tout entêté et bien entouré de jeunes collè- gues enthousiastes, quelques aides oppor- tunes, le soutien durable de la BPI… Un poids de 20 kg L’Oakbot se compose essentiellement de trois parties : l’outil de taille proprement dit, mais aussi le délicat système de bri- dage de l’appareil sur la poutre à tailler, et enfin l’interface numérique. Pour ce qui est de l’outil, la V4 tout en alu et convena- blement capotée est désormais certifiable et ne pose plus de problèmes de sécurité pour l’utilisateur. Le poids n’a pas pu être ramené en-dessous de 20 kg, entraînant une réflexion actuelle sur l’adjonction d’un chariot permettant de réduire la pénibilité. Et ce même si les charpentiers sont ame- nés à manier des poutres bien plus lourdes que l’Oakbot. Vitesse de fraisage impressionnante La section de taille désormais admis- sible est 350 x 200 x 110 mm. Lors des démonstrations réalisées par Ilias Zinss- tag, les spectateurs sont impressionnés par la vitesse de fraisage des pièces. Ins- taller l’outil est plus long que l’usinage proprement dit. En ce qui concerne le bridage, il a évolué vers un système de serre-joint mais Ilias Zinsstag prévoit de revenir à une fixation par sangles, plus souple, pour les modèles V4 qui seront soumis à l’automne aux béta-testeurs. Enfin, l’interface se doit d’être fiable et simple à manier. L’un des retours de la démonstration, c’est que les utilisateurs ne sont pas forcément au fait des indica- tions x,y,z propres aux outils trois axes. Sans doute sera-t-il plus approprié de visualiser la pièce à usiner et d’y inscrire sur écran les dimensions et sections. JONAS TOPHOVEN Un nouvel outil portatif de taille de charpente CONSTRUCTION BOIS Pierre Giusti et Ilias Zinsstag entourent l’Oakbot V4. © EPUR DYNAMISME RURAL L’entreprise Epur qui a été constituée pour développer cet outil ne compte pas quitter son environnement idyllique et difficile d’accès. Ilias Zinsstag : « Nous nous chargerons ici-même de l’interface. Mais pour ce qui concerne la fabrication de l’outil proprement dit, plusieurs pistes sont à l’étude ». Que la machine à bois française renaisse ainsi dans l’Aube, ce serait formidable pour contribuer à inverser la spirale de désertification sociale en France. Mais ce serait aussi un choix logique. Si l’Oakbot peut être imaginé comme outil d’appoint de charpentiers équipés de centres de taille, c’est aussi l’outil idoine pour tailler du bois de pays, non séché, non abouté, non collé : que ce soit le sapin des contreforts pyrénéens, ou le hêtre, le châtaignier des Cévennes, voire le pin des Landes. Ce n’est pas la bonne solution pour les ouvrages à ossature bois qui demandent du bois sec. Mais qui sait si, à partir d’un tel outil, on ne verra pas se développer une nouvelle forme de construction bois locale et durable. Le bridage par serre-joint sera abandonné au profit de l’approche initiale par sangle, plus légère et flexible.
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy Mjc5MjEx