BTR 480

54 BATIRAMA N°480 I AOÛT - SEPTEMBRE 2018 GESTION DEVOIR DE CONSEIL Manque à son devoir de conseil, la société de peinture qui n’informe pas le maître d’œuvre que son changement de choix de teinte compromet l’étanchéification du mur. L ors de l’exécution d’un marché de construction, le maître d’œuvre peut être amené à faire évoluer ou à dé- roger au cahier des charges, dans l’intérêt bien compris de la bonne réalisation de l’ouvrage. Ces écarts par rapport à ce qui était initialement prévu au contrat, n’en- gagent normalement pas la responsabilité des prestataires, mais à certaines condi- tions. La première de ces conditions est que ces changements interviennent en ac- cord avec le maître d’œuvre. La deuxième est que ces changements aient pu se faire de façon éclairée, c’est-à-dire en connais- sance de cause par rapport aux consé- quences que peuvent avoir ces change- ments. Pour que cette seconde condition soit remplie, il incombe à chacun des prestataires de remplir convenablement son devoir de conseil. Dans cette affaire, nous allons voir que c’est en raison d’un manquement à ce devoir de conseil qu’un changement de peinture par rapport à celle prévue au contrat, a pu se révéler dommageable. De quoi s’agit-il ? Pour la construction de son théâtre-auditorium, la commune de Poitiers avait attribué le lot « Peinture et revêtements muraux » à la société Debuschère. Condamné pour avoir changé la couleur de la peinture en cours de travaux ! Qui est responsable en cas d’ ouvrage défaillant suite à un plan erroné ? VICE DE CONCEPTION Lorsque le maître d’ouvrage fournit des plans erronés au constructeur, il est responsable à 50% des dommages causés par l’ouvrage défaillant. D ans cette affaire, la société Electri- cité et travaux publics Degenève avait réalisé une tranchée pour le compte d’EDF. Dans cette tranchée, elle avait déposé un câble électrique sous four- reau/canalisation. Or, le fonctionnement de cette tranchée, qui drainait les eaux du fos- sé d’eaux collectives pluviales situé à proxi- mité, était à l’origine de désordres dans la propriété voisine de Monsieur B.. Ces dé- sordres consistaient en des venues d’eaux inondant sa propriété et ayant notamment endommagé des arbres et la voirie interne de sa propriété. Ayant eu à faire face à une plainte de Monsieur B., et bien décidé à se faire indemniser par le constructeur de la tranchée défaillante, la société ERDF attrait la société Electricité et travaux publics De- genève en justice. La société ERDF fait va- loir plusieurs fautes d’exécution et plusieurs défauts, mis à la charge du constructeur. Un problème d’étanchéité des fossés… Il résulte en effet de l’instruction, et en par- ticulier du rapport d’expertise ordonné par le tribunal, que l’eau recueillie par le fossé collectif d’eaux pluviales s’infiltre au niveau de la tranchée sous le fossé collectif d’eaux pluviales. Le fond du fossé n’étant pas étanche, la tranchée fonctionne comme un drain. Le constructeur doit donc être jugé coupable du dommage causé à la propriété de Monsieur B.. Mais la société Electricité et Travaux publics Degenève ne l’entend pas de cette oreille et se défend, en démontrant qu’elle a respecté les consignes d’EDF ainsi que les règles de l’art. Pour elle, c’est en ef- fet EDF qui aurait commis des erreurs dans la conception des plans, dans les études et le tracé en omettant notamment la ques- tion de l’étanchéité du fossé ! Et l’expert souligne en effet que « créer une tranchée, telle que réalisée sous un fossé destiné à évacuer de forts débits d’eau, sans rendre étanche le fond du nouveau fossé, est l’er- reur qui a été la cause des désordres ». … causé par des plans erronés fournis par le maître d’ouvrage ! Or, toujours pour l’expert, cette erreur est imputable « aux documents d’études fournis par EDF », mais également « à l’exécution des travaux par la société Electricité et Tra- vaux publics Degenève ». En effet, l’expert ajoute que le constructeur, en tant qu’en- treprise spécialisée dans ce domaine, devait prévoir les conséquences de son intervention. Ainsi, les juges d’appel se prononcent en faveur d’une répartition de la responsabilité entre les deux protagonistes, en raison : • D’une faute d’EDF dans la conception des travaux à réaliser et • D’une faute de la société Electricité et Travaux publics Degenève dans l’exécution de ces travaux La Cour va même jusqu’à préciser à quelle hauteur le partage de responsabilité doit se faire : 50 % pour la société ERDF, et 50 % pour la société Electricité et Travaux publics Degenève. Source : Cour administrative d’appel de Lyon, 31 mai 2018 (suite p.55)

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