BTR 484

BATIRAMA N°484 I AVRIL - MAI 2019 17 DOSSIERS BÉTON Un virage technologique s’opère à partir du début des années 80. Les enjeux portent sur deux su- jets : l’amélioration de la durabilité des bétons, et l’augmentation de leurs résistances mécaniques. La découverte de nouvelles chimies de la famille des « polyvinyles » fera d’une pierre deux coups. On les nomme « autoplaçants », parce que très fluides et ne nécessitant aucune vibration. La réflexion des chercheurs a aussi porté sur l’eau. En trop grande quantité – on en mettait parfois plus de 200 l / m³ –, elle laisse après séchage des porosités qui fragilisent le matériau. Et ce de deux manières : elles limitent ses capacités de reprises de charges ; et ces « canaux » se transforment en voies de pénétration d’eau, de chlorures… qui finissent par déliter le béton. Pathologie ultime : la corrosion du ferraillage, l’éclatement du matériau… Le rapport « Eau sur Ciment » La chimie des bétons autoplaçants, ou « superplastifiants », associée à la recherche sur leur formulation – sque- lette précis de la granulométrie des composants, respect du « rapport eau sur ciment », dit E/C – a produit un véritable tournant pour toute la filière béton. Les molécules agissent dans le malaxeur comme un défloculant. Ce qui a pour effet direct de réduire le besoin d’eau – on peut descendre à 150 l /m³, le rapport E/C pouvant être inférieur à 0,5 – tout en produisant un effet d’étalement impressionnant au test du cône d’Abrams. Une fluidité qui ne perturbe pas pour autant les chan- tiers, puisqu’elle n’a pas d’effet sur leur prise : les bétons peuvent être décof- frés le lendemain, et ils atteignent leur résistance « au jeune âge » à 7 jours. On peut même augmenter les cadences ! Et, fin du fin, sans vibra- tion, les parements sont impeccables. Quant à la durabilité, elle ressort garantie par la réduction de la porosité et par le meilleur enrobage des fers, quelle que soit leur densité. 1990 : DÉPASSER LES LIMITES Dans les années 90, les ingénieurs entrevoient rapidement l’intérêt de ces avancées, notamment la création de béton hautes performances (BHP) et ultra-hautes performance (BUHP). Ces matériaux affichent une résistance à la compression d’au moins 50 Mpa, ce qui les rend utilisables pour la construction de bâtiments de grandes hauteurs avec des structures fines. Exemples. La tour EDF à La Défense, dite PB6, construite fin des années 90 par l’architecte Ieoh Ming Pei. Elle est structurée par des poteaux de quelque 60 à 80 Mpa et dont le diamètre se réduit en s’élevant : 1 m au pied, 60 cm à 160 m. Autre emploi : en travaux publics, avec la production des voussoirs du tunnel sous la Manche à 80 MPa. L’avènement de Ductal L’innovation anime les fournisseurs. Dans les années 90, les groupes Lafarge et Bouygues s’associent pour développer des mélanges qui porteront les résultats à 500, voire 1000 MPa. Ces « bêtes de foire » trouvent un débouché commercial sous le nom de Ductal, une formulation exploitée pour des usages aussi divers que du mobilier urbain, des éléments sanitaires ou la résille de la façade du Mucem, à Marseille, conçu par Rudy Riciotti. Les bétonneux ressortent de la décennie 90 convaincus de l’intérêt des adjuvants et de la maîtrise des formulations pour pro- duire des bétons performants et fiables. Plus rien ne sera comme avant. LE BLOC NE RESTE PAS DE MARBRE Produit traditionnel de la construction, le bloc béton évolue aussi, surtout à la faveur de la réglementation thermique qui s’impose à partir du début des années 2000. Sur un gabarit inchangé, les évolutions des outils de production permettent de le décliner en de multiples versions. On augmente le nombre de chambres, on le produit avec des matériaux isolants – d’abord de l’argile expansée, ailleurs avec de la pouzzolane, du chanvre, du bois... – puis à partir du milieu des années 2000 avec un remplissage des alvéoles avec de l’isolant : du polystyrène expansé, de la laine minérale, et plus récemment de la mousse de béton. En concurrence avec la brique, le bloc se plie aux principes de réduction des ponts thermiques et adopte le joint mince… jusqu’à se convertir récemment à la colle organique et au polyuréthane. 1980 : AUGMENTER LES PERFORMANCES La mousse de béton destinée à remplir les alvéoles des blocs ciment leur apporte de meilleures performances thermiques La résille de la façade du Mucem à Marseille a été réalisée avec le Ductal, un béton performant et fiable © DR © AIRIUM

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