BTR 485

6 BATIRAMA N°485 I JUIN - JUILLET 2019 ACTUALITÉ REPÈRES Le Gallois Thomas Crowther, 32 ans, nommé professeur à l’université ETH de Zurich, compte les arbres, a repéré un potentiel de 1200 milliards d’arbres pouvant être replantés sans impacter la production agricole. T out commence en fait lorsque le Gallois, après une thèse sur des champignons, rejoint l’université de Yale et relève un défi gigantesque : compter les arbres de la planète. Il se trouve qu’un enfant « millenium », Felix Finkbeiner, lance à l’âge de neuf ans l’ini- tiative ‘Plant for the planet’, en 2007. Son initiative se déploie comme une traînée de poudre et est bientôt parrainée par les Nations-Unies, en se fixant l’objectif d’at- teindre un milliard d’arbres plantés. Reste à quantifier l’impact d’une telle initiative en termes d’effet sur le climat. Il existe bien une estimation du nombre d’arbres par la NASA, sur la base d’images de satellites qui ne montrent cependant que la canopée. 15 milliards d’arbres abattus par an Thomas Crowther va synthétiser les don- nées terrain de plus de 400000 points de comptage répartis sur toute la planète, dont l’extrapolation lui permettra de parvenir à l’estimation selon laquelle la planète compte environ 3000 milliards d’arbres, soit sept fois plus que les estimations de la NASA. Dans la foulée, le programme ‘Plant for the planet’ revoit ses objectifs à la hausse, pas- sant de 1 milliard à la bagatelle de 1000 mil- liards d’arbres à planter. Soit une augmen- tation théorique de la couverture forestière mondiale de l’ordre d’un tiers qui, selon les calculs de Thomas Crowther, permettrait de gommer dix années d’émissions humaines de carbone. Vœu pieux ? La planète perd actuellement deux arbres par habitant et par an, soit 15 milliards d’arbres chaque année, même si le programme lancé par Felix Finkbeiner revendique déjà 14 milliards d’arbres replantés, grâce à la contribution massive de pays comme la Chine, le Pakis- tan et l’Inde. Science et politique L’étude de Crowther paraît en 2015 dans la revue Nature et fait un tabac, tout en susci- tant une vive animosité du camp trumpiste pendant la campagne électorale. Un peu plus tard, une autre étude est publiée, dont il ressort qu’une replantation massive de forêts en Europe, de l’ordre de la surface de l’Espagne, perdrait son effet de captation de carbone à cause de l’absorption de la lumière par les feuilles ou aiguilles, et le réchauf- fement induit. De même, des voix se sont élevées après l’incendie de Fort Mc Murray pour souligner les risques d’une replantation indiscriminée, qui peut créer des bombes à retardement avec des émissions massives de carbone en cas d’embrasement. Malgré cela, la jeune équipe de Thomas Crowther, soutenue par une ONG néerlandaise se penche à la fois sur le comportement des forêts (la biodiversité, les arbres, le sol, les champignons et les micro-organismes) et sur les enjeux de communication. 1,2 million de points de mesure des forêts Crowther Lab accompagne le développe- ment d’un réseau de désormais 1,2 million de points de mesure des forêts, plus précis en matière de remontée d’informations. Thomas Crowther se risque à une évalua- tion de la valeur globale annuelle des forêts du monde, à 616 milliards de dollars US, et avance que ces forêts perdraient un tiers de leur valeur si elles étaient remplacées par de la monoculture. Quant à la campagne ‘Plant for the planet’, elle a été réaxée sur son objectif de 1000 milliards d’arbres suite aux conclusions des recherches entreprises autour du chercheur gallois, qui a repéré un potentiel de 1200 milliards d’arbres pouvant être replantés sans impacter la production agricole. J. TOPHOVEN L’homme qui comptait les arbres de la planète PORTRAIT OBJECTIF : REPLANTER UN MILLIARD D’ARBRES EN FRANCE Replanter mille milliards d’arbres et reboiser massivement, cela concerne aussi la France. La contribution de la métropole serait d’un milliard d’arbres, soit la couverture forestière de la Suisse : on en est loin. En France, chaque année, 60000 hectares de terre sont artificialisés, soit la taille du Territoire de Belfort. Aujourd’hui, la part du territoire artificialisée frôle les 10 % contre 8,3 % en 2006. Les promoteurs sont parvenus à faire enterrer une taxe allant dans le sens d’une compensation. Envisager sérieusement de replanter un milliard d’arbres en France, en plus, est un objectif fort qui permettrait au moins de remettre en question ces dérives, tout en accompagnant de façon active le changement climatique. Thomas Crowther a créé le Crowther lab qui accompagne un réseau de 1,2 million de points de mesure des forêts. © ETH ZURICH / PETER RUEEGG © F. LEROY

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