BTR 486
22 BATIRAMA N°486 I AOÛT - SEPTEMBRE 2019 ACTUALITÉ MÉTIERS L’industriel exploite à Strasbourg la première unité au monde de recyclage de PET complexes capable de fournir 50 % de ses besoins en polyols, un composant du polyuréthane. S oprema, fournisseur mondial de revêtements d’étanchéité bitumi- neux, a ouvert au sud de Stras- bourg, en janvier dernier, son unité Sopra- loop de recyclage d’emballage en PET destinée à produire annuellement jusqu’à 5500 t de polyols à partir de 3000 t de déchets. Ce composé chimique, mélangé à l’isocyanate, entre dans la composition de la mousse polyuréthane utilisée pour l’isolation thermique des constructions et des toitures-terrasses. Pour Pierre-Étienne Bindschedler, président du groupe, l’am- bition est double : d’une part produire massivement une matière dite « écosour- cée » en lieu et place d’une chimie pétro- sourcée ; d’autre part, participer active- ment au recyclage de plastiques réputés difficiles à traiter, les PET opacifiés, dits « complexes » utilisés pour les bouteilles de lait et les barquettes alimentaires. « Il s’agit, revendique François China, direc- teur industriel du groupe d’un procédé d’upcycling, c’est-à-dire de transformation d’un déchet en une nouvelle matière pre- mière vierge. Ce recyclage est infini. » La concrétisation d’un projet ancien Imaginé au milieu des années 2000, ce projet a été relancé en 2016. Non breve- té et basé sur la maîtrise d’un important savoir-faire, il a bénéficié du concours des chercheurs en chimie du CNRS et de l’Université de Strasbourg. Il a aussi obtenu l’aide de l’éco-organisme Citeo chargé de promouvoir le recyclage des emballages et papiers. Citéo a finan- cé une partie des études de recherches et développement en apportant une enveloppe de 150 000 € ; Depuis une dizaine d’année, Soprema dit avoir inves- ti quelque 30 M€ pour ses recherches en matière de recyclage. Pour sa mise en œuvre, Sopraloop, implanté dans un ancien local logistique situé près des gra- vières au bord du Rhin, a consommé un investissement de 7 M€. Garantir une stabilité d’approvisionnement du polyol Géographiquement, sa situation est à mi-chemin entre les deux grands sites industriels producteurs de polyuréthane de la marque : Saint-Julien du Sault, près d’Auxerre, et Hof, près de Stuttgart (Alle- magne). L’objectif du groupe est de cou- vrir, avec ce premier équipement, la moitié de ses besoins en polyol, l’intérêt de cette autoproduction étant, explique François China, « de garantir une stabilité d’appro- visionnement et une régularité des prix du polyol que l’industrie pétrolière n’est pas en mesure d’apporter en raison des faibles quantités en jeu. » À ce titre, la crise ren- contrée en 2017 par tous les producteurs de polyuréthane a servi de leçon. BERNARD REINTEAU Soprema recycle le PET pour produire du polyol RECYCLAGE UN PREMIER TEST… AVANT DE VISER LE CONTINENT AMÉRICAIN Très rapidement, cette première installation est capable d’évoluer vers une capacité annuelle de 10000 t par doublement du process chimique ; la filière de tri mécanique est déjà calibrée à ce niveau. En outre, après validation, cette technique de recyclage pourrait être dupliquée, notamment sur le continent américain. Si l’entreprise revendique une innovation mondiale et se refuse à la breveter – parce qu’il ne s’agit que de savoir-faire industriels selon elle, mais on peut penser qu’elle ne souhaite pas décrire son process pour éviter un pillage technologique très rapide –, elle ne cache pas qu’elle fait l’objet de demande de polyol de la part d’autres entreprises et déclare se réserver sa production. Par ailleurs, ce procédé est en mesure de déboucher sur d’autres développements, en particulier, le recyclage des isolants en mousse de polyuréthane. François China l’assure : le procédé est le même pour récupérer les composants initiaux. La solution industrielle pourrait être prête d’ici deux à trois ans Pierre-Étienne Bindschedler, président du groupe Soprema. « Notre ambition est de réduire notre dépendance aux matériaux d’origine fossile, que ce soit par le recyclage des produits issus de la déconstruction ou l’écosourceage des matières premières. »
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