Un bâtiment tertiaire de 300 m2 en Haute Normandie accueillera dès le mois prochain deux sociétés. C’est la première construction en cématerre, un nouveau matériau mis au point par une entreprise locale.
Ce nouveau bâtiment sur deux étages a été inauguré le 23 février dernier à Gonfreville l’Orcher. Originalité : il a été construit avec le Cématerre, créé par Alain Lefebvre, de Lefebvre Industries, associé à un ingénieur en génie civil et à deux chercheurs de l’Université du Havre.
La terre prélevée sur place, mélangée à la chaux, des fibres de lin et du ciment est stabilisée sur le chantier même dans une centrale de malaxage. Le mélange est ensuite coulé dans des coffrages et vibré par aiguilles.
C’est ce procédé par vibration qui est la véritable innovation par rapport aux constructions en terre classiques. Il a d’ailleurs reçu le Trophée de l’Innovation des CCI du Havre fin 2011, après avoir obtenu en mai de la même année un premier avis technique expérimental Atex du CSTB.
Ce premier chantier sera placé sous « haute surveillance » pendant dix ans grâce à une cinquantaine de capteurs qui enregistreront la réaction du Cématerre face aux cycles d’humidité et de température.
Le laboratoire des Ondes et milieux complexes du CNRS de l’université du Havre (LOMC) mènera cette étude. Un second chantier verra le jour en juin : il s’agit d’un hôpital pédosychiatrique à Dieppe de 820 m2 dont certaines façades seront construites en cématerre.
Destiné aux éléments porteurs (murs et cloisons), ce nouveau matériau est élaboré à partir de terre extraite directement sur le site. La formule peut changer suivant les régions et les applications.
Appréciées dans le domaine de l’éco-construction, les fibres de lin présentent des avantages au niveau environnemental. N’exigeant aucune irrigation, sa culture participe au maintien de la biodiversité des agro-systèmes. Il rejette moins de CO2 que d’autres cultures et réduit donc les émissions de gaz à effets de serre.
La Haute Normandie est par ailleurs la principale région de récolte en France, pas de problème d’approvisionnement donc. Dernier composant, l'eau autorise une consistance qui permet de couler le Cématerre comme du béton : en coffrage à l'aide d'une aiguille vibrante.
Le coût du transport est inexistant et pour limiter encore les coûts, une centrale de malaxage mobile d’une capacité de production de 100 m3 par jour a été assemblée sur le site même.
Gain de temps important : six heures par m2 pour une construction traditionnelle en terre contre une heure par m2 pour Cématerre. Le temps de séchage est d'environ 60 jours, une fois et demie plus long que le béton.
Davantage tourné vers le développement durable que le béton traditionnel tout en se travaillant de la même façon, le Cématerre est toutefois trois fois moins résistant que ce dernier (une épaisseur des murs plus importante corrige ce manque), mais six fois supérieure à celle du pisé.
Aujourd'hui, elle est à 6 Mpa (contre moins de 1 pour le pisé), l'objectif étant d'arriver à 10. C’est un isolant thermique trois fois plus efficace que le béton et il fait déjà l’objet d’un programme de recherche complexe avec l’université du Havre.
En ce qui concerne l’isolation phonique, le Cématerre étant en phase de lancement, il n’existe pas encore de mesure spécifique. Au niveau de l'humidité et du gel, les tests normalisés gel/dégel ont démontré une résistance identique du matériau sec.
Le Cématerre constitue une alternative au béton qui répond aux enjeux écologiques actuels et à ceux du développement durable. La société imagine d’ailleurs à l’international d’autres alternatives avec des liants végétaux de divers continents tels les fibres de chanvre, de coco ou de bambou.
En savoir plus : www.cematerre.com
Source : batirama.com / Claudie Benassi