Après la création, en 2013, du « Grand Prix », premier palmarès national des architectures en terre crue, voici le Terra Award. Ce premier Prix international récompensera le 14 juillet 2016, a? Lyon, les réalisations les plus abouties des candidats issus des 5 continents. Toutes les techniques sont concernées : pise?, bauge, adobe, Blocs de Terre Compressée, torchis, enduits, terre-paille, terre coulée, etc.
Cette initiative française* permet de distinguer des projets remarquables, prochainement rassemblés dans une base de donne?es accessible à tous sur un site dédié. Elle met en lumière l’ouverture d’esprit des maitres d’ouvrage, la cre?ativite? des concepteurs et les compe?tences des artisans et des entrepreneurs.
Elle aura pour cadre la 12e édition du Congre?s international, Terra 2016**, un événement qui a lieu tous les 4 ans et réunit environ un millier de professionnels, enseignants et chercheurs.
Neuf ou rénovation, toutes les constructions mises en service apre?s janvier 2000 sont éligibles. Seront pris en compte des critères de qualite? architecturale et d'insertion paysage?re, d’approche environnementale et de performance e?nerge?tique. Outre la cre?ativite?, l’innovation et la performance technique, sera étudié le volet économie locale et impact social, sans oublier la valorisation des savoir-faire des professionnels.
Le 25 janvier 2016, 40 ba?timents « exemplaires » ont été pre?se?lectionne?s parmi les quelque 330 dossiers. Ils feront l’objet d’une exposition itine?rante.
Enfin, le 14 juillet, un laure?at sera distingué dans huit cate?gories : habitat individuel, habitat collectif, équipement public scolaire et sportif, équipement public culturel, ba?timent d’activite?s, ame?nagement inte?rieur et design, ame?nagement exte?rieur, art et paysage, et enfin, architecture et de?veloppement local.
La terre crue, bien que très présente aux quatre coins de la France dans le patrimoine bâti traditionnel, avec environ 2,5 millions de bâtiments, représente un marché assez réduit. Si la rénovation y occupe naturellement une part importante, la construction neuve gagne du terrain.
L’architecture contemporaine en terre crue fleurit essentiellement dans le parc privé, renouvelant par sa créativité l’image vernaculaire du matériau. Des exemples remarquables de bâtiments publics émergent aussi parfois, mais la commande publique reste ponctuelle.
C’est que des obstacles freinent l’usage de la terre crue, qui présente pourtant des qualités de plus en plus recherchées à notre époque : la ressource est abondante et locale, son cycle de vie est ultra-vertueux (extraction, transformation, recyclage), elle régule l’hygrométrie, présente une forte inertie thermique, se met en œuvre aisément, …
L’éparpillement des acteurs est un frein à la consolidation de la filière, encore peu structurée malgré un nombre d’acteurs en notable progression et détenteurs d’un grand savoir-faire. Une centaine d’artisans constructeurs se sont regroupés au sein de l’association nationale AsTerre, qui par ailleurs accueille des formateurs, architectes, bureaux d’études, producteurs, distributeurs, enseignants chercheurs, ...
D’autres ont préféré se constituer en associations locales, avec leur technicité spécifique, se démarquant de l’entité nationale par une divergence de points de vue sur le développement de la filière (schématiquement : les tenants de l’intégration de la terre crue à la construction industrialisée classique se heurtent aux adeptes d’une vision plus radicale).
Un autre obstacle découle du précédent : l’absence de règles professionnelles ; hormis celle concernant la mise en œuvre d’enduits sur murs de terre crue, parue en 2012. De fait, les seuls produits à s’être « démocratisés » ces dernières années, au point d’être utilisés de plus en plus couramment par de nombreux maçons, sont les enduits terre.
Quant aux éléments structurels en terre crue, la rédaction d’un code de bonnes pratiques pour les différentes techniques de construction est en cours. Mais chaque association rédigeant ses propres documents techniques de référence, l’ensemble risque fort de perdre en cohérence et de mettre du temps à aboutir…
En attendant des règles en bonne et due forme, maîtres d’ouvrage, assureurs et bureaux de contrôle se laissent parfois convaincre par l’enthousiasme contagieux des « terreux ». Cela donne naissance à de magnifiques réalisations, capables de répondre aux enjeux du bâtiment d’aujourd’hui et de demain, qui deviennent à leur tour les meilleurs arguments du monde !
* Les acteurs à l’initiative de Terra Award sont : l’unite? de recherche Labex AE&CC du Laboratoire CRAterre-ENSAG**, le projet Ama?co, les Grands Ateliers, l’association CRAterre et le magazine EcologiK/EK.
** Organisé par le laboratoire CRAterre de l’École d’architecture de Grenoble (ENSAG), conside?re? internationalement comme le centre de recherche et de formation de re?fe?rence sur la construction en terre crue.
Légende : L’Imprimerie Gugler, à Pielach (Autriche). Architecte : Ablinger, Vedral & Partner. Constructeur: Lehm Ton Erde, Martin Rauch. Photo: Dominique Gauzin-Müller