Localement, on l’a rebaptisée Ch’tilicon Valley. Et pour cause. EuraTechnologies inauguré en 2009, abrite désormais pas moins de 150 entreprises qui évoluent dans un écosystème digital au cœur de ce nouveau pôle à Lille (59).
Pôle d’excellence économique dédié aux technologies de l’information et de la communication de la métropole lilloise, ce site continue d’opérer sa mue. C’est sur la ZAC des Rives de la Haute Deûle à Lille que le bâtiment le Doge finit de sortir de terre.
Né sous la plume de l’architecte Paolo Tarabusi, il a dû se plier à une première contrainte. Il se situe à un jet de pelleteuse de l’ancienne usine de filature le Blan-Lafont, convertie en pépinière d’entreprises technologiques.
Ce véritable château d’industrie en briques, flanqué de sa tour magistrale, est emblématique d’une architecture du nord du début du XXe siècle. Il fallait donc s’inscrire dans sa continuité.
« Le recours à la brique faisait partie du cahier des charges du concours. La terre cuite dans cette région n’est vraiment pas anodine, puisqu’elle est utilisée pour des milliers de maisons en association avec la pierre blanche qui vient en entourage des bâtiments », explique l’architecte du projet, Paolo Tarabusi, à la tête de l’atelier éponyme à Paris (19e).
Pas question pour le concepteur de s’orienter vers une coque de béton revêtue de briques de parement. « Afin de respecter la tradition constructive locale tout en y associant une utilisation de la brique contemporaine, je me suis orienté vers une brique monolithe à hauteur d’étage.
Or, seul Terreal proposait de très grandes dimensions jusqu’à 280 cm de hauteur ». La réponse pour réaliser ces façades de bureaux du Doge (un bâtiment R+2 et un autre R+4), rythmées par 1 375 éléments de grande hauteur en terre cuite séparés un à un par des vitrages.
Mais une première difficulté apparaît : la gamme standard de ces briques monolithes à hauteur d’étage est limitée. « Elle ne comprenait pas les pièces pour réaliser des poteaux isolés », reprend l’architecte. Le choix s’est donc porté sur un jambage utilisé d’habitude pour faire des tableaux de fenêtre.
En les positionnant côte à côte « ils génèrent un poteau de 33 cm pour une épaisseur de 20 cm. Étant donné qu’ils étaient fabriqués deux par deux puis découpés afin de créer deux éléments, la ligne de précasse a été supprimée à l’usine », dévoile Éric Riesser, directeur marketing chez Terreal.
Il a aussi fallu resserrer les tolérances dimensionnelles des briques en hauteur et en largeur, aucun produit dont l’épaufrure n’excédait 2 cm n’a été livré sur le site. En outre, les rainures prévues dans la matière d’habitude pour accrocher l’enduit ont été conservées sur la face vue, « afin de créer une sorte de veinage qui fait vibrer l’élément », ajoute Paolo Tarabusi.
Restait ensuite à trouver la bonne méthode pour que ces briques de fabrication spéciale constituent la façade autonome et autoporteuse d’une structure en béton armé, où le béton blanc en rive de plancher rappelle les traditions constructives locales.
Une fois les briques monolithes préparées en usine, elles ont été livrées sur le site. Pour les positionner en façade, pas question de les sceller. À la demande du bureau de contrôle, l’option retenue a été celle d’un assemblage mécanique et d’une fixation en une seule fois grâce à des platines hautes et basses prises dans du béton.
L’entreprises Rabot Dutilleul en charge du gros œuvre a donc loué un atelier de production de préfabrication à quelques kilomètres du chantier pour remplir les poteaux/briques de béton.
« Nous avons réalisé un travail de palettisation spécial avec Terreal afin d’éviter la casse », dévoile Constance Destombe, conductrice de travaux chez Rabot Dutilleul Construction. Chaque palette a été positionnée sur une table en position horizontale afin de pouvoir loger les platines en partie basse à chaque fois à la même hauteur pour simplifier la mise en œuvre et aligner parfaitement la façade.
La table a été ensuite inclinée à l’aide d’un pont roulant, puis caler pour couler le béton au cœur de la brique monolithe. Après séchage, la table est abaissée, et la palette stockée sur le site de préfabrication.
« Ce process nous a permis de mettre en œuvre 60 poteaux/briques par jour, soit une installation totale des 1 375 éléments en seulement deux mois, avec seulement 1,5 % de perte », précise la conductrice de travaux.
Un espace prévu entre les poteaux/briques de 34 cm a été comblé par des châssis bois positionnées à l’intérieur, pour constituer une peau bois et verre, qui devient terre cuite et verre à l’extérieur. En adéquation totale avec l’architecture lilloise locale.