Commedans le conte de Perrault, les membres de l’Initiative Rénovons pourraient dire : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» concernant les solutions pour rénover les passoires énergétiques et éradiquer la précarité. Et celle-ci aurait pu répondre : « Je ne vois rien d’autre que des promesses qui ne sont pas suivies d’actes ».
C’est dans cet esprit que les membres du collectif, rassemblant acteurs publics et privés engagés dans la rénovation des passoires énergétiques, se sont réunis le 12 octobre pour appeler le gouvernement à agir. Et il y a urgence ; urgence environnementale, économique, mais aussi sociale.
Quelques chiffres suffisent à s’en convaincre. Actuellement, sur 288 000 « rénovations performantes » de logements privés par an, selon l’Ademe, seules 54 000 concernent des passoires énergétiques, soit des logements de classe F ou G.
La loi de transition énergétique pour la croissance verte fixait un cap à 500 000 rénovations par an à partir de 2017, dont la moitié pour les ménages modestes, soit la rénovation d'ici 2025 de 7,4 millions de logements énergivores étiquetés F ou G. Le compte n’y est pas.
« Il y a 11,5 millions de personnes touchées, exposées au froid, aux maladies, à l’iniquité », soulève Audrey Pulvar, ex journaliste sur CNews, et désormais présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme (fondation Hulot), qui rappelle que la rénovation des passoires permettrait une économie de santé de 800 millions d’euros. « La France compte un million de pauvres de plus en 10 ans », complète Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Début juillet, lors de la présentation du Plan Climat, Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire affirmait sa volonté de faire disparaître en dix ans les passoires thermiques, relayant ainsi les promesses d’Emmanuel Macron lors de sa campagne à la présidentielle.
4 milliards des 57 milliards du Grand plan d’investissement présenté en septembre doivent y être consacrés. Des mesures à la fois incitatives et coercitives seront prises pour que les propriétaires rénovent les logements passoires mis en location, annonce-t-il, parmi elles le chèque énergie ou encore un audit proposé en 2018 pour que les travaux puissent être terminés avec le prochain hiver.
« Trois mois plus tard, le doute a remplacé la satisfaction initiale de voir le gouvernement placer parmi ses priorités du quinquennat la rénovation de ces logements, indique Danyel Dubreuil, coordinateur du collectif.
Les différentes mesures présentées courant septembre revoient les objectifs à la baisse et n’offrent pas les moyens suffisants pour assurer le démarrage des travaux. Et la feuille de route gouvernementale pour la rénovation énergétique peine à sortir (portée par Nicolas Hulot, elle devrait être dévoilée fin octobre-début novembre, ndlr) ».
Le premier problème soulevé est l’absence d’un pilotage national pour arbitrer et avancer concrètement dans la mise en œuvre ; le portage de la rénovation des logements passoires étant éclaté entre le ministère de la transition écologique et celui de la cohésion des territoires.
« Le décret décence tel qu’il est sorti fait l’objet d’un recours au Conseil d’Etat, car il ne protège pas les ménages fragiles et son niveau d’ambition n’est pas respecté », souligne Christophe Robert, qui demande que soit imposé un niveau minimum de performance énergétique.
S’il considère que le chèque énergie est un bon moyen parce qu’il s’est étendu à une population plus grande (4 millions de ménages), le délégué de la fondation Abbé Pierre estime que la somme (150 € cette année, 200 l’année prochaine) « ne sortira pas ces ménages de la précarité. Il faudrait environ 600 € pour qu’il puisse financer le reste à charge des travaux ».
Le collectif regrette également que l’audit pris en charge à 30% par le CITE ne soit pas l’audit gratuit promis et s’étonne qu’il n’y ait eu aucune annonce sur une offre bancaire publique proposant un crédit long et à taux bas pour financer les projets de rénovation des ménages modestes.
Dans le même esprit, aucune annonce n’a été faite concernant l’accompagnement des ménages, alors que tous s’accordent à reconnaitre que cet accompagnement est l’élément déclencheur des travaux. Le collectif espère donc que la prochaine feuille de route expliquera comment mettre en place le service publique de l’efficacité énergétique pour l’habitat, prévu dans la loi Transition Energétique, ses missions et les financements dont disposeront les collectivités de la part de l’Etat pour le mettre en place.
Le collectif demande, dès sa création, à faire avancer les acteurs du bâtiment vers une logique de résultats et mieux garantir les performances des chantiers pour restaurer la confiance des ménages. Rien dans ce sens n’a filtré aujourd’hui dans les annonces gouvernementales.
Le programme Habiter Mieux porté par l’Anah est financé sur la durée du quinquennat à hauteur de 3,7 milliards d’euros (Grand plan d’investissement et projet de loi de finances 2018) jusqu’à 2022 et 110 millions en 2018 avec l’objectif de rénover 75 000 logement par an.
Or, si le collectif déplore qu’aucune hausse du niveau de performance énergétique des rénovations n’ait été fixée, il s’inquiète de la capacité de l’Anah à financer ces rénovations sans garantie de disposer réellement des investissements promis.
« On ne dit pas que rien n’est fait, mais on est convaincu qu’il faut changer d’éco-système. Et ce changement majeur est fragilisé aujourd’hui par des annonces ici et là et par l’absence de feuille de route. On demande des engagements forts du gouvernement », conclut Christophe Robert.
Légende : de gauche à droite : Laurence Tubiana, Fondation européenne pour le climat, Gilles Vermot-Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric, Audrey Pulvar, Fondation pour la nature et l’Homme et Christophe Robert, Fondation Abbé Pierre.