Le drame de la domotique est la multiplication des protocoles de communication incompatibles entre eux. La domotique est une Tour de Babel moderne où le nombre de langages différents ne cesse de croître. Loin d’être une maladie de jeunesse, ce trait se transforme en malédiction durable.
De nouveaux protocoles apparaissent régulièrement, toujours pour une bonne raison parfaitement justifiable, mais qui tout de même complique encore la situation. Il existe pourtant une forte volonté de collaboration entre plusieurs organisations pour faire émerger un langage universel.
Depuis 2016, ZigBee Alliance a réorganisé son protocole de communication RF sans fil pour faciliter l’interopérabilité. Il est désormais conçu en deux parties distinctes : ZigBee Pro qui gère le transport et la sécurité des données et ZigBee 3.0 qui est la couche applicative. ZigBee Pro peut naturellement transporter d’autres couches applicatives, ouvertes ou propriétaires. ©Renesas
Bien que des tentatives apparaissent régulièrement pour en développer de nouvelles, le monde de la domotique se concentre sur trois technologies sans fil principales, : le WiFi (norme IEEE/802.11) pour la distribution de contenu (volumineux : musique, vidéo, etc.), IEEE 802.15.4 pour les réseaux HF maillés dans les locaux (ZigBee, Thread, …) et Bluetooth, y compris Bluetooth Low Energy (BLE), pour la connectivité autour des smartphones et des wearables (les objets connectés que l’on porte : les montres, bracelets, etc.).
Les deux premiers standards raccordent des appareils de la maison à internet. Le troisième utilise le smartphone comme passerelle entre des objets connectés et internet. Les fondeurs – les concepteurs de semi-conducteurs – s’engagent d’ailleurs dans la conception de processeurs (chips) qui rassemblent deux standards sur le même chip.
Qualcomm, Qorvo, NXP, Silocon Labs et d’autres proposent des chips double mode qui portant à la fois IEEE 802.15.4 et BLE. Qualcomm va même plus loin avec une solution « system on a chip » (SOC), un processeur qui gère en même temps IEEE 802.15.4, BLE et WiFi et ajoute, pour faire bon poids, le support de ZigBee 3.0, Thread, Android Things, Azure (Microsoft) et AWS (Amazon).
Plusieurs dizaines de fabricants dans le monde proposent déjà des solutions compatibles avec la couche applicative ZigBee trois sur un réseau ZigBee Pro. ©Bizaka
Le premier niveau de l’interopérabilité en domotique est local. C’est, dans le logement, la possibilité d’utiliser ensemble des appareils fabriqués par différents industriels, parce qu’ils parlent le même langage. Le rêve d’un langage unique, parvenant à s’imposer face à tous les autres, est peut-être en passe de se réaliser. La convergence entre Thread et ZigBee à travers Dotdot pourrait être la bonne solution.
Rappelons qu’un protocole de communication se divise en 7 couches empilées. Les 6 premières concernent la sécurité du transfert des données, les fonctions de réseau et organisent l’échangent des données. La septième couche donne un sens aux données échangées, c’est la couche dite applicative. Si le protocole de communication est bien construit, les couches sont indépendantes, notamment la 7e couche est indépendante des 6 premières.
C’est le cas dans l’univers ZigBee depuis 3 ans déjà : ZigBee Pro (couches 1 à 6) gère le transfert des données, ZigBee 3.0 (7e couche) les rend intelligibles. ZigBee Pro incorpore les spécifications ZigBee Green Power, une solution de récolte d’énergie pour concevoir des appareils sans fil et sans pile, comparable dans ses fonctionnalités au protocole enOcean. ZigBee Pro permet de raccorder jusqu’à 64 000 appareils sur un même réseau sans fil. Ce qui pourrait pousser son utilisation jusqu’au grand tertiaire.
Thread et ZigBee Pro utilisent tous deux la fréquence 2,4 GHz ISM, ainsi que le même protocole de bas niveau IEEE 802.15.4, au-dessus duquel ils posent tous deux la même couche MAC (Media Access Control) qui s’occupe du partage de l’accès au réseau entre différents appareils (multiplexing). Ce qui signifie Thread et ZigBee peuvent souvent être installé sur le même microprocesseur. ZigBee et Thread ont aussi tous deux une structure maillée. Thread ne vise pas le développement d’une couche applicative, mais se présente comme un moyen efficace et sûr pour transporter des données en radio HF pour des applications Smart Home et, sans doute à terme, en Smart Building (tertiaire). A charge pour les développeurs de choisir une couche applicative. ©ThreadGroup
De son côté, le protocole sans fil Thread ne s’occupe que des couches 1 à 6, sans avoir développé de couche applicative. La 3e couche de Thread est conforme au standard international IPv6 et permet de créer 3,4 x 1038 adresses différentes : littéralement des milliards de milliards de milliards de milliards d’adresses. Ce qui permet d’aborder plus sereinement le monde des objets connectés et son développement accéléré.
On peut donc utiliser les spécifications de réseau ZigBee Pro ou Thread pour transporter diverses couches applicatives, dont ZigBee 3.0. Il existe déjà des appareils utilisant Thread pour le transport des données et ZigBee 3.0 comme couche applicative. Ils sont certifiés par la ZigBee Alliance depuis la fin de 2016.
Mais ZigBee Alliance a fait un pas de plus. Annoncé au CES de Las Vegas début 2017, Dotot se présente comme le chaînon manquant de l’interopérabilité entre les protocoles de communication sans fil utilisés en domotique, mais aussi en tertiaire.
Les très populaires lampes Hue de Philips sont compatibles à la fois avec ZigBee et enOCean. ©ZigBee Alliance
Dotdot, développé par ZigBee Alliance est un langage applicatif - une septième couche à ambition universelle – tout à fait indépendant du protocole qui transporte les données. Mais Dotot, en temps que couche applicative, recommandera des procédures pour la connexion des appareils en fonction du protocole utilisé pour un réseau précis.
Plus d’une soixantaine d’entreprises ont déjà fait la démonstration d’appareils utilisant la couche applicative Dotdot soit sur Thread, soit sur ZigBee Pro. Avec Dodot, ZigBee Alliance tente de renverser le problème. Un protocole de transport de données unique qui véhicule différentes couches applicatives ne permet aucune interopérabilité entre les objets connectés.
L’alliance vise une couche applicative unique transportable sur X protocoles, dont ZigBee et Thread, pour commencer, car bon nombre des membres de ces deux alliances sont communs. Ce qui garantit une totale interopérabilité. Une application sera disponible durant l’été 2018 pour certifier des produits utilisant la couche applicative Dotot.
Au même moment, ZigBee Alliance ouvrira son processus de certification pour Dotdot. Thread Group, qui se charge du développement de Thread, a ouvert sa certification seulement en février 2017. Elle devrait être élargie à Thread + Dotdot début 2018. La disponibilité de Dotdot sur un réseau IP Thread a été annoncé seulement le 12 décembre 2017.
Legrand, MMB Network, NXP, OSRAM, Resolution, Silicon Labs, Volansys, Yale (les serrures membres du groupe ASSA ABLOY) et Zen Thermostat feront des démonstrations de Dotdot sur Thread au prochain CES de Las Vegas en janvier 2018. Naturellement, nous allons tenter de mieux comprendre ce que Legrand a développé avec Thread et Dotdot et comment cela s’harmonise avec la collaboration entre Legrand et NetAtmo, par exemple. En attendant, notre prochain article domotique portera sur l’interopérabilité par le Cloud, une toute autre manière de procéder.
La démarche de la ZigBee Alliance a été parfaitement rationnelle et vise un seul but : accroître l’interopérabilité des produits développés par ses membres. Grâce au développement de la couche applicative Dotdot, il est dès à présent possible d’utiliser pour le transport des données, ZigPro, Thread et même du WiFi. ©ZigBee Alliance