Voici le troisième article sur le développement de l’interopérabilité en domotique. Après une présentation de la lente convergence entre les protocoles de communication au niveau local, après l’interopérabilité en passant par le Cloud à l’aide de la plate-forme IFTTT, le troisième développement est l’interopérabilité par les services dans les smart homes et les smart buildings en tertiaire.
En effet, un bâtiment intelligent sans services associés est comme une promesse jamais tenue. L’un des inconvénients des smart buildings est que leur intelligence ne se manifeste pas clairement aux yeux de leurs occupants.
Leurs concepteurs se préoccupent davantage de la "tripaille" - des kilomètres de réseaux dans le bâtiment, des dizaines ou des centaines d’automates, le tout doit être programmé, commissionné, puis maintenu dans le temps, avec le risque important de dérives – que de ce que l’on fera avec.
D’ailleurs que fait-on avec l’intelligence des smart buildings ? Essentiellement deux choses pour l’instant : piloter le confort – la température, parfois la qualité de l’air et rarement l’hygrométrie – et optimiser les consommations d’énergie.
Comme beaucoup d’autres domaines, le bâtiment est rapidement envahi par le numérique. Mais pourquoi faire ? La SBA pense que l’offre de services, rendue possible par l’infrastructure numérique des bâtiments, devrait emporter l’adhésion. ©PP
Ces deux missions principales demeurent le plus souvent des processus dissimulés aux occupants d’un bâtiment : la smartitude du building ne saute pas aux yeux. Ce qui nuit à la prise de conscience des atouts du smart et à l’expansion du marché. Dans un smart building, il faut que le smart se voie, offre des services aux occupants et facilite leur vie et leurs tâches.
Quant aux bâtiments intelligents, capables de rendre d’autres services à leurs occupants, depuis la réservation de salles de réunion dans un immeuble de bureau jusqu’au contrôle d’accès en logements collectifs, ils demeurent encore trop rares. Pourtant, la fourniture de services additionnels, en s’appuyant et en valorisant l’infrastructure existante dans les smart buildings, fidélise les locataires en tertiaire, permet de vendre plus vite les logements d’un immeuble collectif neuf et ouvre la perspective de l’éclosion d’une nouvelle économie.
Comment y arriver ? Pour commencer, il faut définir l’infrastructure qui rend un bâtiment intelligent. La condition nécessaire, mais pas suffisante, de l’intelligence d’un bâtiment, en quelque sorte. La SBA (Smart Building Alliance et Smart Cities) a publié fin 2018 sa codification de l’infrastructure des Smart Buildings. Ce qu’elle appelle les bâtiments « Ready2Services » ou R2S.
Mozaiq, une entreprise allemande s’installe en France pour proposer son modèle de services pour le marché des smart homes. Delta Dore a lancé à l’automne 2017 son offre d’agrégation de services TyOffice destinée aux immeubles de bureaux. Ces trois évènements ne sont pas liés entre eux, mais participent d’une même tendance : pour l’intelligence, le hardware ne suffit plus, il faut des services en plus.
Les six chapitres du nouveau label R2S ou Ready2Services : équipements et interfaces, connectivité, architecture réseau, sécurité numérique, management responsable, services. ©PP
Le 14 décembre, la SBA organisait chez IBM à Bois-Colombes, la présentation de son nouveau label R2S, dont le référentiel sera publié au tout début 2018 et qui sera certifié par Certivea pour les bâtiments tertiaires dès Mai 2018, Certivea, Cerqual et Qualibat pour les logements collectifs plus tard dans l’année 2018.
Cerqual intègre dès à présent une partie du référentiel R2S dans son Label NF Logement. Pour mettre au point ce référentiel, la commission « Services aux Utilisateurs du Bâtiment et du Territoire » de la SBA a travaillé toute l’année 2017. Sa production a trouvé sa concrétisation lors du dernier SIMI à Paris en décembre 2017 où une centaine d’acteurs de la construction ont signé la « charte Bâtiment connecté, bâtiment solidaire et humain ».
Présentés le 14 décembre par Alain Kergoat, pilote du pojet Ready2Services, cette charte et le label R2S ont pour but de faire, tout de suite, le lien entre le monde du numérique en rapide développement et celui du bâtiment intelligent ; puis, progressivement, entre la ville intelligente et le bâtiment. Concrètement, le label R2S repose sur 6 points.
Le label R2S obéit à des prescriptions rationnelles, vise à favoriser au maximum l’interopérabilité, tout en protégeant les données. Un bâtiment R2S ne fera appel qu’à des solutions techniques standards et interopérables, dont le réseau TCP/IP comme infrastructure principale dans le bâtiment. ©PP
Le premier point du label R2S est la connexion performante – entendre : de la fibre ou rien - entre le bâtiment et les réseaux extérieurs. Le second point est une architecture de réseau IP (Internet Protocol) dans le bâtiment qui permette la circulation facile de l’information.
Le troisième point est une définition précise des équipements et interfaces de communication installés dans le bâtiment, dans le but de favoriser l’interopérabilité. Selon le référentiel, le réseau dans le bâtiment doit, par exemple, permettre le PoE (Power over Ethernet). Le quatrième point porte sur la sécurité numérique et décrit les mesures à prendre pour éviter le piratage des données.
Le cinquième point, très important, traite du « Management responsable ». Derrière cette expression se cachent des notions fort utiles : qui est propriétaire du réseau dans le bâtiment – la copropriété en collectif, le propriétaire du bâtiment en tertiaire -, à qui appartiennent les données (à leurs créateurs) et qui peut les utiliser (cela se règle par contrat), etc. Le sixième point explique comment utiliser la capacité de connectivité et de communication du bâtiment pour le développement de services.
Au total, ces 6 points se traduisent dans le label R2S par 60 exigences, dont 25 obligatoires pour obtenir le niveau minimum. Emmanuel François, président de la SBA, souligne que le label R2S est dès à présent conforme au Règlement Européen n°2016/679 « Règlement Général sur la Protection des Données » (RGPD ou GDPR en anglais pour General Data Protection Regulation), adopté le 14 avril 2016 et applicable aux Etats Membres à partir du 25 Mai 2018.
D’application immédiate, sans transposition, ce règlement remplace la Directive sur la protection des données personnelles de 1995. Deux opérateurs – Delta Dore pour le tertiaire avec son application TyOffice et l’allemand Mozaiq qui introduit en France début 2018 son offre de services pour le logement – proposent déjà de l’opérabilité au niveau des services. Ce sera l’objet de notre prochain article.
Selon la SBA, le développement rationnel du numérique dans le bâtiment, à travers la mise en œuvre des recommandations du label R2S, devrait résoudre toutes sortes de problèmes et faciliter l’évolution vers un développement durable. ©PP
Le label R2S se traduit par 60 recommandations, dont 25 sont obligatoires. ©PP
Le label R2S veut préserver l’évolutivité des bâtiments dans le temps : il doit être raccordable à n’importe quel réseau extérieur, distinguer les services rendus au bâtiment collectivement et ceux proposés aux occupants individuellement, autoriser les liaisons radio HF, … ©PP
Parmi les points obligatoires du label R2S, la collecte des informations énergétiques et liées aux fluides (électricité, chaleur, froid, gaz, eau chaude, eau froide, …), puis leur mise à disposition des occupants du bâtiment, figure en bonne place. ©PP
Le label R2S est destiné à la construction neuve, comme à la rénovation et peut être accordé lors de trois phases distinctes : conception, réalisation et exploitation. SBA ne s’est pas embarquée seule dans cette aventure : tout a été développé avec l’aide de l’association HQE (France GBC) et avec les organismes qui seront appelés à certifier le label. ©PP