Tertiaire : la GTB devient obligatoire à partir du 1er janvier 2025

Tertiaire : la GTB devient obligatoire à partir du 1er janvier 2025

Une bonne partie des bâtiments tertiaires neufs et existants ont désormais l’obligation d’installer des systèmes d’automatisation et de contrôle de leurs systèmes techniques




Dix ans après leur parution, les articles 8, 14 et 15 de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments requérant la mise en œuvre de systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels, et de systèmes de régulation automatique de chaleur, sont enfin transposés en Droit français. Mieux vaut tard que jamais.

 

En effet, le décret n°2020-887 du 20 juillet 2020 , paru au JORF du 21 juillet (NOR: TRER2014562D), relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non-résidentiels et à la régulation automatique de chaleur précise :

 

  • parmi les bâtiments non résidentiels, lesquels sont soumis à l’obligation d’installation de systèmes d’automatisation et de contrôle ;

 

  • les fonctions minimales que doivent remplir ces systèmes d’automatisation et de contrôle ;

 

  • les conditions de réalisation des opérations de maintenance desdits systèmes.

 

Ce décret est injustement passé inaperçu. Ses exigences sont étendues et son effet sera énorme. Nous décryptons son contenu.

 

 

 

Les installations de production d’énergie sur site et les systèmes utilisant des ENR dans le bâtiment devront être pilotés. © Ertex Solar

 

 

Quels sont les bâtiments concernés ?

 

L’article 1 du décret indique « sont munis d'un système d'automatisation et de contrôle, les bâtiments dans lesquels sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes, y compris ceux appartenant à des personnes morales du secteur primaire ou secondaire, équipés d'un système de chauffage ou d'un système de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation, dont la puissance nominale utile est supérieure à 290 kW. Sont assujettis à ces obligations le ou les propriétaires des systèmes de chauffage ou de climatisation des bâtiments ».


« Pour les bâtiments dont la génération de chaleur ou de froid est produite par échange de chaleur ou de froid avec un réseau de chaleur ou de froid urbain, la puissance du générateur à considérer est celle de la station d'échange ».

 

La puissance de 290 kW correspond environ à 3 000 m² dans le cas de bâtiments anciens, à plus de 5000 m² pour des bâtiments construits depuis la RT2005 et à plus de 6000 m² pour des bâtiments tertiaires BBC-Effinergie, par exemple.

 

Pour les permis de construire déposés après le 21 juillet 2021

 

Le décret s’applique aux bâtiments dont le permis de construire est déposé un an après sa publication, soit le 21 juillet 2021, sauf si leur propriétaire produit une étude établissant que l'installation d'un système d'automatisation et de contrôle n'est pas réalisable avec un temps de retour sur investissement inférieur à six ans ; dans ces bâtiments, l'ensemble des systèmes techniques sont reliés au système d'automatisation et de contrôle.

 

Ces restrictions sont curieuses, la RT2012 impose de toutes manières une régulation et un contrôle de la chaleur, de l’éclairage, etc. dans les bâtiments neufs. « L’ensemble des systèmes techniques », auquel fait référence le décret, englobe le chauffage, la climatisation, la ventilation, la production d’eau chaude, l’éclairage, la production d’électricité sur site, les systèmes utilisant une énergie renouvelable, …

 

Le froid n’est pas cité. Ce qui laisse entendre, bien que ce ne soit pas explicite, que ce décret ne concerne peut-être pas les grandes surfaces alimentaires, ni peut-être les bâtiments logistiques. Mais rien n’est sûr.

 

Quant aux autres bâtiments que ceux cités plus haut, ils devront s’équiper au plus tard le 1er janvier 2025, sauf si leur propriétaire produit une étude établissant que l'installation d'un système d'automatisation et de contrôle n'est pas réalisable avec un temps de retour sur investissement inférieur à six ans.

 

Là encore, la restriction est curieuse. En effet, le Décret tertiaire, toujours inapplicable parce qu’il manque encore un arrêté, indique que la mise en place d’une GTB est l’un des moyens envisagés pour réduire les consommations d’énergie d’ici 2050, sans mentionner de restriction économique.

 

Dans ces bâtiments existants, « sont reliés au système d'automatisation et de contrôle les systèmes techniques avec lesquels la connexion est réalisable avec un temps de retour sur investissement inférieur à 6 ans, déduction faite des aides financières publiques. Toutefois, dès lors qu'un système technique fait l'objet d'un renouvellement total ou partiel, il est relié au système d'automatisation et de contrôle ».

 

 

Les chaudières, les groupes de production d’eau glacée, les systèmes de climatisation, l’éclairage, les CTA et autres groupes de ventilation, … figurent parmi les systèmes techniques du bâtiment qui doivent être assujettis à un pilotage centralisé. ©Zenhder

 

Qu’est-ce qu’un système d’automatisation et de contrôle ?

 

Ce que le décret décrit comme un « système d’automatisation et de contrôle » correspond à une bonne GTB (Gestion Technique des Bâtiments) ou GTC (Gestion Technique Centralisée), associée à une supervision. Ce qui va nettement plus loin que les systèmes installés d’habitude dans les bâtiments tertiaires.

 

En effet, le décret demande que les systèmes d’automatisation et de contrôle » :

 

  • suivent, enregistrent et analysent en continu, par zone fonctionnelle et à un pas de temps horaire, les données de production et de consommation énergétique des systèmes techniques du bâtiment et ajustent les systèmes techniques en conséquence. Ces données sont conservées à l'échelle mensuelle pendant cinq ans ;

 

  • situent l'efficacité énergétique du bâtiment par rapport à des valeurs de référence, correspondant aux données d'études énergétiques ou caractéristiques de chacun des systèmes techniques ; ils détectent les pertes d'efficacité des systèmes techniques et informent l'exploitant du bâtiment des possibilités d'amélioration de l'efficacité énergétique ;

 

  • soient interopérables avec les différents systèmes techniques du bâtiment ;

 

  • permettent un arrêt manuel et la gestion autonome d'un ou plusieurs systèmes techniques de bâtiment.

 

Cette liste appelle quelques réflexions. Tout d’abord, il existe bien sur le marché français des solutions techniques – fonctionnant à la fois en local et dans le Cloud – capables d’accomplir toutes ces missions. Ce sont cependant les solutions les plus avancées, rarement déployées pour l’instant.

 

Question vocabulaire, une « zone fonctionnelle », comme dans la RT est une partie du bâtiment où les usages de l’énergie sont homogènes. Le second point dans la liste, situer l’efficacité énergétique du bâtiment … revient à mettre en œuvre des solutions particulièrement intelligentes qui ouvrent la voie à la maintenance préventive en détectant non seulement les pannes, mais aussi les baisses d’efficacité et en prévenant les exploitants.

 

Ce qui implique, au passage, que même pour des bâtiments tertiaires relativement petits – 3000 m à 5000 m² -, il faudra non-seulement des contrats d’entretien et de dépannage, mais un vrai contrat d’exploitation.

 

 

 

L’interopérabilité des systèmes de pilotage devient enfin obligatoire. Les spécialistes de la GTB disposent depuis longtemps d’automates polyglottes, capables de faire office de traducteurs entre de multiples protocoles de communication. ©PP

 

L’interopérabilité est exigée

 

Le troisième point, dans la liste ci-dessus, érige l’interopérabilité des systèmes d’automation et de contrôle des différents processus techniques du bâtiment en règle cardinale : enfin ! Le décret exige bien que « l’ensemble des systèmes techniques » soient asservis au système de contrôle centralisé. Ce qui peut poser à court terme des difficultés aux systèmes fermés – les DRV (Débit de Réfrigérant variable) en climatisation, par exemple – installés dans des bâtiments existants depuis quelques années. Il faudra intervenir pour poser des passerelles – des automates traducteurs locaux – entre leurs solutions de pilotage propriétaires et le système d’automation centralisé.

 

Enfin, demande le décret, « les données produites et archivées sont accessibles au propriétaire du système d'automation et de contrôle, qui en a la propriété. Celui-ci transmet à chacun des exploitants des différents systèmes techniques reliés les données qui les concernent ». Cette phrase mérite commentaire.

 

Le propriétaire des données n’est pas le propriétaire du bâtiment, mais le propriétaire du système d’automation et de contrôle. Si, par exemple, le propriétaire du bâtiment a fait appel à un tiers financeur pour financer, installer et exploiter le système d’automation en se rémunérant sur les économies réalisées, comme savent le faire de grands exploitants comme Dalkia ou Axima, voire même les industriels de la GTB, il n’est pas propriétaire des données de son propre bâtiment. Il faudra, dans ce cas, que les contrats soient bien rédigés pour que le propriétaire du bâtiment ait accès aux données.

 

 

 

Les systèmes d’automation, de GTB et de supervision exigés par le décret seront des assistants efficaces dans le développement de la maintenance prévnetive des bâtiments tertiaires. ©Daikin

 

Maintenance obligatoire

 

Le décret prévoit que « les systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments font l'objet, en vue de garantir leur maintien en bon état de fonctionnement, de vérifications périodiques par un prestataire externe ou un personnel interne compétent.

 

Ces vérifications sont encadrées par des consignes écrites données au gestionnaire du système d'automatisation et de contrôle du bâtiment, qui doivent préciser la périodicité des interventions, les points à contrôler et prévoir la réparation rapide ou le remplacement des éléments défaillants de ces systèmes d'automatisation et de contrôle ».

 

L’intention est clairement bonne, mais ça ne correspond pas du tout à la technicité nécessaire pour émettre un avis censé sur une installation de GTB un peu complexe, doublée d’une supervision, telle que les décrit le décret.

 

Seuls les personnels des exploitants (ceux des sociétés d’exploitation et ceux des grands bâtiments qui ont créé leurs propres équipes d’exploitation), des industriels de l’automation – Johnson Controls, Kieback&Peter, Dela Dore, Distech Controls, Loytec, Occitaline, Sauter, Schneider Electric, Siemens et autres Arcom ou Apilog –, ainsi qu’un tout petit nombre de bureaux d’études spécialisés, possèdent le savoir-faire nécessaire. On risque de voir la multiplication d’instructions très générales.

 

En échange de leur raccordement à un système d’automation et de contrôle, le décret exonère les équipements raccordés – chaudières de 4 à 400 kW - des obligations de contrôle périodique de l’efficacité énergétique et d’entretien annuel, énumérés par les articles R. 224-31 à R. 224-41, R. 224-41-4 à R. 224-41-9 et R. 224-43-2 à R. 224-43-11 du Code de l’Environnement.

 

Partant sans doute du principe que cela n’est plus nécessaire, si ces équipements sont suivis par un système intelligent capable de détecter leurs baisses de rendement et les variations d’autres paramètres optimaux de fonctionnement, et que les équipes de maintenance interviennent rapidement.

 

 

 

Les solutions de connectivités Daikin sont capables de répondre aux exigences du décret et permettent même d’agréger des sites pour les entreprises qui en possèdent ou exploitent plusieurs. Il ne leur manque plus que l’ouverture des API de leur plateforme internet pour que des supervisions tierces puissent exploiter leurs données. ©Daikin

 

 

 

Gérer les systèmes propriétaires

 

Clairement, ce décret va ravir les exploitants, les fabricants et installateurs de systèmes de GTB, ainsi que les éditeurs de logiciels de supervision. Les fabricants de chaudières, groupes froids, CTA, … seront peut-être moins contents.

 

Dans la mesure où ce décret concerne des bâtiments tertiaires existants relativement petits, ils devront en effet d’ici le 1er janvier 2025, rendre communicants des dizaines de milliers d’appareils installés depuis quelques années, encore parfaitement capables de remplir leur mission, mais qui ne comportaient pas de connectivité au moment de leur installation.

 

Ils doivent dans les mois qui viennent développer des solutions techniques pour connecter leurs appareils à des réseaux locaux BACNet, KNX ou LonWorks, voire à des réseaux IP, en fonction des possibilités de communication des systèmes d’automation que les propriétaires de bâtiments choisiront. Autre solution, raccorder leurs appareils à internet par des passerelles sans fil LoRa, Sigfox ou les nouveaux protocoles NB-IoT et autres qui arrivent avec la 5G, ou bien avec les solutions de cartes SIM MtoM de Matooma, par exemple, puis ouvrir les API de leurs plateformes internet à des concepteurs de supervision. De cette manière, leurs équipements seront monitorés, commandables à distances et interopérables avec les systèmes d’automation du bâtiment.

 

Daikin, par exemple, s’est engagé dans une remise à plat de ses solutions de connectivités. Comme tous les fabricants de DRV, le protocole de communication utilisé par Daikin pour ses systèmes centralisés de climatisation – grands multisplits et VRV – est propriétaire. Mais déjà Daikin propose des passerelles locales vers BACNet/IP, KNX et LonWorks.

 

Toutes les données des systèmes Daikin – les VRV, les multisplits, les gros monosplits, les groupes froids, les CTA et même les équipements de froid commercial - peuvent être renvoyés vers sa plateforme WEB. Celle-ci permet au propriétaire et à l’exploitant de récupérer et de visualiser toutes les données de fonctionnement de ses équipements, d’agréger différents sites s’il en possède ou exploite plusieurs et fournit déjà une bonne partie de ce que demande le décret : archivage des données, alerte de performance et recommandations d’intervention ou de modification pour optimiser le fonctionnement des systèmes.

 

Ce que cette solution Daikin ne fait pas encore, c’est ouvrir ses API de manière à ce qu’une supervision puisse agréger les systèmes Dakin d’un bâtiment avec les autres systèmes techniques (éclairage, production d’électricité sur site, …) du bâtiment. Ce devrait être possible au second semestre 2021.

 

Les autres fabricants de systèmes de climatisation en sont à peu près au même point. Ils proposent des passerelles vers des protocoles de bus de terrain BACNet, KNX et Lonworks au minimum, Mobus et Modbus/TCP de plus en plus. Mitsubishi Electric, grand groupe mondial des automatismes, est capable de proposer des passerelles vers à peu près n’importe quel protocole de communication.

 

Tous disposent également de plateformes internet qui récupèrent les données de leurs DRV, les remettent en forme pour une visualisation, poussent des alertes et des propositions d’optimisation. Mais, aucun, pour l’instant n’ouvre ses API à des éditeurs de logiciels de supervision.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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