Bâtirama : Quelles expériences avez-vous tiré de la crise et du confinement acte I ?
Fabio Rinaldi : Cette période a été si violente, imprévue et imprévisible que tout a été mis en œuvre à ce moment. Depuis, les huit mois passés ont démontré que les actions engagées ont été une réussite. Notre modèle coopératif est un circuit court très rapide et nous avons travaillé main dans la main avec le réseau.
L’agilité qui est dans notre ADN s’est complétement révélée. Par conséquent, le nouveau confinement qui, cette fois maintient une certaine activité économique notamment pour le BTP, ne freine pas notre activité et sans devoir renforcer les mesures sanitaires déjà mises en place au printemps dernier, qui n’ont d’ailleurs jamais été abandonnées.
Qu’est-ce que cette crise a révélé concrètement ?
F.R. : Un engagement local très fort de nos adhérents, une proximité des chefs d’entreprise, des points de vente, et une adaptation extrêmement rapide en instaurant les mesures barrières, les plexiglass, le balisage des points de vente, le click and collect.
Au niveau de l’enseigne nous leur avons apporté toute l’expertise nécessaire sur des domaines de prédilection qui ne sont pas les leur, en particulier dans cette crise : gestion des ressources humaines quand les effectifs sont réduits pour affronter le virus ou s’occuper des enfants à la maison ; mise en place du chômage partiel ; accompagnement au niveau de la trésorerie et du financement pour accéder au prêt garanti par l’Etat (PGE). Chaque jour, des web conférences étaient organisées pour accompagner les adhérents.
Le groupe BigMat se sent-il armé face au confinement acte II ?
F.R. : Nous nous sentons même rôdés. Depuis fin mars, nous n’avons jamais abandonné les gestes barrières renforcés, et les mesures instaurées dès les premiers jours du confinement ont vite permis de récupérer l’activité qui au départ avait chuté de près de 50 %.
Dès fin mai, le groupement, et c’est sa force, a su répondre à la phase d’extra-croissance qui nous a tous concernée. Pour moi, ce travail d’équipe avec nos adhérents a été une sorte de révélation de la capacité que nous possédons à travailler ensemble.
C’est à dire ?
F. R. : Si nos adhérents sont des femmes et des hommes, chefs d’entreprise aguerris qui n’en sont pas à leur première crise, ils ont su se mettre très vite en ordre de marche. Nous avons aussi beaucoup communiqué grâce aux outils de visioconférences.
Dès septembre, nous avons repris nos relations en présentiel pour nous préparer à ce qu’il pouvait arriver avec ces fortes contraintes sanitaires désormais intégrées dans notre quotidien personnel et professionnel.
Avez-vous prévu d’accroître les livraisons sur chantier ?
F.R. : Entre juin et septembre, l’activité a été si forte qu’elles ont repris de fait. En revanche, en septembre, nous avons continué à payer les pots cassés des fermetures des usines de nos fournisseurs pendant le confinement, le redémarrage lent ou tardif de certains. Nous avons connu une très forte tension sur nos stocks.
Nous avions donc prévu des temps d’approvisionnement plus longs avec bien sûr des répercussions sur les chantiers et des retards incompris par les clients. Mais cette fin d’année devrait rentrer dans l’ordre en termes d’activité et retrouver un niveau de services tout à fait convenable.
Tous nos fournisseurs nous ont informé de la continuité de leurs services. Pour autant, nous ne sommes pas à l’abri, chez eux comme chez nous, que des personnes soient contaminées par la Covid. Nous faisons tout pour protéger nos collaborateurs et le cas échéant, nous calibrerons notre activité. Mais la réalité est que ce virus concerne tout le monde.
Dans ce contexte, où en êtes-vous de votre transformation numérique et digitale ?
F.R. : Notre groupement se compose de 90 adhérents, qui sont 90 entrepreneurs avec 90 outils différents, même s’il existe de fortes synergies. Une digitalisation de l’ensemble de l’enseigne ne s’improvise pas. Elle demande des mois de préparation même chez nos confrères.
Cependant, cette transformation digitale, démarrée avant la Covid, reste d’actualité et s’accélère avec l’installation d’outils de paiement en ligne et le click and collect. Mais, nous n’aurons ni market place, ni plateforme de vente en ligne, d’autant que cette crise n’a pas démontré une explosion de ces achats pour nos familles de produits. Les artisans ont continué d’utiliser le téléphone, le mail, et se sont déplacés. Une forme de conservatisme persiste dans notre secteur d’activité.
Qu’en est-il de votre plan stratégique de 2020-2025 ?
F.R. : Axé sur des achats, du développement et sur l’harmonisation des systèmes d’information de notre réseau, pour justement avancer sur la digitalisation, nous le maintenons avec la grande satisfaction de n’avoir mis aucun dossier sous cloche grâce au télétravail qui existait déjà et que nous avons accentué. Si de nouveaux obstacles se présentent, toutes les mesures préventives ont été prises pour les contourner le plus vite possible.
Ce plan stratégique sera déployé quoi qu’il en soit avec des mesures d’économie s’il le faut. Mais je conserve un certain optimisme. Nous n’envisageons pas de réduction d’effectifs et bien au contraire. Que ce soit chez les adhérents ou au niveau de l’enseigne, nous allons recruter dès le début de l’année prochaine, avec des effectifs qui vont grossir de l’ordre de 10 % afin de déployer ce plan stratégique. En dépit de notre vigilance, il n’est pas question de casser la dynamique en place.
Quelles sont vos perspectives d’activité cette année ?
F.R. : Je ne l’aurais pas parié en mars ou avril derniers, mais 2020 devrait se terminer au même niveau que 2019. Ce qui est déjà très bien. Le rattrapage estival a été tel que les dégâts du confinement ont été limités. C’est grâce à la mobilisation de tous nos adhérents et collaborateurs que nous pouvons afficher ces résultats mais il faut rester prudent car le virus est toujours là et notre activité peut de nouveau être chahutée.
Comment abordez-vous 2021?
F.R. : L’économie française devrait se contracter entre 9 % et 11 % cette année, avec un rebond annoncé de 7,4 % en 2021. Mais nous sommes si décorrélés de ces chiffres que nous restons prudents. Avec les mois de baisse et de fort rattrapage connus en 2020, et à condition de retrouver une activité normale, 2021 devrait être stable voire en progression de 2 %. Encore une fois avec des réserves. Tout peut changer une voire deux fois dans l’année, de manière très forte et drastique.
Pensez-vous que les différentes mesures en faveur de la rénovation énergétique seront un facteur de soutien en 2021 en dépit du contexte de crise sanitaire ?
Source : batirama.com/ Stéphanie Lacaze Haertelmeyer