Le mécanisme des CEE (Certificats d’Economie d’Energie) marche bien. Trop bien même. Commencée le 1er Janvier 2018, la quatrième période, dite P4, du dispositif des Certificats d'Économies d'Énergie a été prolongée d’un an jusqu’à fin 2021.
Pour les trois premières années 2018, 2019 et 2020, les objectifs avaient doublé par rapport à la précédente période : 1600 Térawattheures cumac (TWhc), dont 400 TWhc au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. Pour l’année 2021, le gouvernement a ajouté 533 TWhc.
Malgré tout, cet objectif P4 est en passe d’être atteint, notamment grâce à l’efficacité des diverses opérations coup de pouce engagées. Bref, les acteurs produisent trop de CEE, notamment trop de CEE « précarité » ce qui engendre une baisse de leur prix et les poussent à restreindre les volumes produits.
Selon hellio, l’un des principaux agrégateurs de CEE, l’obligation de CEE pour P4 pourrait être atteinte dès juillet et, au plus tard, en septembre 2021. En effet, comme l’indique hellio, « un rythme de production record a été enregistré depuis quelques mois, avec une moyenne de 58 TWhc de CEE délivrés par mois depuis septembre 2020, un pic à 63,4 TWhc pour le mois de décembre, qui est un record absolu dans le dispositif, comparé à une moyenne de 44,8 TWhc sur toute l’année 2020 ».
Le rythme de dépôt de CEE, qui préfigure la production des mois à venir, atteint lui-aussi un record avec une moyenne de plus de 70 TWhc déposés par mois depuis septembre 2020, un pic à 85,4 TWhc pour le mois de décembre, soit le plus gros chiffre enregistré depuis le début du dispositif, comparé à une moyenne de 53,65 TWhc déposés par mois au cours de 2020. Si bien qu’au 1er février 2021, le stock de CEE en cours d’instruction au PNCEE (Pôle National des Certificats d’Economie d’Energie) atteignait 272 TWhc, soit 51% de l’objectif supplémentaire ajouté pour l’année 2021.
emmy, le registre national des Certificats d’Economie d’Energie, peint une image plus nuancée et montre une forte baisse en volumes pour les CEE classiques qui passent de 19 608,795 GWhc en janvier 2021 à 10 480,629 GWhc en février. Tandis que leur prix sur le marché spot augmente de 7,73 €/MWhc en janvier à 8,16 €/MWhc en Février.
En ce qui concerne les CEE précarité, leur volume baisse de 15 207,047 à 9 117,037 GWhc de janvier à février 2021. Tandis que leurs prix spot chutent de 8,19 à 7,84 €/MWhc au cours de la même période. Hellio estime cependant que ces chiffres ne montrent pas la réalité de la baisse des prix, puisque les transactions de février ne seront enregistrées sur la plateforme Emmy seulement au moment de leur échange effectif, soit en mars et avril pour les transactions spot, voire à la fin 2021 pour les autres transactions.
Deux phénomènes contribuent à l’engorgement actuel du marché. Premièrement, l’obligation des CEE est une proportion des ventes d’énergie. La pandémie est passée par là et les ventes de carburants ont chuté, entraînant une baisse mécanique de l’obligation des obligés vendeurs de carburant.
De plus, les objectifs annoncés pour la cinquième période (P5) ne sont guère ambitieux. En effet, début février, un projet de décret et d'arrêté ont été mis en consultation avec un objectif à 2 400 TWhc sur 4 ans pour P5, soit une légère hausse de 12,5 % par rapport à P4. Souvenons-nous que l'obligation avait été multipliée par plus de 6 entre la 1ère période et la 2e, par 2,5 entre la 2e et la 3e, et enfin par 2 entre la 3e et la 4e période.
D’ailleurs, le CLER (réseau pour la transition énergétique) a envoyé une lettre au gouvernement, lui demandant de fixer un volume d’obligation en cohérence avec la trajectoire de division par deux des consommations d’énergie françaises d’ici 2050, soit 2 932 TWhc au lieu des 2 400 TWhc indiqués dans le projet de décret.
Pour toutes ces raisons, hellio s’attend à ce que le prix des CEE continue de baisser pour s’établir entre 5 et 6 €/MWhc d’ici la fin 2021. Ce qui, naturellement, restreint les possibilités de subvention des travaux d’économies d’énergie réalisés chez les ménages français, dans l’industrie, dans les transports et en agriculture. Bref, les obligés n’achètent plus de CEE et rien ne va plus.
Marina Hoffel, responsable des affaires publiques et juridiques chez hellio, estime à propos de l’arrêté du 11 mars 2021 que « le canal de production des CEE [précarités] est considérablement réduit, afin de réduire le stock de CEE qui actuellement anticipe l’atteinte de l’obligation P4 et déstabilise le cours du marché à la baisse ». ©hellio
Publié le 11 mars, un arrêté semble conçu pour réduire l’offre de CEE et assainir le marché. Il apporte en effet quatre modifications au régime des CEE, qui s’appliqueront toutes à compter du 1er avril 2021 :
Premièrement, l’arrêté modifie le vocabulaire. La catégorie de ménages en grande précarité énergétique est rebaptisée « ménages précaires énergétique ». Désormais, cette catégorie de ménages est la seule à pouvoir bénéficier des CEE précarité énergétique.
Les ménages de l’ancienne catégorie « précaires énergétiques », pour leur part, sont rebaptisés « ménages modestes » et ne peuvent désormais prétendre qu’aux CEE classiques. L’arrêté publie deux nouveaux tableaux de plafonds de ressources pour les ménages modestes et les ménages précaires énergétiques.
Il faut donc s’attendre à une baisse de la production de CEE précarité, puisque les travaux engagés chez les ménages modeste (ex-précarité énergétiques) débouchent maintenant sur la production de CEE classiques.
Naturellement, il faudra être attentif aux opérations en cours. L’arrêté prévoit en effet que les opérations engagées jusqu’au 31 mars 2021 devront être achevées avant le 30 septembre 2021 pour bénéficier des modalités actuelles. Si les travaux sont achevés après le 30 septembre, ces opérations tomberont sous le nouveau barème moins généreux.
Un tableau en annexe 1bis de l’arrêté détaille les réductions de CEE pour les ménages de la nouvelle catégorie « précarité énergétique », département par département, si les travaux sont terminés après le 30 septembre et pour les opérations qui commencent à partir du 1er avril.
Un second tableau en annexe 1ter présente les réductions de CEE dans les mêmes conditions pour les ménages de la nouvelle catégorie « modeste ».
L’arrêté apporte quelques précisions pour la mise en œuvre de ces coups de pouce. Par exemple, un organisme de contrôle ne peut contrôler une opération dont il a réalisé l’audit énergétique. ©PP
De manière plus controversée, dès le 1er avril, l’arrêté exclut les ménages ex-Grande Précarité Energétique et désormais ménages précaires énergétiques, du bénéfice du Coup de Pouce « Rénovation performante d'une maison individuelle » et du Coup de Pouce « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif ». Ces coups de pouce sont désormais réservés aux nouveaux ménages modestes, ex-précaires énergétiques.
Ensuite, dans le cadre du Coup de pouce « Rénovation performante d'une maison individuelle », selon la fiche BAR-TH-164 « opération standardisée de rénovation globale d'une maison individuelle en France métropolitaine », l’entreprise chargée de l’étude thermique ne peut plus la sous-traiter. Et cette étude requiert obligatoirement le déplacement physique d’une personne sur le lieu de l’opération.
Pour l’éligibilité au coup de pouce « rénovation performante d'une maison individuelle », il faut désormais au moins un geste d’isolation thermique. ©PP
L’arrêté porte le taux de chaleur renouvelable, permettant de moduler les montants de CEE et de primes pour les CDP « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif et « rénovation performante d'une maison individuelle » de 40 à 50%.
Les acteurs du marché des CEE n’ont que 15 jours pour s’adapter à toutes ces nouvelles exigences. Ce qui est très court, comme l’indique Sonergia, un autre agrégateur de CEE.