"Nous avons subi la crise du Covid, il y a un an la hausse des coûts des matériaux, puis il y a 6 mois à peine, la hausse des coûts de l'énergie. Maintenant, c'est la guerre en Ukraine", résume Olivier Salleron, président de la FFB lors de sa conférence de presse du 30 mars. Si le secteur a tenu le coup jusqu'à présent, cette quatrième "onde de choc va peut-être nous faire mettre un genou à terre" a-t-il reconnu.
Les chiffres montrent déjà une amorce de décrochage en ce qui concerne les ventes et les mises en chantier en individuel. Pour le moment les permis de construire sont encore en hausse, en raison de la précipitation des demandes fin 2021 afin d'éviter les surcoûts de la RE2020.
S’y ajoutent également les premiers effets du "Zéro artificialisation nette" (ZAN), certaines collectivités traduisant l’objectif en arrêt immédiat de toute construction. "Il faut bien dire que l’hyper-technicité des échanges autour de la définition même de l’artificialisation incite aux raccourcis, certes parfois abusifs, mais au moins compréhensibles" résume la FFB dans un communiqué, qui demande également pour la mise en oeuvre du ZAN de prendre le temps d'un débat pour obtenir "un mécanisme opérationnel compréhensible par tous".
Cours des métaux non ferreux. Source : Insee.
L'impact de la guerre en Ukraine, c'est avant tout la reprise de l'envolée des prix des matières premières, notamment pour les métaux, mais aussi et surtout une forte volatilité sur les prix de l'énergie. "Il devient plus que probable que nous entrions dans un monde durablement chahuté pour ce qui concerne les matériaux que le bâtiment met en œuvre, avec des difficultés d’approvisionnement récurrentes et des prix volatils," résume M. Salleron.
"Même la peinture est touchée, c'est incroyable", ajoute Olivier Salleron. "Parce qu'elle est fabriquée avec du titane, qui vient de Russie." Certains composants électroniques sont également bien plus difficiles à obtenir ce qui prolonge les délais pour la fabrication de moteurs, pompes à chaleurs etc... Les implications sont multiples, et les effets n'ont pas encore fini de se faire sentir.
La FFB a rappelé que le secteur du BTP n'était pas initialement prévu au programme de résilience du gouvernement, mais que c'est sous son insistance que la filière a finalement été écouté. "Ce qui a été obtenu est insuffisant pour contrer l'emballement des prix. Mais la FFB a bien retenu que le plan était évolutif" a indiqué Olivier Salleron, bien déterminé à poursuivre la défense du secteur.
Pour l'heure, le BTP a obtenu le gel des pénalités de retard sur les marchés publics, la possibilité de mettre en oeuvre la théorie de l'imprévision pour réviser les prix des marchés privés, la publication accélérée des index BTP et le soutien renforcé aux pompes à chaleurs, chauffage biomasse et solaire, en contrepartie d'une sortie progressive du gaz (la FFB ayant obtenu une prolongation de 9 mois, au lieu de la sortie immédiate prévue initialement).
Des demandes complémentaires ont été faites au gouvernement, notamment, pour limiter l'affolement si les difficultés d'approvisionnement empirent, une absence de pénalité de retard sur les marchés privés et jusqu'au bout de la chaine, la prise en charge intégrale de l'activité partielle par l'Etat en cas d'arrêt de travaux (ce qui, heureusement, n'est pas encore d'actualité pour le moment). Pour soutenir les entreprises en difficulté face à l'envolée des prix : l'allongement de la durée des PGE et la mobilisation immédiate des créances de carry back. Et pour finir, l'indexation systématique de tous les marchés pour s'inscrire dans un monde à nouveau inflationniste.
Le président a souligné l'importance de faire preuve de solidarité dans la filière, c'est à dire être plus transparent sur les prix, sur les délais, et faire en sorte que les coûts ne soient pas supportés uniquement par les entreprises, qui sont déjà à bout de souffle, mais qu'un lissage des coûts soit effectué sur l'ensemble de la filière. Il a également souligné que "certains profitent de ces crises" en augmentant leurs marges, ce qui est inacceptable.
C'est une fierté pour la FFB : pas moins de 38 grandes filières ont signé au côté de la FFB pour demander aux candidats à l'élection présidentielle 2022 un ministère dédié au secteur. Les signataires comportent des entreprises de construction et syndicats, des industriels, ainsi qu'en aval des représentants de maîtrise d'oeuvre, de l'immobilier et de l'urbanisme et représentent, selon Olivier Salleron "entre 15 et 20 % du PIB français". Une grande première.
Les signataires ont adressé aux candidats à l'élection présidentielle une "déclaration commune des acteurs de la filière construction-immobilier" ce 30 mars 2022.
A une dizaine de jours des élections, les candidats retrouveront les propositions de la filière autour de quatre thèmes : faire du logement une grande cause, nationale ; assumer la transition écologique et valoriser l’innovation ; simplifier la vie des entrepreneurs et leur faire confiance ; promouvoir l’emploi durable et lutter contre la fraude.
Prochainement, un document destiné aux élections législatives regroupant 85 propositions autour de 11 thèmes sera publié.
"La FFB fait le boulot et essaye de soutenir ses entreprises", a indiqué Olivier Salleron. "Nous sommes toujours dans le combat face à cette nouvelle crise. Il est temps que le BTP soit considéré comme une force économique" a conclut le président de la FFB.