Les méthodes de construction évoluent et les entreprises du bâtiment doivent se montrer plus attractives pour recruter des compagnons… Deux arguments suffisamment puissants pour modifier sensiblement l’offre d’équipements et d’outillage des compagnons sur chantier. Les grands acteurs de l’électroportatif ont anticipé ces changements depuis déjà de nombreuses années et ont démocratisé le sans-fil à haut rendement. Désormais, responsabilité sociale de l’entreprise oblige, les attentes s’orientent vers des outils plus légers et maniables – c’est le cas chez les constructeurs d’échafaudages –, et une réduction de la pénibilité – des exosquelettes sont disponibles. Les opérations de montage de modules produits hors-site contribuent à transférer sur site des méthodes qui tiennent du phasage d’opérations industrielles… En outre, le design a définitivement fait son entrée sur les chantiers, de quoi en changer totalement l’état d’esprit.
Contrasté. C’est le qualificatif évident qu’il faut appliquer à l’année 2022, selon le Secimpac, syndicat des fabricants d’outillages électro-portatifs. La crise sanitaire s’est traduite par un stand-by sur la plupart des chantiers, qui a pris fin dès la fin des mesures sanitaires. 2021 avait enregistré de très fortes augmentations de ventes d’outillages : l’e-commerce affichait une croissance de 46,7 % par rapport à 2020, et de 73,2 % en comparaison à 2019 ; même chose en distribution professionnelle d’outillage électrique qui présente une hausse de 22,1 % entre 2020 et 2021 et de 27 % par rapport à 2019.
Cependant, les premiers chiffres de l’année 2022 ont souligné l’impact de la crise engendrée par la guerre Russie-Ukraine depuis fin février. Ces événements ont produit un « net tassement » de ce marché, soulignait le Secimpac au printemps ; les chiffres consolidés fin juin sont attendus ce début septembre et devraient confirmer le fléchissement de la courbe.
Il en est tout autrement sur le marché des petits équipements de chantier, selon le Seimat. Au premier semestre, le segment des machines compactes s’est arrêté à 11 562 ventes cumulées, en recul de – 2 % par rapport à 2021. « Une légère baisse due aux difficultés de livraisons rencontrées depuis plusieurs mois en lien avec la pénurie mondiale de composants et de matières premières », explique le Seimat. Le marché des minipelles, qui représente 56 % des ventes avec 6 545 unités, reste d’ailleurs stable (+ 1 %).
Autre marché important, celui des nacelles (3 853 unités) était en progression de 11 %. Ceux des pillonneuses et plaques vibrantes (7 232 unités) enregistrent un retrait net de – 6 %.
© EchoBarrier
Première nuisance perçue en zone urbaine, le bruit trouve des réponses efficaces avec les barrières modulaires. Le Grand Paris Express a-t-il popularisé les barrières antibruit ? Les ouvrages, pour la plupart en zones urbaines, en sont ceinturés. Des prestataires tels que AccessProtec ou Heras, fournisseurs de clôtures, propose des bâches acoustiques depuis déjà de nombreuses années. Mais EchoBarrier est récemment entré dans le jeu et bouscule ce secteur. D’origine américaine, cette entreprise se développe en Europe depuis deux ans depuis son siège en Irlande et son usine slovaque.
Ses produits se distinguent par une résistance aux sollicitations de chantier et un haut niveau d’abattement du bruit. Les enveloppes en PVC résistent au feu, aux intempéries et aux ultraviolets. Elles sont chargées d’une mousse acoustique doublement efficace : d’une part, elle affiche, en laboratoire, une réduction des émissions sonores d’au maximum 43 dB, soit une efficacité de − 20 dB en situation réelle. D’autre part, le matériau absorbant empêche la réverbération des bruits.
La gamme d’EchoBarrier est principalement basée sur deux modèles : un de 2m de haut par 1,3m de large de moins de 4 kg, l’autre de 2m de haut par 3,5m de large, ce dernier pesant 9kg. Le principe de pose est simplifié à l’extrême : des oeillets pour les accrocher aux grilles de chantier par des crochets. Il est ainsi possible de constituer des parois d’une dizaine de mètres de hauteur.
La modularité du produit conduit aussi à décliner les usages. Le catalogue compte des modèles de tentes pour couvrir le bruit des activités de découpe. Le produit peut aussi protéger des groupes électrogènes. Les nouveautés s’orientent vers un angle de panneaux, le V1, pour protéger les travaux de sciage ou de démolition, ainsi qu’une couverture spécifique pour brise-roche.
Portée par le distributeur Kavik, basé à Rouvroy (Pas-de-Calais), la commercialisation repose sur la prescription par les collectivités à travers le cahier des charges des marchés publics. Le marketing est aussi porté par des vidéos d’installations. EchoBarrier mène des négociations avec les loueurs nationaux.
Pour le responsable de cette major, durabilité, économie d’énergie et ergonomie au travail sont les maîtres mots.
Quelles caractéristiques majeures ont selon vous le plus fortement évolué au cours des trois dernières années ?
Rémi Lemas : J’en citerais trois. D’abord, tout ce qui améliore la durabilité, la pérennité du matériel. On peut citer les banches à peau en inox, stockables à l’extérieur sans risque de corrosion et plus faciles à nettoyer au retour de chantier. Ensuite, des réponses en matière d’économie d’énergie, comme les bases-vie mieux équipées et monitorées, et de recyclage des matériels en fin de vie. Enfin, une ergonomie qui permet une plus grande facilité d’utilisation des équipements et une prévention des risques d’accidents. Nous rencontrons ces innovations sur les banches de coffrage où les protections sont renforcées, sur les accès dotés de trappes automatiques, sur les serrages équipés de boîtiers de décompression qui limitent l’effort au décoffrage. On les trouve aussi sur les grues à tour qui sont désormais équipées d’un ascenseur dans le mât, d’une cabine climatisée et de caméras orientées sur les points à risques où les compagnons accèdent lors de la maintenance…
Quels sont vos principaux critères de choix des matériels et équipements ?
R. L. : Outre les prix, et ces notions de durabilité et de réponse à la pénibilité, il faut aussi attirer les collaborateurs en garantissant une « qualité de vie » dans les basesvie. Cela passe par le confort – le chauffage, la climatisation, les équipements sanitaires –, et comprend l’équipement des réfectoires – des appareils de cuisson aux réfrigérateurs jusqu’à leur surface, pour donner de l’espace entre les tables – et à l’hygiène – un service de blanchisserie assure le nettoyage des vêtements de travail.
Quels sont les impacts, en termes d’achats de matériels et d’équipements, des nouveaux modes de construction, notamment le hors-site ou la structure bois ?
R. L. : Ces évolutions modifient le besoin d’équipements. Dans le cas du hors-site, selon la taille des éléments préfabriqués, il faut des étaiements et élingues plus résistants… Il faut surtout informer des précautions à appliquer en raison du gabarit et du poids des sous-ensembles à regrouper. Mais les compagnons apprécient ces chantiers parce qu’étant en filière sèche, ils sont plus « propres » de par le process industriel dans lequel ils s’inscrivent. Même chose pour les structures bois, il faut des outils de montages et d’assemblage – perceuses, visseuses, tronçonneuses… – qui demandent aussi des formations spécifiques.
Quelles attentes d’innovations exprimez-vous auprès de vos fournisseurs ?
R. L. : D’abord qu’ils nous accompagnent dans nos démarches bas carbone et de développement durable. Je citerais quelques initiatives intéressantes. Notamment Hussor qui propose une banche isotherme pour les bétons à base de ciment CEM III, connus pour leur prise lente. En associant un chauffage par résistance électrique et une isolation du coffrage, on peut accélérer la prise et démouler dès le lendemain. Un test a eu lieu à Metz et nous allons conduire une opération bas carbone sur le Village des Athlètes de Paris 2024. Au titre de la durabilité, on peut noter l’abandon du contreplaqué, à usage unique en extensions de passerelles, pour des panneaux en composite d’une durée de vie de cinq à dix ans.
Même chose pour le démoulage : le « sans huile » est atteignable avec les banches à électrolyse ; la procédure est encore compliquée. Pour ce qui concerne les bases de vie, les outils de gestion peuvent permettre de les gérer plus intelligemment, d’éviter les surconsommations et d’assurer leur utilisation optimale. Dans un premier temps, il faut viser 15 à 20 % d’économies d’énergie, à terme, 20 à 30 %.