Ce 20 octobre, la conférence de presse conjoncturelle du Pôle Habitat FFB était empreinte de gravité, au lendemain du déclenchement du 49.3 par le Gouvernement pour faire adopter le PLF 2023 sans procéder au vote de l'Assemblée nationale. Olivier Salleron, président de la FFB, s'est joint à Gregory Monod, président du Pôle Habitat FFB, afin de montrer leur union" face à une crise du logement neuf qui semble de plus en plus inévitable.
"Le logement neuf est en danger" a martelé Olivier Salleron. "La pénurie de logement va tomber sur le peuple français si rien n'est fait".
Bien que les amendements les plus redoutés par la FFB, à savoir l'arrêt complet du dispositif "Pinel" fin 2022 au lieu de fin 2024, ainsi que la diminution des prêts à taux zéro (PTZ), n'ont finalement pas été retenus dans le PLF 2023 actuel, ce dernier ne suffira pas, selon eux, à sortir de la crise actuelle. Le montant actuellement alloué à MaPrimeRenov est "presque au même niveau que 2022", ce qui est "largement insuffisant" aux vues des objectifs de rénovation gouvernementaux, selon M. Salleron. Il évoque également "une nouvelle attaque sur la TVA à 5,5% en rénovation" puisque tous les travaux annexes liés à la rénovation énergétique" (peinture etc.) passeront à 10% au lieu de 5,5%.
"Ce PLF n'est pas satisfaisant", s'inquiète Olivier Salleron. "La FFB va se mobiliser très fortement. Il faut sauver le logement neuf. Il faut sauver le soldat Action Logement", a-t-il poursuivi. "Si des mesures ne sont pas prises rapidement, les Français les plus modestes mais aussi les Français moyens ne pourront plus se loger." Olivier Salleron a également mentionné que 30% des entreprises du secteur sont actuellement en danger, le nombre d'emplois également en danger pouvant en être déduit mathématiquement.
Au fur et à mesure que les statistiques se font connaître dans le temps, les chiffres semblent confirmer inexorablement une crise "sévère et rapide", a indiqué Grégory Monod. Chute brutale pour le marché de la maison neuve depuis début 2022 (les chiffres à fin août indiquaient -16,8% sur un an mais devrait se rapprocher de -22% sur un an si on tient compte des dernières estimations fin septembre, sous réserve de confirmation).
En cause, les nombreux freins qui conduisent les ménages modestes, les primo-accédants et les investisseurs à renoncer à leur projet immobilier : hausse des taux d'intérêts, augmentation des dossiers refusés par les établissements de crédit, suspension de la production de crédits immobiliers aux particuliers de plusieurs banques, inflation et incertitudes sur le pouvoir d'achat, augmentation continue des prix du foncier et surtout, flambée vertigineuse des coûts de construction provoquée par les surcoûts de la RE2020 et par l'explosion des tarifs des matériaux.
Cet effondrement des ventes a été observé dans toutes les régions sans exception. Sur huit mois fin août 2022, dix d'entre elles enregistrent une chute supérieure à 20% en glissement annuel.
Cinq régions souffrent d’un écroulement des ventes proche de 30% : Bourgogne-Franche-Comté (-32,8%), Hauts-de-France (-30,4%), Occitanie (-29,7%), Nouvelle Aquitaine (-29,3%) et Normandie (-29,1%). Cinq régions se situent autour de la moyenne nationale (-26,8%) : Centre-Val de Loire (-27,8%), Grand Est (-27,3%), Pays de la Loire (-27,3%), Bretagne (-26,1%) et Auvergne-Rhône-Alpes (-23,1%). Enfin, en Île-de-France (-19,2%), ainsi qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse (-13,5%), la chute des ventes ressort un peu moins brutale. © Pôle Habitat FFB
En ce qui concerne les maisons neuves en secteur groupé, on observe également une chute de 17,3% fin juin 2022 sur deux trimestres en glissement annuel, tandis que les ventes aux institutionnels s'effondrent de 23%.
Le logement collectif, dont les ventes avaient connu une lourde chute en 2020 (-22,7%) avant de regagner 17,2% en 2021, voit fin juin 2022 un recul de ses réservations de 9% sur deux trimestres. Les ventes sont également en recul de 9,8% sur les six premiers mois de l'année.
Source : FFB d'après MTECT/CGDD/SDES, Sit@del2
Si l'on observe un certain rebond des permis de construire accordés aux logements neufs (qui repose en grande partie sur une forte progression du logement collectif du fait du traitement des dépôts massifs de permis déposés fin 2021 en anticipation de la RE2020), la FFB Habitat s'inquiète d'un écart qui se creuse entre le nombre d'autorisations enregistrées et la mise en chantier réelle. Le taux de 15% de perte qui est habituellement observé en moyenne passe à 30% en 2022 : cet écard semble indiquer un plus fort taux de reports de lancement ; voire d'abandons de projets cette année, sous réserve de la fiabilité des données statistiques à disposition à l'heure actuelle. Des reports et abandons qui sont sans doute induits par l'envolée des prix des matériaux et des difficultés à trouver des entreprises en mesure de travailler dans les conditions prévues initialement par le projet.
Grégory Monod, président du Pôle Habitat de la FFB.
Il s'agit de neutraliser l'effet des clauses de pénalité de retard dans les contrats privés afin de prendre en compte la réalité du terrain. Grégory Monod souhaite notamment faire évoluer pour les CCMI, les modalités de révision du prix en permettant que celle-ci puisse être calculée jusqu'à la date d'ouverture du chantier ou a minima jusqu'à la date de réalisation de l'ensemble des conditions suspensives prévues au contrat. Cette mesure devra également être acceptée par les banques, qui aujourd'hui ont encore du mal à intégrer les révisions de prix dans les plans de financement des acquéreurs.
Rétablir le prêt à taux zéro à 40% sans discrimination territoriale, relever de 25% les plafonds d'opération pris en compte pour le calcul du montant du PTZ (qui n'a pas été actualisé depuis 2014 alors que les prix réels ont, quant à eux, augmentés), et enfin instaurer un crédit d'impôt de 15% sur les cinq premières années d'emprunt pour les ménages acquéreurs d'un logement neuf, afin d'atténuer l'impact financier de la RE2020 couplé à celle de la hausse des matériaux, sont les mesures qui sont proposées à la fois par la FFB et le Pôle Habitat de la FFB.
Dans un contexte d'effondrement de la vente de logements et d'agréments HLM, la proposition est d'aménager le dispositif Pinel pour le rendre plus attractif avant sa disparition programmée à fin 2024 et de maintenir les taux d'impositions qui étaient prévus en 2022 sur les années 2023 et 2024. Les FFB souhaitent également mettre en oeuvre un régime universel d'investissement locatif privé basé sur une mécanique générale d'amortissement, tel qu'il existe en Allemagne depuis 60 ans.
En conclusion, Grégory Monod a évoqué les "réelles inquiétudes" que traversent en ce moment les entreprises du BTP, confrontées à de vrais problèmes de trésorerie en ce moment. "S'il n'y a pas une réponse rapide du PLF, on va vers une catastrophe industrielle" a-t-il annoncé, demandant des réponses concrètes du Gouvernement.