Photo : Carole Deneuve et Alain Boisselon lors du point presse annuel de l'Unicem ce 8 décembre. © Unicem
L'année 2022, qui avait pourtant commencé de manière plutôt positive, a subi dès le deuxième trimestre les effets de la guerre en Ukraine avec une diminution globale de l'activité matériaux de l'ordre de 3 %, un taux qui a été répété au 3ème trimestre. Sur l'ensemble de l'année, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction prévoit une baisse d'activité de l'ordre de 4%, une tendance qui devrait se poursuivre sur l'année 2023 aux vues de l'inflation des coûts énergétiques et de ses multiples conséquences sur le secteur.
On remarque cependant, soulignait Alain Boisselon, président de l'Unicem, que sur les trois mois août-septembre-octobre, la production de granulat gagne 1% par rapport aux trois mois précédents. Une tendance qui peut peut-être s'expliquer par le fait qu'il est possible de stocker le granulat, contrairement au béton prêt à l'emploi (BPE) qui reste en retrait de 1,5% sur ces trois mois.
Sur ce graphique, on voit qu'entre janvier 2021 et octobre 2022, les prix des matériaux BPE, pierre de construction, sables et granulats ont augmenté d'environ 7,4%. Cela est cependant nettement moins important que les autres augmentations de prix de matériaux (+70% pour l'aluminium, +39% pour les bois sciés, +30% pour le cuivre, +27% pour les tuiles et briques...) ©Unicem. Source de l'indice des prix : Insee
Carole Deneuve, cheffe du service économique et statistique de l'Unicem, a indiqué cependant que l'activité BTP se maintient pour le moment, avec des carnets de commande remplis et un nombre de permis de construire en hausse. Là où le bât blesse, c'est le nombre de mises en chantier qui lui, diminue. "Les délais de réalisations s'allongent", analyse Carole Deneuve. "Les difficultés de recrutement dans le secteur du bâtiment expliquent en partie ces délais. Mais on voit que l'écart qui se creuse entre le nombre de permis de construire et le nombre de mises en chantier n'est pas tout à fait classique" s'inquiète-t-elle.
En effet, face à une situation où les ventes de logements neufs sont en forte chute (-21,8% en comparant le nombre de ventes sur 9 mois en 2021 et en 2022), en raison de l'augmentation des coûts des opérations immobilières tandis que les taux d'intérêts augmentent également, rendant l'accès à la propriété inaccessible à la majorité des ménages, on peut s'inquiéter que certains projets de construction ne soient pas tout simplement abandonnés.
On note aussi que les carnets de commande en travaux publics ne sont pas aussi importants que ce qu'ils pourraient être. "La prudence et l'attentisme semblent prévaloir", indique l'Unicem. Avec l'inflation, pour un même budget, c'est le volume de travaux qui va être réduit, entrainant par conséquent une baisse de volume de granulat commandé en 2023, de l'ordre de 4%.
"Nos métiers avaient déjà un très bon taux de recyclage, 76% avant la mise en place de la Rep. Nous sommes donc en avance par rapport aux autres. Avec la mise en place de la REP, nous avons décidé de créer notre propre éco-organisme, Ecominéro. Notre objectif est de passer de 76% de matériaux recyclés aujourd'hui à 90% en 2028," relate le président de l'Unicem.
"Cependant, aux vues des dates auxquels les barèmes ont été publiés, il nous semble très difficile de pouvoir, dans 20 jours, être en mesure de faire intégrer les coûts supplémentaires liés à la REP à l'ensemble de la profession. De nombreux devis ont déjà été établis, sans ces coûts. De nombreux professionnels n'ont pas encore bien compris son fonctionnement, surtout les petites entreprises. Quatre éco-organismes sont en concurrence, nous avons besoin d'un éco-organisme supplémentaire dont le rôle serait de définir les règles à suivre, de chapoter l'organisation. Cet organisme n'existe pas encore. Pour toutes ces raisons, nous avons demandé au Gouvernement plus de temps [un délai supplémentaire de 6 mois, NDLR]. La réponse devrait être traitée dans la semaine", résume le président de l'Unicem.
L'Unicem a également évoqué la feuille de route de décarbonation de la filière qui inclut notamment la problématique de nouvelles motorisations pour les engins de carrière, et a posé la question de la rénovation ou de la déconstruction des bâtiments pour atteindre une meilleure performance énergétique. "Pour prendre un exemple caricatural, l'urbanisme des années 70 ne corresponds plus aux besoins et aux attentes d'aujourd'hui. Dans certains cas, il est plus intelligent de déconstruire pour reconstruire, avec de meilleurs résultats sur le plan énergétique," plaide Alain Boisselon.
Carrière Lafarge à Bouc-bel-Air © Emilie Wood
L'Unicem a profité de la conférence de presse pour rappeler l'importance de la filière minérale pour le pays. "Quand on ferme une carrière, elle ne s'ouvre plus jamais. Par contre il est extrêmement rare d'en ouvrir une nouvelle", regrette le président de l'Unicem. "Il est important de conserver le maillage actuel de nos carrières, afin de conserver notre indépendance minérale. Aujourd'hui en Bretagne, sur certains chantiers, on est obligé de faire venir du granit Chinois pour reconstruire des bâtiments typiquement breton. Les ardoises bretonnes sont également menacées en ce moment, la dernière ardoiserie bretonne est sur le point de fermer, faute de trouver un repreneur. Demain, pour refaire des toits typiquement bretons, il faudra aller acheter des ardoises en Espagne."
Le président a insisté sur l'importance de prendre conscience de l'importance de notre richesse minérale, dont la perte serait potentiellement problématique pour tout le secteur de la construction.
"Après-guerre, il y avait 4200 carrières en France. Aujourd'hui on en compte 2300. Il faut entre 5 et 15 ans pour ouvrir une nouvelle carrière. Ce que nous attendons, c'est que les documents d'urbanisme, les Scott, réservent des zones pour l'extraction et la mise en valeur de nos ressources minérales locales" a-t-il conclut.