L'expression "construction passive" commence à être brandie à tort et à travers pour signifier que tel ou tel bâtiment est vraiment performant. Souvenons-nous cependant qu'elle a été imaginée et codifiée par le Professeur Wolfgang Feist, un physicien allemand, dés la fin des années 1980.
Au début des années 90, il fonde le Passivhaus Institut de Darmstadt, devenu l'un des centres de recherche indépendants les plus en pointe sur la physique du bâtiment. Le 17e Congrés International du mouvement Passivhaus se tient à Francfort en Allemagne, les 19 et 20 avril 2013.
Le Passivhaus Standard ou standard pour une construction passive est un label volontaire, privé puisqu'il est la propriété du Passivhaus Institut (PHI) de Darmstadt, avec des exigences de résultat précises et une méthode de calcul unique reposant sur un outil de calcul particulier.
Il s’agit du PHPP pour Passivhaus Projektierungs-Paket, un tableur sous Excel, dont la version 8 sera dévoilée le 19 avril en ouverture du 17e congrès. Un congrès Passivhaus, c'est à la fois une exposition de matériels et de systèmes de pointe, une série de séances plénières et de présentations techniques détaillées de méthodes, d'études ou de réalisation.
Initialement imaginé pour la maison individuelle, le standard Passivhaus a rapidement été étendu aux logements collectifs neufs, puis au tertiaire neuf. De très grands bâtiments de bureaux ont été construits au standard Passivhaus, dont "Energon" à Ulm.
Cet immeuble de bureaux de 6911 m², certifié Passivhaus par le PHI se caractérise par les valeurs suivantes :
Le standard a été appliqué à des crèches, des écoles, des lycées, des hôtels, etc. Depuis 2010, il a été étendu à la rénovation (label EnerPHit) avec des valeurs de consommation de 25 kWh/(m².an) pour le chauffage et l'obligation de faire appel à des composants performants (isolants, portes, fenêtres, etc.), si possible certifiés par le PHI.
Le standard a également été modifié pour s'adapter à des climats secs et chauds et chauds et humides. Dans ce cas, les besoins de chauffage se situent entre 10 et 15kWh/(m².an) et il apparaît des besoins de “refroidissement actif” de 2,2 à 3,3 kWh/(m².an).
Le mouvement Passivhaus s'est répandu dans le monde entier. Il existe des chapitres dans la plupart des pays d'Europe, dont l'association "La Maison Passive" en France (www.lamaisonpassive.fr). iPHA (International Passive House Association, www.passivehouse-international.org) s'efforce de coordonner tous ces développement. Enfin, sur le modèle de Wikipédia, Passipedia, une encyclopédie en ligne, a été lancée. Elle est pour l'instant disponible seulement en Allemand et en anglais (www.passipedia.org).
En 2010, Frank Junker, Directeur Général de ABG, un promoteur social de Francfort qui ne construit et ne rénove plus que selon le standard Passivhaus, proposait une réponse. Il citait le cas d'un bâtiment du centre de Francfort dans Tevesstrasse, rénové en 2006 au standard Passivhaus.
Ainsi, le coût de l'énergie (chauffage, ECS, ventilation) pour une famille de 4 personnes dans un appartement de 120 m² était en 2008 de 8 € TTC/mois. Dans un autre bâtiment passif de logements collectifs neufs dans Grempstrasse à Francfort, une famille occupant un 107 m² avec quatre chambres, a dépensé 60€ pour le chauffage pour toute l'année 2008.
« C'est ça, disait Frank Junker, l'intérêt du standard Passivhaus: consommer peu d'énergie, mais surtout réduire très fortement les dépenses liées au confort dans l'habitat ».
« Mais, ajoute-t-il, il ne faut pas investir des sommes déraisonnables pour y parvenir. Pour cela, il faut réfléchir avant de construire : dans le neuf, le promoteur ABG construit au standard Passivhaus pour 1033€HT/m² en moyenne, foncier non-compris ».
La rénovation "utilisant des composants Passivhaus" du bâtiment de Tevesstrasse a permis de réduire la consommation d'énergie de 290 kWh/(m².an) à 17 kWh/(m².an). Avec un coût moyen de 1033 €/m² dans cette opération, la rénovation s'est avérée moins coûteuse que la démolition reconstruction qui était évaluée à 1500€/m².
Un bâtiment est passif au sens du label Passivhaus si :
On ne peut pas directement comparer ces valeurs avec les exigences de la RT2012. Pour commencer la température de confort est de 20°C en Allemagne, contre 19°C en France. Ensuite, les m² pris en compte ne sont pas les mêmes : SHONRT pour la RT2012, surface chauffée, sans l'épaisseur des cloisons, plus 60% des surfaces annexes non-chauffées pour l'outil PHPP.
Les surfaces PHPP sont en général plus réduites que la SHONRT. Les usages de l'énergie pris en compte sont différents : le PHPP compte tout, la RT2012 se limite à 5usages. Enfin, les kWh ne sont pas les mêmes. Les coefficients de conversion des énergies finales en énergie primaire sont différents : 2,58 pour l'électricité en France, 3 en Allemagne, 1 ou 0,6 pour le bois en France, 0,2 en Allemagne, etc.
Selon plusieurs études comparatives appliquant différentes méthodes à un même bâtiment, le standard Passivhaus est le plus sévère, suivi par la RT2012 et par Minergie (label volontaire suisse), désormais moins exigeante que la RT française, sauf en ce qui concerne le niveau Minergie P, correspondant à l'adaptation du standard Passivhaus à la Suisse.
Au tout début de l'année 1991, quatre personnes privées ont créé la "Passive House Developers Society", une sorte de coopérative de construction, et ont demandé aux architectes Bott / Ridder / Westermeyer de leur construire quatre maisons accolées en bande, de 156m² chacune, selon les principes de la maison passive développés par le Professeur Feist.
Ces quatre maisons, bâties dans le quartier de Kranichstein à Darmstadt et livrées en octobre 1991, font appel à ce qui est devenu la recette standard des maisons passives : excellente isolation thermique des murs, sols et toitures, ouvrants –portes et fenêtres– très performants, ventilation double-flux à récupération de chaleur sur l'air extrait, puits canadien, eau chaude sanitaire solaire thermique.
La toiture inclinée est en ossature bois : panneau OSB, poutres, cavités remplies de 445mm de laine minérale soufflée, panneau OSB, membrane d'étanchéité à l'air et à l'eau, couverture. Ce qui donne à la toiture une valeur Uv < 0,15W/(m².K).
Les parois verticales sont en briques de 175mm, isolées par l'extérieur par deux couches croisées de polystyrène expansé (PSE) de 150 + 12mm. Il n'existait pas de panneaux de PSE d'une épaisseur supérieure à 150mm en Allemagne à l'époque, d'où la nécessité d'en utiliser deux couches.
Les maisons reposent sur un vide sanitaire, dont les entrevous sont en fibre de verre et portent successivement 250mm de PSE, 160 mm de béton, 40 mm de PSE acoustique, 50mm de ragréage, 8 à 15mm de parquet collé à l'aide d'adhésifs sans solvants.
Les fenêtres sont en menuiseries mixtes bois-polyuréthane (PU) et portent du triple vitrage rempli au krypton (Ug = 0,7 W/(m².K).
Le groupe de ventilation double-flux à récupération de chaleur a été développé spécialement pour cette opération. Ce fut le premier groupe de ventilation équipé de moteurs à courant continu à commutation électronique, pour une consommation moindre.
Sa consommation d'électricité n'est que de 0,4 Wh/m3. Son taux de récupération de chaleur a été mesuré à 80 %. Ces quatre groupes ont fonctionné entre 13 et 15 ans avant d'être remplacés par des matériels plus récents.
L'étanchéité à l'air du bâti avait fait l'objet d'un soin particulier. Mesurée à nouveau en 2001 après 10 ans d'occupation continue, elle était encore de n50 = 0,3 h-1. Les déperditions de base dans ces maisons (pour -12°C à l'extérieur et 20°C de température intérieure, selon l'habitude allemande) sont inférieures à 10 W/m².
Pour cette première réalisation, les concepteurs n'osèrent pas supprimer les radiateurs : les maisons sont donc chacune équipées d'une chaudière à condensation et de 5 radiateurs. 5,3 m² de capteurs solaires tubulaire sous vide pour chaque maison produisent en moyenne 66% de l'ECS consommée chaque année, le complément étant apporté par les chaudières.
Ces quatre maisons ont fait l'objet d'un monitoring jusqu'en 2010. Durant la première saison de chauffe en 91/92, la consommation de chauffage a atteint 18,8kWh/(m².an), soit seulement 8% de la consommation de maisons neuves réglementaires de même surface, conformes à la réglementation thermique allemande de 1992.
Durant la seconde année, 92/93, la consommation de chauffage a baissé à 11,8kWh/(m².an). Et durant les saisons suivantes jusqu'à 2009/2010, la consommation moyenne annuelle pour le chauffage a été de 9,2kWh/(m².an) seulement.
Encore plus spectaculaire, la consommation d'énergie totale de ces quatre maisons – tous usages confondus : chauffage, ECS, cuisine, électricité pour les auxiliaires et la ventilation, électricité domestique et éclairage – avait atteint 43kWh/(m².an) au cours de la première année, mais depuis, elle n'a pas dépassé 32kWh/(m².an).
Ces quatre maisons sont occupées par des familles depuis leur construction. Aucun travaux d'envergure n'ont été réalisés depuis la construction. Le gros-oeuvre notamment –toiture, murs , sols, vitrages et ouvrants– n'a montré aucune réduction de performance dans le temps.
Source : batirama.com / Pascal Poggi