Le changement climatique étant devenu un enjeu crucial pour tous, le secteur culturel (employant quasiment 2,6 % de la population active et générant 2,3 % du PIB du pays) n'échappe pas au défi du dévolppement durable. Il est donc tenu de passer par une adaptation en raison de la nature de ses activités comme de sa dépendance à une pléthore de secteurs énergivores. Pour Alexander Neef, le directeur général de l'Opéra : "L'art naît de la contrainte : intégrer les enjeux environnementaux à nos activités n'est pas une entrave à la liberté de création, cela constitue à l'inverse une formidable occasion d'enrichir notre manière de penser le spectacle et le lien de l'Opéra avec ses publics et ses partenaires. Eco-concevoir les productions, mieux planifier les déplacements de nos artistes, maîtriser l'impact de nos bâtiments et de nos activités numériques, sont autant d'actions qui nous permettront de construire pour les générations futures un opéra plus soutenable."
L'Opéra de Paris, ce sont deux théâtres de plus de 180 000 m2 à chauffer et ventiler, approximativement 400 levers de rideau annuels, 1 500 conteneurs servant à stocker les décors et 44 654 tCO2 (en 2019) selon le bilan carbone (à titre de comparaison, l'empreinte carbone annuelle des Français est de 9,9 tonnes équivalent CO2 par habitant en 2021) définis ainsi : les réseaux de chaleur et la consommation d'électricté représentent tout juste 5 % du bilan total, tandis que les autres émissions de l'Opéra, soit 95 %, sont répartis sur cinq postes, dont les déplacements des visiteurs étrangers, les immobilisations, les achats de service, les déplacements profesionnels, les achats de biens divers, ainsi qu'une foultitude d'artistes comme de spectateurs autant nationaux qu'internationaux. Sans oublier une production importante de déchets. Autant dire que l'Opéra de Paris est confronté de plein fouet à la gestion du développement durable. La direction souhaite donc agir en s'engageant durablement en faveur de la transition écologique et en réduisant son impact environnemental.
L'Opéra Bastille. © Florian Kleinefenn / OnP
Les chiffres annoncés par l'Opéra de Paris sont impressionnants. Pour commencer, 100 % de l'électricité est désormais produite à partir de sources d'énergies renouvelables, 90 % de l'aluminium s'est vu remplacer par l'acier et le bois dans le cadre de la construction des décors depuis 2021, 80 % de l'éclairage d'une production est maintenant couvert par des LED (sur l'année 2022), 60 % du bois Okoumé a été détrôné par le peuplier et le pin maritime depuis 2022, la consommation d'eau a baissé de 30 % entre 2010 et 2019, celle de chauffage de 27 % entre septembre et avril 2023 (par rapport à 2022) tandis que la consommation électrique réduisait de 11 % entre septembre et avril 2023 (toujours par rapport à 2022). Enfin, des efforts notables en faveur de produits certifiés et bio ont été entrepris en restauration collective.
Lumières à l'Opéra Garnier. © Alamy/Stockbym
Suite aux résultats du bilan carbone et de l'audit énergétique de ses deux théâtres, un premier plan d'actions avait déjà démarré, piloté par la gouvernance de la politique environnementale en interne. Celle–ci est assurée par la directrice déléguée, qui est en charge de la stratégie, des investissements et du développement durable auprès de la direction générale. Pour ce faire, le comité de direction s'appuye sur un réseau de 25 référents "développement durable" qui rassemblent des représentants de toutes les directions artistiques, techniques et administratives. Ces derniers font le lien avec les équipes.
Ce plan, outre la structuration de la gouvernance et la mobilisation interne, a débouché sur des avancées significatives en 2022 et 2023, dont :
– le renforcement de l'efficacité énergétique des bâtiments, avec notamment l'installation d'outils de suivi Smart Impulse ;
– l'asservissement des centrales de traitement d'air des deux théâtres et de l'école de danse à des sondes C02, ainsi que le remplacement des 127 centrales de traitement d'air de l'Opéra Bastille, une opération en cours avec pour ojectif final le renouvellement de l'entièreté du le parc d'ici dix ans ;
– la modification des consignes de température, avec une température hivernale de 19 ºC dans les locaux et espaces publics (mais hors espaces occupés par les artistes, maintenus, eux, à 22 degrés) et à l'inverse, l'été, les températures ne sont plus refroidies à 18 mais 24 ºC ;
– l'amélioration de l'efficacité des réseaux de chauffage et de refroidissement ;
– la continuité de la campagne de déploiement des éclairages LED : ainsi, fin 2022, les éclairages LED représentaient 35 % des installatons lumineuses des bâtiments des quatre sites, 70 % de l'éclairage scénique de l'Opéra Bastille et 85 % de l'éclairage scénique du Palais Garnier ;
– la culture des toitures de l'Opéra Bastille en agroécologie, à laquelle une surface d'environ 480 m2 est dédiée, et ce afin qu'elle soit cultivée en potager, et l'installation de dix ruches sur les toits des deux théâtres ;
– le développement de l'éco–conception des décors via des matériaux de substitution moins polluants, tels que des peintures recyclées, ou encore l'emploi de bois certifiés PEFC et FSC, etc. ;
– et, enfin, l'encadrement de la mobilité des artistes avec, par exemple, une clause incitative intégrée aux constrats et stipulant l'annulation du remboursement des frais de déplacement pour les artistes invités choisissant de prendre dès lors qu'il existe un trajet en train équivalent de moins de cinq heures, ou encore la création d'une troupe de chanteurs lyriques assignée à résidence et en charge d'assurer les petits et moyens rôles, et ce afin de réduire les déplacements générés par l'activité artistique.
Les effets bénéfiques de ce plan ne se sont pas faits attendre, avec la réduction de 11 % de la consommation d'électricité et de 27 % pour le chauffage (entre septembre et avril 2023 par rapport à la même période sur l'année précédente). Ces efforts sont donc maintenus et à poursuivre sur les années à venir, avec en prévision, notamment, des travaux de rénovation technique, ou encore la rénovation des façades et des toitures des deux théâtres.
Potager sur le toit de l'Opéra Bastille. © OnP
La direction de l'Opéra de Paris, et ce dès cette nouvelle saison 2023/2024, prévoit de continuer à mobiliser les énergies en faveur, par exemple, d'une meilleure gestion des déchets (afin de préserver les ressources naturelles), d'une amélioration de l'offre des mobilités douces (en revoyant, entre autres, les conditions d'accueil des vélos, d'une activité évènementielle plus sobre et qui responsabiliserait les partenaires événementiels de l'Opéra de Paris, d'une sensibilisation des publics de l'Opéra aux enjeux de développement durable et, enfin, via une consolidation de la stratégie de numérique durable (et notammant le développement d'une plateforme de stockage interne).