S’outiller pour le chantier devient-il une démarche de plus en plus complexe ? La décision des responsables de chantiers se place au carrefour de multiples questions. Quels outils sont adaptés à tels types de structures (béton, bois…) ou telles opérations (enveloppe, isolation, finition…) voire tels types de matériaux (isolant minéral classique ou biosourcé…, réseaux cuivre ou en matériaux de synthèse…) ?
À cela s’ajoute les préoccupations de productivité et de coût. Faut-il plutôt des appareils électroportatifs filaires ou sans fil ? Dans le premier cas, comment fournir de l’énergie et répondre aux principes de décarbonation des chantiers ; dans le second, quel matériel choisir choisir selon les critères de puissance, intensité, performance des accus, délais de recharge, organisation de la distribution de l’outillage sur le chantier ?
Côté innovation, le sans-fil emporte la mise avec l’exploitation du potentiel des batteries lithium-Ion et des moteurs brushless. À noter que les intensités classiques de 5 à 8 Ah sont en train d’évoluer vers 8 à 12 Ah, signe d’usages très intensifs. Des perforateurs pour parois en béton aux scies plongeantes en passant par les porte-lames vibrants (dits multitools), leurs usages sont devenus polyvalents. À noter qu’un groupe de fabricants, le CAS (Cordless Alliance System, plus de 35 fabricants), a opté depuis plusieurs années pour la solution d’interchangeabilité des batteries 18 V sur les outils. Les accus peuvent sans problème passer de la perceuse Metabo puis à la sertisseuse Virax, à la scie circulaire Mafell ou la cintreuse Rothenberger.
En passant au sans fil, les charpentiers qui adopte ce type de cloueurs gagnent en sécurité et réduisent leur approvisionnement en cartouche de gaz. © AEG
De nouveaux appareils viennent d’ailleurs concurrencer d’anciennes versions. C’est le cas des cloueurs. Les versions électriques sans fil d’AEG apportent quelques arguments. Notamment, ils affranchissent les usagers de l’approvisionnement en cartouches de gaz. Une réserve d’air comprimé, à charger avec un compresseur, garantit jusqu’à 20 000 tirs, soit pratiquement six mois d’usage. Autre créneau exploré par les constructeurs : le "subcompact", des outils puissants (18 V) et plus légers pour le travail répétitif dans les lieux exigus. AEG lance des perceuses, scies sauteuses, tournevis et multitools dans cette gamme.
Petits et puissants. Les outils de la nouvelle gamme Subcompact d’AEG s’adressent aux compagnons qui ont besoin d’outils légers, puissants et permettant d’atteindre des zones de travail difficiles d’accès. © AEG
Toujours au chapitre de l’adaptation des outils aux nouveaux modes constructifs, l’arrivée des isolants biosourcés a imposé l’abandon du couteau pour laine minérale. Désormais, pour découper les panneaux en fibres végétales ou mélangées (lin, coton, chanvre, par exemple), il est indispensable d’utiliser des supports spécifiques et des scies à deux lames alternées. Jusqu’à il y a peu, le tandem était assuré par le support du suisse Spewe et la scie Alligator de Dewalt. Récemment, Edma a lancé sa table de découpe adaptée au couteau sans fil de son catalogue ainsi qu’à quatre autres modèles : le Bosch GFZ 16-35, les Dewalt DWE 397 (filaire) et DSC 397 (sans fil) et le Festool ISC 240.
Les compagnons disposent maintenant de plusieurs solutions pour couper proprement les isolants biosourcés. Ici le support de coupe d’Edma compatible avec plusieurs scies à deux lames à mouvements alternés. © Edma
Qui dit outil dit danger. Là encore, les évolutions au cours des dernières décennies sont manifestes. Pour AEG, le travail récent a porté sur les solutions anti-rebond sur les perceuses sans-fil – pour éviter la torsion du poignet – et sur les protections anti-vibration sur les perforateurs. Festool fait de même avec le KickbackStop.
Bien voir son ouvrage est capital en matière de sécurité. Sur sa dernière affleureuse GLF 55-6, Bosch a retenu une base en polycarbonate transparente qui permet de suivre l’avancement de la finition.
La protection intégrale est aussi judicieuse. La tendance du moment sur les scies plongeantes est la présence d’une large et longue règle de coupe, de 70 cm à 1,5 m, qui interdit le mauvais placement des mains. Peut-être plus impressionnant : Festool équipe ses scies circulaires sur table d’une détection électronique SawStop-AIM qui, à l’approche d’une main de la lame, interrompt instantanément sa rotation et escamote l’outil de coupe sous le plateau.
Autre élargissement des familles d’outils : la mesure. Ce phénomène s’est déroulé progressivement, et il est aujourd’hui clairement lisible. Ainsi, cette fonction évidement élémentaire, tenue depuis la nuit des temps et jusqu’il y a quelques décennies par des moyens rustiques (niveau à bulle, fil à plomb, décamètre …), s’est installée dans un environnement très technologique. Si la mesure à distance par laser simplifie et améliore la prise de cotes comme la pose des réseaux de fluides ou des faux plafonds, elle ouvre aussi la voie au métré complexe. Les données peuvent être traitées par une application qui rendra des plans précis. Les méthodes évoluent vers la saisie optique, par visée avec la caméra d’un portable ou d’une tablette, sans aucun report de données. Ce qui permet aussi de créer des plans 3D immédiatement lisibles par tous, entreprises comme maîtres d’ouvrage.
Les outils de mesure sophistiquées accompagnent les chantiers de la conception à l’exécution. © Bosch
En moins d’une dizaine d’années, cette ergonomie introduite par des logiciels phares comme SketchUp s’est répandue à travers de nombreuses applications, des plus sophistiquées aux plus abordables pour les petites entreprises de bâtiment. À la clé, avec le changement rencontré par le secteur du bâtiment confronté à la réduction du nombre de chantiers, au développement de la rénovation, à la difficulté de recrutement et au renforcement des normes, c’est l’évolution complète des pratiques des entreprises qui est progressivement en train de se jouer. Ce, jusqu’à proposer des plans produits rapidement, hyper-réalistes, facile à lier à une banque de données de produits pour fournir une nomenclature de besoins, des devis précis et des plans d’exécution aisément lisibles et exploitables par les compagnons. Ces évolutions s’intègrent parmi les solutions les plus efficaces du moment : le BIM – même si, de l’avis des entreprises, tout ne mérite pas d’être "bimé", mais l’esprit est là – et le hors-site.