En France, le nombre des permis de construire continue sa lente et inexorable dégringolade sur le mois de mars, jusqu'à atteindre son plus bas historique depuis au moins 2015, selon les données provisoires publiées ce mardi 30 avril 2024 par le ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, soit - 19,8 % en un an. Le nombre de chantiers commencés, qui suit traditionnellement celui des permis de construire, continue également de plonger, avec 283 200 mises en chantier entre avril 2023 et mars 2024, soit une baisse de 23,3 %.
Entre avril 2023 et mars 2024, ce sont 358 600 logements qui ont été autorisés à la construction, soit 19,8 % de moins que sur les douze mois précédents : 129 200 autorisations (- 22,2 %) pour les maisons individuelles, contre 229 300 pour les logements collectifs (- 18,4 %). Toutefois, il est à noter qu'au sein des logements collectifs, les résidences (seniors, étudiantes, etc.) tirent peu ou prou leur épingle du jeu avec une moindre baisse, soit - 8,8 %.
Il existe toujours des disparités régionales, puisque les Hauts-de-France et la Bretagne s'en sortent mieux que les autres régions, avec des baisses respectivement limitées à 4,8 % et 8,7 %. Sans grande surprise, les deux régions les plus tendues demeurent l'Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec respectivement - 26,1 % et - 28,8 %. © Laure Pophillat
Désormais, ce n'est plus un scoop : la construction neuve est hélas prise dans une crise dramatique. Ladite crise est en partie due aux :
– coûts de construction ayant augmenté, du fait de matériaux plus onéreux comme de normes environnementales rigoureuses ;
– Acquéreurs, qui souffrent de la remontée des taux d'intérêt et de la réduction de dispositifs publics de soutien à l'immobilier neuf et ne peuvent, logiquement, être actifs et réactifs sur le marché.
Évidemment, la crise a désormais des répercutions, sur l'emploi, notamment, plusieurs promoteurs ayant annoncé des plans sociaux, quand ils ne déposent pas le bilan. La FFB, très pessimiste, table sur 90 000 suppressions d'emplois d'ici fin 2024, puis encore 150 000 pour le milieu de l'année suivante.
Paradoxalement, du côté de chez Vinci Construction, ça va bien, voire très bien. Ainsi, jeudi 25 avril, le mastodonte français du BTP, a confirmé ses prévisions 2024 et annoncé un chiffre d'affaires en hausse de 4,8 % à 15,7 milliards d'euros au premier trimestre, notant une remontée du trafic autoroutier après les manifestations des agriculteurs et un carnet de commandes qualifié de "record".
La branche Vinci Construction a réalisé 7 milliards d'euros de chiffres d'affaires, soit une progression de 3,9 % due à, entre autres, une bonne activité en France sur la réhabilitation de bâtiments existants, ainsi que la construction de bâtiments publics et les travaux routiers : les ventes en France, qui représentent quasiment la moitié de l'activité de la branche Vinci Construction, progressent de 6 %. À l'international, la hausse est moindre, soit 2 %. Quant au carnet de commandes il "se stabilise" et "représente près de 13 mois d'activité moyenne", selon le communiqué du groupe Vinci.
Sur les autoroutes, si le trafic reste en baisse de 1,4 % pour l'ensemble du trimestre, Vinci a constaté une "inflexion positive" en mars, grâce aux vacances de printemps.
L'activité Vinci Auttoroutes a dégagé 1,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit une hausse de 3,2 %. © Vinci Autoroutes
Côté aéroports, le chiffre d'affaires a progressé de 14 % à 876 millions d'euros, porté par un trafic passager "supérieur à son niveau de 2019 pour le deuxième trimestre consécutif", selon le communiqué.
De fait, le groupe Vinci s'attend toujours à "une nouvelle hausse" de son chiffre d'affaires en 2024, même si "celle-ci devrait être d'une ampleur moindre que celle réalisée en 2023".
Pour rester dans les poids-lourds du marché de la construction, le groupe Saint-Gobain note qu'à données comparables, son chiffre d’affaires baisse de - 5,8 %, affecté par le recul de la construction neuve en Europe, mais cependant soutenu par la croissance des Amériques et de l’Asie Pacifique. Les prix du Groupe s’inscrivent à - 1,1 %, permettant de générer un écart prix-coûts positif, grâce à une grande rigueur d’exécution sur les prix et à la réduction de certains coûts de matières premières comme d'énergie.
Comme anticipé, les volumes s’inscrivent à - 4,7 % au premier trimestre 2024, soit une amélioration à jours comparables par rapport aux chiffres du quatrième trimestre 2023 et à données réelles, le chiffre d’affaires s’établit à 11,4 milliards d’euros, avec un effet de change de - 0,5 %.
Le groupe garde toute confiance dans les perspectives 2024, visant une marge d'exploitation à deux chiffres pour la quatrième année consécutive.
L'interdiction de louer les passoires thermiques à partir de 2025 ne pourra pas s'appliquer, c'est du moins ce qu'affirment les sénatrices Dominique Estrosi-Sassone (LR), Viviane Artigalas (PS) et Amel Gacquerre (UDI) dans un inventaire de propositions issu de leur mission d'information sur la crise du logement publié ce mardi 30 avril 2024 : "Il est aujourd'hui évident que le calendrier de la loi Climat et résilience ne peut pas être tenu et fait peser un risque important de sortie du marché d'environ 18 % des logements locatifs".
Les trois sénatrices détaillent : "Sans abandonner nos ambitions en matière de rénovation, il paraît inévitable de repousser à 2028 l'interdiction de signer ou renouveler des baux pour des logements à étiquette énergétique G, la plus mauvaise (8 % du parc français), au lieu de 2025 comme prévu actuellement". De fait, elles reprennent les revendications d'organisations patronales, pour qui l'entrée en vigueur de ces mesures risque de réduire les logements disponibles et d'aggraver encore la crise du logement.
Selon les modalités actuellement prévues, les logements classés F (10,5 % du parc) ne pourront plus être loués à partir de 2028 et les logements classés E (22,4 % du parc) en 2034.
Les parlementaires proposent de revenir sur une pléthore de mesures d'économies soutenues par Bercy, comme le recentrage du prêt à taux zéro, dont elles souhaitent le renforcement. Elles suggèrent aussi :
– dans la lignée de la FPI (Fédération des Promoteurs Immobiliers), l'exonération de droits de succession sur les achats de logements neufs, une mesure considérée comme urgente afin de relancer une production en berne ;
– La simplification des règles pour transformer des bureaux en logements ;
– La possibilité accrue pour les maires de réglementer les meublés touristiques ;
– Une réforme de la fiscalité locative pour créer un "statut du bailleur privé" ;
– Une plus libre atttribution des logements sociaux ;
– Et, enfin, un financement exceptionnel des bailleurs sociaux afin de relancer la production HLM.
La possibilité doit être donnée aux maires de réglementer les meublés touristiques de type Airbnb, comme en Occitanie, par exemple, où la tension locative est plus forte que la moyenne française. © Laure Pophillat
Il est à noter que la réforme des règles du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière), proposée dans le rapport pour favoriser l'octroi de crédits immobiliers, a été enterrée mardi à l'Assemblée face aux réticences de Bercy.
Pendant ce temps, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique, présentait le 24 avril dernier en Conseil des ministres un projet de loi pour simplifier la vie des entreprises, à travers un plan d’action ("Plan d’action : simplification !") composé de cinquante mesures concrètes. L’une des mesures mises en avant concerne la simplification des démarches des entreprises du bâtiment et des travaux publics pour favoriser la rénovation énergétique, notamment à travers le label RGE.
Pour obtenir le précieux sésame, les prestataires (entreprises et artisans) de rénovation énergétique doivent témoigner d’un savoir-faire comme d'une expertise dans la rénovation énergétique via une procédure perçue comme complexe.
À cela, le plan d’action propose diverses solutions comme l’instauration d’une nouvelle voie d’accès au label RGE (sous la forme d’une validation des acquis de l’expérience), ou bien la simplification des dossiers de renouvellement, la dématérialisation des dossiers, ou encore la mise à disposition d’un devis-type "rénovation aidée" afin de faciliter l’instruction des dossiers de demande d’aide.
La FFB salue l'annonce de ce plan d'action-simplifcation, qui répond à une demande pressante de ses artisans et entrepreneurs adhérents, et plus précisément les TPE-PME du bâtiment. Ainsi, le plan proposé et le projet de loi associé annoncent notamment des simplifications en matière d’urbanisme (travail sur les déclarations préalables et permis, dérogations au PLU pour l’installation de dispositifs d’énergie renouvelable, …), de règles de fonctionnement des marchés publics ou encore de RGE.
En revanche, dans son communiqué, la FFB appelle le "gouvernement à veiller à ne pas introduire de la complexité en pensant simplifier". Tel est le risque, notamment pour les groupements momentanés d’entreprises où les règles différeraient dans le cas des marchés privés de rénovation énergétique de moins de 100 000 euros. De même, l’expérience récente appelle à une période de stabilité pour MaPrimeRénov’.
Olivier Salleron, le président de la FFB, souligne : "la FFB s’impliquera dans cette nouvelle démarche de simplification bienvenue qui, sans répondre à l’urgence de la crise, prépare l’avenir. La fédération a déjà proposé de nombreuses mesures, notamment en matière d’urbanisme ou de rénovation énergétique, et demande à être associée à la rédaction des ordonnances à venir. La FFB appelle enfin à éviter les fausses mesures de simplifications et les risques de re-complexification des aides à l’occasion des prochaines lois de finances".