Selon les dernières données annuelles du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), rendues publiques par Le Monde, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers en France est en légère baisse en 2022 : 20 276 hectares, contre 21 011 en 2021, ce qui marque "la fin de la tendance à la hausse depuis 2019", comme le pointent du doigt les auteurs du rapport.
Toutefois, cette baisse est à interpréter "avec prudence", toujours selon les auteurs, dans la mesure où elle fait suite à trois années de hausse et où le nombre d'hectares consommés reste "du même ordre de grandeur que les années précédentes". Les chercheurs se félicitent toutefois de "l'absence de reprise de consommation d'espaces" avec un pic atteint en 2021, mais qui reste inférieur à la période 2016-2018.
La France perd l'équivalent de près de cinq terrains de football par heure. © Réseau Action Climat
L'objectif "Zéro artificialisation nette" (ZAN), inscrit dans la loi, oblige la France à diviser par deux son rythme de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031, dans un premier temps, afin d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette des sols pour l'année 2050 dans un deuxième temps.
Il faut dire que question grignotage d'espaces naturels, agricoles et forestiers, la France excelle. C'est même une championne dans la discipline, par rapport à ses voisins européens. Le pic d'artificialisation a été atteint à la fin des années 80, avec 60 000 hectares de surfaces artificialisées sur un an, ce qui équivaut à la disparition d'un département tous les sept ans !
Même si, depuis, cette gourmandise française a été freinée (il devenait indispensable de renforcer la tendance afin de préserver la biodiversité et le climat), en dix ans, entre 2010 et 2020, c'est encore 243 000 hectares qui sont dévorés, soit environ 25 000 hectares par an ...
Si l'artificialisation a franchement diminué entre 2011 et 2015, elle a atteint un premier palier autour de 22 000 hectares entre 2016 et 2018, puis un second palier autour de 20 000 hectares entre 2020 et 2022.
L'année 2019 demeure exceptionnelle, avec seulement 19 491 hectares consommés.
Les surfaces artificialisées sont destinées à trois usages majeurs : 42 % pour l’habitat, 28 % pour les infrastructures de transport, et 30 % pour le foncier économique (entreprises, zones commerciales, entrepôts, agriculture, services publics). © Réseau Action Climat
Les surfaces autorisées pour le logement ont retrouvé en 2021 leur niveau d'avant Covid, et restent du même ordre pour l'année 2022, avec 38,5 millions de m2 consommés.
Cependant, et c'est un point positif, la France consomme de moins en moins d'espaces par rapport au volume de constructions, conséquence des efforts de recyclage et de densification urbaine. De fait, d'après des données publiées dans le cadre de l'Observatoire de l'artificialisation des sols, un hectare de terrain permet de construire 2 538 m2 de bâti en 2021, contre 1 950 m2 en 2011, soit 30 % de plus en dix ans.
La bétonisation est majoritairement située dans les communes rurales, qui accueillent 32,7 % de la population pour 68 % de la consommation nationale d'espaces. À l'inverse, les communes denses (38 % de la population) ne représentent que 7 % de cette consommation.
Les surfaces autorisées pour l'activité économique (ici, une zone commerciale, symbole de la "France moche") sont en hausse, avec 38,6 millions de m2 consommés en 2022 contre 36,3 en 2021. © RMC / BFMTV
Faut-il le rappeler tant il s'agit d'une évidence ? L'artificialisation des sols a des effets pernicieux sur la biodiversité, l'environnement et le climat, tout en renforçant aussi les fractures sociales, territoriales et économiques.
La loi Climat de 2021 fixe un objectif de réduction de moitié du rythme de bétonisation d'ici 2031 par rapport à la décennie 2011-2021, pour passer de 250 000 à 125 000 hectares consommés, avant d'atteindre la neutralité en 2050.