La briqueterie artisanale Rairies Montrieux cuit l’argile crue depuis cinq générations

La couverture de tuiles de la Grange, le plus ancien bâtiment de la fabrique Rairies Montrieux dans le Maine-et-Loire. ©

Rairie Montrieux fabrique des produits de façade en terre cuite : briques, plaquettes, briquettes, de diverses textures, formes, couleurs et finitions, pour différents systèmes de pose.




Chez Rairies Montrieux, tout commence par de l'argile crue extrait de carrières à quelques kilomètres de l'usine. À l'origine, la famille Montrieux a installé son entreprise aux Rairies, un village de 1 000 habitants dans le Maine-et-Loire, pour deux raisons : il y avait abondance d’argile et une grande forêt capable de fournir le bois pour la cuisson des produits. 70 % de l’argile utilisée par l’usine provient d’un rayon de 4 à 5 km autour des Rairies. L’extraction de l’argile s’effectue dans les carrières durant les deux mois d’été. La nappe phréatique se trouve à 15 m de profondeur, les carrières extraient donc l’argile jusqu’à 6 ou 7 m de profondeur. Le terrain appartient à Rairies Montrieux, la carrière est exploitée par un carrier indépendant. En ce moment, l’entreprise utilise quatre carrières. La région a dresseé une carte des carrières possibles en tenant compte des besoins des briqueteries durant les trente années à venir.

 

Les carrières d’argile à ciel ouvert sont de petits gisements de 1 à 10 ha de surface. La matière est chaque fois différente, en termes de couleur et de granulométrie. Résultat, il faut mélanger différentes matières selon le produit que l’on veut obtenir. Rairies Montrieux effectue jusqu’à 17 mélanges d’argile différents, selon le résultat souhaité.  © PP

 

 

Une fois l’exploitation de la carrière terminée, au bout de 15 à 20 ans, le terrain est remis en état. Ce qui se traduit souvent par la création d’un étang. Pour le plus grand bonheur des pêcheurs. © PP

 

 

Ensuite, l’argile est livrée chez Rairies Montrieux durant l’été. Cinq tas d’argile différentes – couleur et granulométrie – sont en cours de constitution. Ils seront achevés en septembre et fourniront la matière première durant une année jusqu’à l’été 2025. Les "recettes" sont réalisées à partir de ces tas d’argile. Ils ne sont pas spécialement protégés. L’humidité relative atteint 22 % dans les tas. © PP

 

 

L’argile blanche, 25 % du volume d’argile stockée, provient de carrières en Allemagne et en France. Les couleurs les plus claires sont obtenues à partir de kaolin. La température de cuisson de ces argiles blanches est plus élevée : la terre ne contient pas de minerai de fer qui favorise la conduction de chaleur. Ces argiles sont cuites à 1 100 °C environ, contre 1 000 à 1 050 °C pour les argiles contenant du minerai de fer. © PP

 

 

Rairies Montrieux s’efforce de valoriser ses invendus : des produits parfaitement sains qui ne correspondaient pas tout à fait à l’aspect que souhaitait le concepteur ou le maître d’ouvrage d’un bâtiment. Des architectes viennent inspecter ce stock. Ce qui leur donne parfois des idées d’emploi. © PP

 

 

L’entreprise fabrique plutôt sur commande, mais elle maintient un stock des principales références. Il représente 1,5 à 2 mois de ventes. ©

PP

 

 

 

 

L’activité croît rapidement

Chez Rairies Montrieux, l’activité croît rapidement depuis que l’entreprise s’intéresse à la façade. L’esthétique des façades obéit à des modes. En 2010, par exemple, en matière d’aménagement intérieur, le minimalisme est arrivé. Soudain, les architectes ne voulaient plus de la terre cuite rustique. L’entreprise s’est réorientée vers les produits de façade : ce qui était perçu comme rustique en aménagement intérieur, acquiert soudain une image contemporaine en façade. Rairies Montrieux développe son offre de solutions de façades. Le négoce ne s’intéresse pas à ces produits. L’entreprise se lance dans la prescription auprès des architectes. La livraison intervient en moyenne 3 mois après la prescription par l’architecte. Rairies Montrieux lance la fabrication après réception de la commande. Elle a peu de stocks et ne propose pas vraiment de produits standards. Les plaquettes représentent désormais 80 % des ventes. La brique décorative décolle depuis peu.

 

Le site de l’entreprise Rairies Montrieux est en plein travaux : une partie des vieux bâtiments a été démolie pour faire place à des bâtiments plus modernes et plus grands. Ils devraient être prêts à l’automne. © PP

 

 

 

 

Fabrication industrielle de produits artisanaux

Depuis 25 ans, l’usine est équipée d’une chaudière biomasse. Elle est alimentée en déchets de bois, déchets de palettes, déchets de fabriques de meubles, etc. La chaudière alimente notamment les quatre séchoirs de 2 200 m² chacun. Les produits passent en général 3,5 jours au séchoir. Ce qui veut dire que 13 000 m² de produits passent en séchoir chaque semaine. Chaque mélange d’argile possède des caractéristiques de retrait un peu différentes, mais, en moyenne, un produit perd 1 cm au séchage et 1 cm à la cuisson. Ils sont donc fabriqués en tenant compte de ces deux retraits successifs. La norme applicable aux produits en terre cuite impose de ne pas dépasser 3 % de différence par rapport aux dimensions nominales. Rairies Montrieux vise 0,4 % de tolérance dimensionnelle.

 

La fabrication des produits commence par la confection du mélange d’argile qui sera utilisé. Les mélanges sont stockés dans ces réservoirs bleus. Ils alimentent les extrudeuses qui fabriquent les produits en passant les mélanges d’argile à travers des filières d’extrusion. © PP

 

 

En sortie des filières, les produits, encore humides, sont coupés à longueur. Les plaquettes sont extrudées 4 x 4, puis séparées après cuisson. © PP

 

 

 

 

Après séchage et avant cuisson, les plaquettes sont stockées par couleur, par commandes, etc. © PP

 

 

 

 

Rairies Montrieux conçoit et assemble ses propres filières, dont les composants sont fabriqués par des artisans métallurgistes alentour. Quatre personnes travaillent aux filières. Les filières extrudent 40 000 m² de produits au maximum, à raison de 10 000 m² par passage. Elles sont vérifiées après chaque passage. Elles sont différentes, selon que le produit extrudé est en argile blanche (retrait plus faible) ou noir. Une filière coûte 3 500 à 4 000 € HT. Les plaquettes en argile blanche sont séparées avant cuisson, les languettes crues et humides sont récupérées et réintégrées dans la matière première pour la production. Les plaquettes d’argile noire ou rouge sont séparées après cuisson. Les languettes ne sont pas réintégrables dans le circuit de production et sont broyées pour devenir des couvertures d’allées, par exemple. © PP

 

 

 

 

La cuisson des plaquettes s’effectue dans un four tunnel au gaz naturel automatisé. Il date de 1962 et l’entreprise envisage de le changer d’ici 3 à 4 ans pour réduire sa consommation d’énergie de 50 %. Les plaquettes sont chargées sur des chariots. Le four mesure 68 m en longueur et contient 48 wagons. Chaque heure, un wagon entre et un autre sort : un wagon séjourne 48 h dans le four. La température s’élève progressivement : 70 °C à l’entrée du four, puis 200 °C plus avant pour évacuer totalement l’humidité (il reste 1 % HR dans les produits avant cuisson), cuisson à 1 100°C, avant un refroidissement rapide et une sortie à 200 °C. © PP

 

 

L’usine utilise également 8 fours à bois à alimentation automatique en plaquettes forestières, construits entre 1975 et 1980. Chacun mesure 10 m de long et chauffe entre 900 et 1 300 °C. Les produits sont placés à différentes hauteurs dans les fours, selon la température de cuisson souhaitée (plus chaud en partie haute). © PP

 

 

 

 

Il faut 3 jours pour charger un four, puis 3 à 4 jours de précuisson le temps que la température monte dans le four, 3 jours de cuisson, 1 semaine pour refroidir et trois jours pour vider le four. Des jours sont laissés entre les produits de manière à ce que le feu circule. Un opérateur expérimenté est capable d’indiquer la température du four simplement en fonction de la couleur des produits. La chaleur des fours est récupérée acheminée jusqu’aux séchoirs. © PP

 

 

 

 

 

 

 

L’atelier d‘émaillage va doubler de taille

Comme les briques de parement et les plaquettes émaillées sont en vogue, Rairies Montrieux est en train de doubler la capacité de son atelier d’émaillage. Premières cuissons en septembre. L’émaillage s’effectue en deux cuissons successives. La première cuisson vise à réaliser le retrait complet pour obtenir un produit inerte. Ensuite les produits sont enduits de la barbotine qui deviendra émail après une cuisson à 1 100 °C. La barbotine est composée de silice, de différents composants selon que l’on souhaite un émaillage mat ou brillant et de composants qui déterminent la couleur une fois le produit cuit. La formulation des couleurs varie dans le temps, si les composants ont changé ou proviennent de fournisseurs différents. Lorsqu’on leur commande une couleur déjà réalisée par l’entreprise, le laboratoire vérifie la formule et, à force d’essais, l’ajuste pour retrouver exactement la même teinte.

 

Voici les plaquettes à émailler avant l’entrée du four de première cuisson pour obtenir un produit inerte. En sortie de première cuisson, les produits sont enduits de barbotine qui se transforme en émail durant la cuisson. © PP

 

 

 

 

Avant leur seconde cuisson, les produits émaillés sont placés sur des cagettes de cuisson en cordiérite, plutôt coûteuses. © PP

 

 

Le cobalt dans la barbotine détermine la couleur bleue des produits émaillés. © PP

 

 

Pour obtenir cet aspect pommelé, ces produits sont émaillés et cuits en une seule cuisson. En revanche, une bicuisson cristalline aboutit à un produit dont la couleur affiche un rendu transparent. © PP

 

 

 

 

Voici l’équipe dirigeante de Raries Montrieux. De gauche à droite, Olivier Laval, directeur commercial et produits, Rémy Montrieux, PDG de l’entreprise, Arnaud Chevet, directeur de l’usine, Paul-Vincent Diquéro, directeur export. Raries Montrieux est largement détenue par la famille Montrieux. Rémy Montrieux a vendu 2 % du capital à chacun des quatre cadres dirigeants. Mais ses enfants ne sont pas intéressés par la reprise de l’activité. Sa principale tâche, outre le développement de l’activité, est la recherche d’une solution de continuité pour que Rairies Montrieux perdure. © PP

 

 

 

 

Trois réalisations autour d’Angers

Rairies Montrieux a participé à la réhabilitation de la manufacture d’allumettes de Trélazé. Le maître d’ouvrage, le bailleur social Podeliha, et l’association des Amis du Patrimoine Trélazéen, qui a réuni les 600 000 euros nécessaires, ont confié à Raphaël Zarka la réalisation d’une œuvre dans lez cadre de la réhabilitation de la manufacture. Raphaël Zarka a imaginé une cheminée visitable, pour laquelle Rairies Montrieux a fabriqué 35 000 briques, dont 11 000 sur mesures. L’entreprise ESBTP, issue du mouvement des Compagnons du Devoir, implantée au Mans et aux Rairies, s’est chargée de la conception et de la construction de l’ouvrage.

 

Baptisée la "Doublure", cette cheminée commémorative de 24 m de haut a requis un an de chantier et a été achevée au printemps 2024. © PP

 

 

 

 

Le promoteur Réalités a construit Factory, un immeuble de bureaux à Trélazé, conçu par Brunet Architectes. Sa façade est réalisée en plaquettes (220 x 60 x 12 mm) et plaquettes d’angle (220 x 105 x 60 x 12 mm) en Engobé lisse MontBleu 6, 7 et 8. © PP

 

 

 

 

Livré fin 2021, le projet Delta qui abrite le siège social de Podeliha est le plus grand chantier de plaquettes de parement Rairies Montrieux à Angers. La collaboration entre Rairies Montrieux et le cabinet d’architecture Rolland & Associés aura duré deux ans et demi. L’architecte a fait le choix de la plaquette hirondelle posée sous les allèges des fenêtres. La surface de ces plaquettes, légèrement ondulée, apporte une vibration à la façade. En soubassement de façade, on retrouve les briques Moucharabieh. La façade est entièrement revêtue d’Engobe "Montblanc 17", "Montgris 5" et "Montgris 4". © PP

 

 

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
logo
- -
  • par Jean de Montlaur
  • 01/07/2024 17:55:39

À l’attention de Monsieur Montrieux Monsieur, Suite à la lecture de l’entre filet paru dans Anjou, j’ai le plaisir de me tourner vers vous à deux titres. D’abord, potentiellement comme client pour une commande spéciale de terres cuites destinées à recouvrir le sol d’une orangerie de plus de 100m2 pour laquelle j’aimerai dessiner un “tapis” de carreaux. En second lieu, industriel à la retraite depuis 4 ans, j’ai lu l’histoire de la briqueterie et l’absence de repreneurs familiaux (je suis confronté à la même histoire) et aimerai vous aider, si je le peux dans ce sens. C’est avec grand plaisir que je répondrai à un appel de votre part si 1) et 2) vous agrée et vous prie de croire, Monsieur, à l’expression de mes sentiments distingués. Jean de Montlaur La Thibaudière 49460 Montreuil-Juigné 0618444769

Laissez votre commentaire

Saisissez votre Pseudo (votre commentaire sera publié sous ce nom)

Saisissez votre email (une alerte sera envoyée à cette adresse pour vous avertir de la publication de votre commentaire)

Votre commentaire sera publié dans les plus brefs délais après validation par nos modérateurs.

Articles qui devraient vous intéresser

Newsletter
Produits


Votre avis compte
Êtes-vous impatient de voir Notre-Dame de Paris réouverte au public ? (139 votants)
 
Articles
Nouveautés Produits
ASCM 18-4 QM AS

Chaussure de sécurité connectée DATI