Implanté sur le territoire de Plaine Commune, le programme "Elan’C" se compose de 105 logements répartis sur quatre bâtiments et deux copropriétés conçus par le cabinet MFR Architectes. Les neuf communes membres de Plaine Commune, dont Stains, ont délégué à cette communauté de communes une partie de leurs compétences en matière d’urbanisme. Depuis 2013, par exemple, les élus de Plaine Commune ont adopté à l’unanimité un référentiel d’aménagement soutenable. Ce document de référence accompagne élus et aménageurs pour mieux prendre en compte les enjeux d’écologie urbaine dans les projets menés. Il comporte des engagements pour une ville durable et une méthodologie pour concevoir un projet en intégrant la dimension environnementale dès les premières études urbaines.
Cela se traduit notamment par un cahier des charges imposé à toutes les opérations de construction neuve sur le territoire de Plaine Commune. Dans le cas de ELAN’C, il fallait consacrer 1 % du montant des travaux à l’achat de matériaux issus du réemploi et de la réutilisation, 20 % de matériaux de réemploi et de recyclage pour l’aménagement des espaces extérieurs, et utiliser au minimum de 5 % de matériaux recyclés et locaux dans le béton sur l’ensemble du programme.
Les partenaires de l’opération, Crédit Agricole Immobilier, le bailleur social IN’LI, filiale d’Action Logement, le cabinet d’architectes MFR et Bouygues Habitat Résidentiel, ont décidé de mettre à profit ces trois contraintes pour embrasser l’idée du réemploi et apprendre comment la mettre en œuvre concrètement. Parce que si tout le monde en parle, le réemploi en construction neuve n’est pas encore vraiment entré dans les mœurs, même si la méthode de calcul de la RE2020 considère que les matériaux de réemploi ont une charge carbone nulle.
Le réemploi a porté exclusivement sur des matériaux et produits de second-œuvre, à l’exception de 5 % d’agrégats issus de la déconstruction dans le béton coulé sur le chantier. Au moment où le projet s’est déployé, il n’existait pas encore vraiment de procédure pour prouver la conformité des matériaux de structure en construction neuve. Le Booster du Réemploi contribue à la définition de méthodes de test, ainsi que le syndicat de la construction métallique, en ce qui concerne les poutres et poteaux en acier. © PP
Les poteaux qui soutiennent les balcons à l’extérieur sont en acier, revêtus de bois de parement. © PP
L’eau de pluie est recueillie et stockée dans des cuves pour contribuer à l’arrosage des jardins. © PP
Pour le Crédit Agricole Immobilier, le maître d’ouvrage de l’opération ELAN’C, dont les 105 logements rassemblent 4 bâtiments, deux copropriétés, 63 logements en accession et 42 logements locatifs intermédiaires du T2 au T5, dont des duplex, acquis par IN’LI, est le premier pas dans cette voie de la généralisation du réemploi.
Le Crédit Agricole Immobilier s’est appuyé sur le Booster du Réemploi, une initiative lancée en 2020 par l’entreprise a4mt. Le Booster du Réemploi rassemble plus d’une centaine de maîtres d’ouvrage, de concepteurs, d’entreprises, de collectivités territoriales, de BE, de Bureaux de Contrôle et de Centres Techniques, dans le but de généraliser le réemploi. Il propose des webinaires, des retours d’expérience, dont un sur le projet ELAN’C du Crédit Agricole Immobilier, des synthèses techniques, un outil, des formations, ainsi que Looping, une plateforme en ligne qui rapproche offres et demandes de produits de réemploi, sans être une marketplace.
Dans les parties communes, une partie des revêtements de sol est issue du réemploi. © PP
L’une des difficultés rencontrées par le Crédit Agricole Immobilier (ils l’appellent délicatement "la gestion de la temporalité") est le fait que, contrairement aux produits et matériaux neufs, on ne choisit pas vraiment les matériaux de réemploi : on prend ce qui est disponible au moment où on en a besoin. Seconde difficulté, les matériaux de réemploi sont plus chers que les produits et matériaux neufs. La remise en état a un coût. Enfin, il faut convaincre les acquéreurs de l’intérêt du réemploi. Surtout qu’en l’espèce, le réemploi ne figurait pas dans les documents commerciaux initiaux de l’opération ELAN’C. Si IN’LI, spécialiste du logement intermédiaire, a immédiatement accepté, il a fallu convaincre un à un les clients en accession privée.
Pour embarquer les acquéreurs du projet sur le réemploi, Crédit Agricole Immobilier a organisé plusieurs réunions dans les locaux de Plaine Commune Aménagement, en présence de son AMO Réemploi Elan et du Booster du Réemploi. L’objectif était de familiariser les acquéreurs au réemploi, en leur montrant concrètement les matériaux et en répondant à leurs questions sur la garantie, les assurances, le reconditionnement, etc. Un pari partiellement réussi : à l’issu de la campagne de choix, 14 acquéreurs sur 63 logements en accession, soit 22,2 %, ont opté pour des matériaux de réemploi.
L’opération ELAN’C atteint une performance thermique RT2012 (20 %). Elle est raccordée au réseau de chauffage urbain de la ville de Stains. Les radiateurs à eau chaude, candidats parfaits au réemploi, sont neufs parce que l’entreprise n’a pas trouvé de radiateurs recyclés au moment où elle en avait besoin. © PP
De même, les robinets et les têtes thermostatiques Danfoss sont neufs, tout comme le thermostat d’ambiance centralisé. Il commande une vanne d’injection deux voies installée à l’entrée de la distribution horizontale de chaque logement dans les gaines palières. © PP
Les matériaux de réemploi sont installés à l’extérieur et dans les parties communes, ainsi que dans les logements dont les acquéreurs ont accepté le réemploi. Le sourcing s’est déroulé au cours du 4e trimestre 2022, à un moment où l’idée du réemploi était encore moins courante qu’aujourd’hui. En ce qui concerne les logements en accession, il fallait que le choix des acquéreurs soit fait avant le début des travaux d’aménagement intérieur.
À l’extérieur, les gravillons des toitures terrasse et les dalles techniques qui matérialisent le cheminement pour l’entretien, viennent de chantiers de déconstruction en Île-de-France, notamment d’un hôtel à Neuilly-sur-Seine. Dans les parties communes, les chemins de câbles proviennent d’un bâtiment tertiaire rénové dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
À l’intérieur, les prises électriques et les appareils terminaux muraux sont des invendus de Schneider-Electric. Plaine Commune Aménagement, pour cette première opération importante, a élargi sa définition des matériaux de réemploi aux produits invendus et aux erreurs de commande.
Les radiateurs sèche-serviettes dans les salles de bain sont une erreur de commande de Bouygues Habitat Résidentiel dans une autre opération. Ils ont été récupérés et installés dans ELAN’C.
Dans les aménagements intérieurs, les portes intérieures et leur quincaillerie, les façades de meubles de cuisine, la robinetterie sanitaire et de chauffage, sont des matériaux de réemploi. Une partie des receveurs de douche, le carrelage au sol et au mur dans les cuisines et les salles de bains sont des fins de séries invendues. Le sourcing des receveurs de douche s’est avéré particulièrement compliqué : il fallait en effet des dimensions précises et des receveurs sans ressaut adaptés aux PMR.
Les chutes de bois du chantier ont servi à confectionner des caches pour les nourrices de distribution chauffage et sanitaire. © PP
Au total, 16 produits et matériaux proviennent du réemploi, au sens large défini par Plaine Commune. Ce qui correspond à 131 tCOeq économisées et 735 t de matières premières économisées. Le coût des travaux, hors honoraires, se monte à 1 790 € HT/m²SHAB.
Les radiateurs sèche-serviettes des salles de bains sont neufs, mais proviennent d’une erreur de commande et ont été considérés comme des matériaux de réemploi par Plaine Commune. Les cuvettes de WC sont neuves également, faute d’en avoir trouvé en réemploi au moment nécessaire. © PP
De gauche à droite, Gildas Maguer, Directeur Général, SEM Plaine Commune développement, Valérie Wanquet, Directrice générale de Crédit Agricole Immobilier, Azzédine Taïbi, Maire de Stains, Ronan Fournier Le Ray, Architecte associé MFR Architectes, et Fabrice Denis, Directeur Général de Bouygues Habitat Résidentiel, et Claire Paillou-Thomas, Directrice Opérationnelle d’INLI, ont inauguré « Elan’C » le 4 juillet 2024 à Stains en Seine-Saint-Denis (93). © PP
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Merci pour votre article concret et chiffré. Pour une montée en puissance avec un gaspillage de matériaux réduit, le réemploi demande un alignement de tous les acteurs. Un retour d’expérience comme le vôtre souligne avec précision les domaines dans lesquels les efforts doivent porter : rapprochement entre l’offre et la demande de matériaux de réemploi, économies d’échelle sur la remise en état, conviction des acquéreurs, sujets d’assurance , … J’attendrai avec plaisir vos futurs articles qui démontreront les progrès à venir