Location de logements étroits, sans fenêtre, à plafond bas : décret en partie annulé

Immeuble d’habitation à Saint-Denis. © PP

Le Conseil d’État a annulé le 29 Août la section du décret du 29 juillet 2023, dit "décret marchand de sommeil". Il a jugé la procédure et non le fond de l’affaire.




Le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés revenait à légaliser la location de locaux sordides à des fins d’habitation depuis le 1er Octobre 2023 et constituait un retour en arrière par rapport à la circulaire du 9 août 1978. Il était jusqu’alors interdit de louer un logement dont les pièces de vie présentent une hauteur sous-plafond inférieure à 2,20 m, dont les pièces de vie et/ou les pièces principales se trouvent en sous-sol, sans vue horizontale sur l’extérieur et avec un dégagement inférieur à 2 m sur l’extérieur, avec des pièces de vie sans ouvrant donnant à l’air libre pour autoriser une ventilation naturelle, dont la ou les pièces de vie présentent une largeur inférieure à 2 m.

 

Le Décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 annulait des dispositions existant depuis 45 ans. Où donc était l’urgence ? © PP

 

 

 

 

1,80 de hauteur, 1,60 m de largeur

Le décret du 29 juillet 2023 insérait, à la section 3 du chapitre 1er du titre III du livre III de la première partie de la partie réglementaire du code de la santé publique, six sous-sections composées des articles R. 1331-14 à R. 1331-65 qui ont pour objet de fixer les règles sanitaires d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation et assimilés. Concrètement, le décret autorisait la mise en location un local en sous-sol, sans fenêtre, de 1,80 m de hauteur et de 1,60 m de largeur et d’au moins 9 m2, par exemple. Ou bien de considérer comme un deux-pièces ce même local avec une pièce de 7 m2 au rez-de-chaussée. Le décret revenait à légaliser des milliers, peut-être des dizaines de milliers de locaux loués illégalement comme logement jusqu’à son application. Ceux que louent les marchands de sommeil.

Curieusement, ce décret était signé par une brassée de ministres : Élisabeth Borne, Première ministre, Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances …, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice et Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Nous n’avons jamais eu d’explication cohérente quant à l’urgence de légaliser les marchands de sommeil. Le motif avancé – harmoniser par le haut la définition de ce qu’est un logement – était un mensonge manifeste. L’idée subséquente selon laquelle abroger ce décret réduirait l’offre de logement dans une période de déficit d’offre était trop pitoyable pour être discutée.

 

Dans le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, les combles, comme les sous-sols, faisaient l’objet d’un soin particulier pour faciliter leur location en tant que logement. © PP

 

 

 

 

Une annulation partielle

L’association DAL (Droit Au Logement) avait immédiatement saisi le Conseil d’État pour obtenir la suspension et l’annulation de ce «décret des marchands de sommeil ». Le Conseil d’État a rendu sa décision dans une ordonnance du 29 août 2024 et, comme l’explique le DAL, "annule la section 2 du décret marchand de sommeil, du 29 juillet 2023, pour défaut de consultation du HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique). Celui-ci avait été consulté sur une première version du décret qui, pour des raisons inconnues, avait été complétement remodelé avant sa publication sans être soumis à nouveau au HCSP". Le Conseil d’État a jugé sur une question de procédure et ne s’est pas prononcé au fond.

D’ailleurs, si, comme le confirme le DAL, la location de logements en sous-sol, dont les « sous-pleix », ceux de 2,20 à 1,80 m sous plafond, ceux de moins de 2 m de large, ou en l’absence de vue horizontale sur l’extérieur, d’éclairage naturel dès la deuxième pièce …, est désormais proscrite ; la section 3 du décret n’est pas annulée et permet la location de logements d’une pièce, munis d’un WC à 30 m de distance à vol d’oiseau, permet aussi la location de pièce avec seulement une ventilation mécanique pour le renouvellement d’air, sans ouverture sur l’extérieur.

En attendant, les dispositions annulées sont remplacées par celles de la circulaire de 1978. Il faut s’attendre à un nouveau décret. Mais, l’absence actuelle d’un gouvernement en France pourrait repousser sa sortie. Si un nouveau décret était publié dans les semaines à venir, il faudrait vraiment s’interroger quand au soutien accordé aux marchands de sommeil.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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