Dans son analyse du marché du logement parue mi-septembre 2024, le Crédit Agricole commence par rappeler que, selon la Banque de France, les taux d’intérêt (hors assurance) des crédits nouveaux à l’habitat ont atteint 3,6 % fin 2023 contre 1,1 % en décembre 2021. Depuis, ils ont légèrement reculé à 3,4 % à la fin du second trimestre 2024. Après avoir atteint un maximum à 4,2 % en décembre 2023, les taux effectifs globaux des contrats nouveaux se stabilisent autour de 4,1 % en moyenne en avril 2024. Quant aux taux d'intérêt, hors frais et assurances, des nouveaux crédits à l'habitat, ils s’établissent à 3,49 % en mai 2024 après avoir atteint 3,6 % en décembre 2023.
Conséquence immédiate, l’élévation des taux d’intérêt a provoqué une forte baisse de la production de crédit habitat aux ménages résidents. Sur douze mois, elle s’est établie à 137,5 Mds€ en juin 2024, contre 217,6 Mds€ en juin 2023, soit une contraction de 41 %. La production de crédit habitat, en baisse de 6 % en 2022, a davantage reculé en 2023 (- 40 %), du fait du repli des transactions, du début de la baisse des prix de l’immobilier résidentiel et également de la hausse de l’apport personnel demandé. Sur l’année 2024, la baisse de la production de crédit immobilier devrait ralentir et serait de l’ordre de - 25 % par rapport à 2023, du fait du moindre repli des transactions et de la poursuite de la baisse des prix de l’immobilier résidentiel. Sur le premier semestre de 2024, la production est en net recul, 10,8 Mds € par mois, - 22,6 % par rapport au niveau mensuel moyen de 2023 (13,9 Mds €). Le cumul sur douze mois baisse de 36,8 % sur un an en mai. L’encours de crédit habitat, encore dynamique en 2022, (+ 5,5 % sur l’année), ralentit nettement à 1,1 % en 2023. Il est même en recul depuis fin 2023 (d’environ 10,2 Mds€). En juin 2024, sur un an, il baisse de 0,6 %, principalement du fait de la faible production de crédits à l’habitat. C’est la première fois depuis le début des années 90 que l’encours (le volume de crédit) baisse à ce point. En décembre 2024, l’encours de crédit habitat des ménages sera probablement en légère baisse de 0,2 %.
Quantités de facteurs (hausse des taux, baisse du pouvoir d'achats, inflation du coûts des matériaux, règlementations diverses, ...) pèsent sur le marché du logement neuf. © PP
Face à ces évolutions des taux d’intérêts et des volumes de crédit réduits, les ventes de logements se sont effondrées. Dans l’ancien, les transactions sur douze mois ont baissé de 22,6 % à fin mai 2024, par rapport à mai 2023, pour atteindre 793 000 logements, au plus bas depuis 2015. La baisse des prix s’est accélérée, elle est de 5 % sur un an au second trimestre 2024, contre - 5,2 % sur un an au 1er trimestre 2024 et - 3,9 % sur un an fin 2023. Dans le neuf, comme le remarque le Crédit Agricole, la correction est nette, avec un recul des ventes de 33 % sur un an au second trimestre 2024. Les délais de vente s’allongent avec un délai moyen d'écoulement de l'encours de logements disponibles à la vente aux particuliers atteignant sept trimestres au second trimestre 2024, contre 3,4 au second trimestre 2022. Les prix au m2 dans le neuf se contractent et baissent de 1,5 % dans le logement collectif et de 2,1 % dans le logement individuel promoteurs. C’est positif pour les acquéreurs, mais dommageable pour les promoteurs, dont les marges ont été comprimées par la hausse des coûts de construction.
Le Crédit Agricole estime que les ventes dans l’ancien devraient se stabiliser progressivement, d’ici à fin 2024, grâce à l’amélioration de la capacité d’achat des ménages. Le Crédit Agricole prévoit 800 000 transactions en 2024, soit une baisse des ventes de 7,9 % dans l’ancien par rapport à 2023. Dans le neuf, la banque prévoit que les ventes des promoteurs se situeront entre 50 000 et 60 000 unités en 2024. Enfin, estime le Crédit Agricole, la baisse des prix dans l’ancien devrait se poursuivre jusqu’à fin 2024 et atteindre 4,5 % sur un an, sous l’effet de la baisse des transactions constatée entre fin 2023 et mi-2024.
Plus que les ventes récentes, depuis janvier 2022, avec le renchérissement du coût du crédit immobilier, les intentions d’achat sont globalement en baisse. Ce qui laisse peu de place à un éventuel reversement de tendance à court terme. Cette valeur est exprimée sous forme d’un index, en juin 2024, le solde était de - 86. Une légère amélioration est perceptible en juillet et août, avec un solde à - 82 sur les deux mois. Cette baisse des intentions d’achat s’explique par le renchérissement du coût du crédit. Selon l’INSEE, la baisse des velléités à acheter un logement touche particulièrement les ménages locataires et jeunes qui peuvent être assimilés aux primo-accédants. En effet, en janvier 2024, pour la première fois, les intentions d’achat d’un logement des ménages déjà propriétaires ont été supérieures à celles des ménages locataires.
En France, l’octroi d’un prêt repose sur la solvabilité de l’emprunteur, non sur la valeur du bien acheté. Sur longue période, le taux d’effort moyen est à peu près stable, autour de 30 %. En moyenne sur l’année 2023, il a légèrement augmenté pour atteindre 30,7 %, contre 29,9 % en 2022 et 30,1 % en 2021.Le Crédit Agricole estime que les recommandations du HCSF (Haut Conseil de la Stabilité Financière) sont correctement suivies par les banques. Initialement été formulées en 2019 sous forme de préconisations et fixaient la limite à 15 %. À partir de 2021, elles ont été ajustées à 20 %. En 2022, le respect de la règle des 20 % a été rendu obligatoire. En hausse constante depuis 2001, la durée initiale moyenne du prêt est en baisse depuis son plus haut de mai 2023 de 22,3 années pour atteindre 21,9 en mars 2024, après 21,2 fin 2021 et 22,1 fin 2022. Les recommandations du HCFS indiquent : "le taux d’effort des emprunteurs de crédit immobilier n’excède pas 35 % et la maturité des crédits n’excède pas 25 ans, avec une tolérance jusqu’à 27 ans en cas de différé initial d’amortissement. Elle prévoit également une marge de flexibilité : 20 % de la production trimestrielle de nouveaux crédits entrant dans son champ d’application peut s’écarter des critères fixés. Au moins 80 % de cette flexibilité maximale est réservée aux acquéreurs de leur résidence principale, avec au moins 30 % de la flexibilité maximale réservée aux primoaccédants."
L'obligation de ne pas accroître l'artificialisation des sols diminue l'offre de terrains à bâtir, ce qui augmente leur prix, se répercute à la hausse sur le prix des logements, tout en contribuant à une diminution de l'offre. © PP
La Banque de France calcule un indicateur de pouvoir d’achat immobilier des ménages en mètre carré (m2) : il correspond au nombre de m2 pouvant être acquis par un ménage disposant d'un revenu médian et empruntant au maximum de sa capacité. Entre 2019 et début 2022, le pouvoir d’achat immobilier est resté stable par rapport au point de référence de 2018, lui-même élevé comparativement à celui de 2007. La hausse du revenu nominal des ménages a compensé la détérioration du pouvoir d’achat immobilier induite par la hausse des prix des logements. Entre 2022 et mi-2023, le pouvoir d’achat immobilier s’est nettement détérioré : en septembre 2023, il était de 18,2 m2 plus bas que fin 2018. La hausse des taux d’intérêt a été le principal élément à l’origine de cette dégradation. Entre mi-2023 et mars 2024, le pouvoir d’achat immobilier s’est légèrement amélioré, de 5,2 m2 : même s’il reste dégradé par rapport à fin 2018 : la fin de la hausse des taux et la correction de la hausse des prix expliquent cette hausse de pouvoir d’achat immobilier. Ainsi, en mars 2024, un ménage peut en moyenne acquérir 13 m2 en moins que fin 2018.
En 2023, la baisse des permis de construire de logements accordés a atteint 24,2 %. En juin 2024, près de 347 900 permis ont été octroyés sur un an, en recul encore de 15,3 % par rapport à juin 2023 sur un an. Les mises en chantier se sont quant à elles réduites dès 2022, en baisse de 4,8 % sur l’année. La contraction s’est accentuée en 2023 où elle a atteint 24,6 %. En juin 2024, près de 272 750 chantiers ont été commencés sur un an, en recul de 21,8 % par rapport à juin 2023. Mises en chantier et octroi de permis de construire ont atteint des niveaux historiquement bas en juin 2024 sur un an. La filière des promoteurs immobiliers est particulièrement atteinte. Malgré un rebond à 119 700 unités en 2021/2020, les ventes de logements neufs (filière promoteurs) n’ont pas atteint leur niveau élevé de 2019 (131 000 unités). En 2022, elles ont encore baissé de 13,6 % pour atteindre 103 300 unités. En 2023, elles s’élèvent à 65 200 unités, soit un nouveau recul de 36,9 % en un an. Au second trimestre 2024, 58 000 logements neufs ont été vendus sur un an, c’est recul de 27,6 % par rapport au second trimestre 2023 et le niveau le plus bas depuis 1996. En 2022, les ventes aux institutionnels en bloc baissent de 9,5 % et s’établissent à 47 100 unités. En 2023, elles ont rebondi de 9,6 % et s’établissent à 51 600 unités. Au second trimestre 2024, la vente de logements neufs aux investisseurs institutionnels s’établit à 51 500 unités sur un an, en hausse de 11,7 % en un an par rapport au second trimestre 2023. Selon le Crédit Agricole, le rebond constaté en 2023 et début 2024 s’explique principalement par la finalisation du plan de soutien à la production de logements annoncé au printemps 2023 par Action Logement (30 000 unités) et CDC Habitat (17 000 unités). Au second trimestre 2024, 85 % des logements réservés en bloc ont été acquis par des bailleurs sociaux, contre 78 % en moyenne depuis 2018. En 2022, les ventes de maisons individuelles (secteur diffus) se sont fortement dégradées et ont subi une chute de 31,3 %. Avec la hausse des coûts de construction et malgré la modération de la hausse des prix des matériaux, les ventes de maisons individuelles neuves (secteur diffus) poursuivent leur effondrement et reculent de 39,1 % en 2023. Elles atteignent ainsi 58 500, un niveau en-deçà de la moyenne 2007-2022 qui s’établit à 118 441. En juin 2024, 49 200 ventes sur un an ont été réalisées, une baisse de 36 % par rapport à juin 2023 sur un an.
Enfin, nous n'avons toujhours pas de gouvernement qui pourrait formuler une politique de relance de l'offre de logements neufs.