Schneider Electric se lance dans l’économie circulaire en basse tension

L'usine Master Tech de Schneider Electric près de Grenoble fabrique des disjoncteurs neufs et remet à neuf des disjoncteurs déjà utilisés

Schneider Electric applique cinq approches de l’économie circulaire aux équipements basse tension : reconditionnement, réemploi, maintenance, modernisation ou recyclage. 22 % des gammes de produits sont déjà concernées.




Schneider Electric a entamé sa transition vers l’économie circulaire dès 2015. Le processus est complexe, lent, mais incontournable. Les premières gammes d’appareillages basse tension, issus de l’une des cinq approches de la circularité mis en œuvre par Schneider Electric, sont désormais proposés à son catalogue. Nous avons visité deux usines près de Grenoble où cette réorientation est à l’œuvre.

 

 

 

 

 

Un point de vocabulaire pour commencer

Dans le cadre de son tropisme anglophone, Schneider Electric distingue cinq processus d’économie circulaire :

– le recyclage consiste à démembrer les produits en fin de vie pour réutiliser certains composants et en valoriser d’autres en matières premières, dans le but de réduire les émissions de CO2 lors de la fabrication de nouveaux produits ;

– Le reconditionnement ou "Checked & repacked by Schneider Electric" consiste à remettre en circulation des équipements produits, livrés, mais jamais utilisés. Cela concerne les produits "non-énergisés" : les retours de SAV, conditionnés dans des emballages abîmés, commandés, livrés, mais pour diverses raisons, jamais mis en service ;

– Le réemploi ou "Refurbished by Schneider Electric" consiste à remettre en service et/ou à moderniser des produits énergisés (déjà utilisés) en changeant les pièces d’usure et les pièces critiques ;

– La modernisation ou retrofit revient à éviter l’achat d’un équipement neuf, tout en apportant de nouvelles fonctionnalités et des innovations techniques à un équipement existant ;

– La maintenance, enfin, consiste à prolonger la durée de vie des équipements installés grâce à des programmes de maintenance et de réparation adaptés.

 

Mettre en œuvre ces cinq processus suppose de profondes modifications dans l’organisation de l’entreprise. En ce qui concerne les flux logistiques d’abord, au lieu de simplement livrer des distributeurs ou des clients finaux, il faut en plus organiser la collecte des appareils chez l’utilisateur. Cet utilisateur était client, il devient fournisseur d’un équipement à remettre à niveau ou à démembrer : nouvelle relation contractuelle.

Il faut aussi développer de nouvelles activités : examiner les produits retournés, réaliser un diagnostic pour les diriger vers le reconditionnement, le réemploi, la modernisation ou le recyclage. Les usines doivent être réorganisées en conséquence : dégager de la place pour ces produits, créer des chaînes d’analyse, puis de modification des produits. Il faut également former du personnel aux nouvelles compétences requises, notamment l’analyse des produits retournés. Sans compter, naviguer à travers la réglementation et parvenir à certifier les performances des produits issus de l’économie circulaire. Bref, c’est compliqué, mais, selon Schneider Electric, c’est indispensable. L’entreprise a d’ailleurs créé deux labels internes checked & repacked et refurbished pour faciliter le choix des clients. Le prix de ventes des appareils issus de ces deux processus n’est pas plus élevé que celui des produits neufs, même si le processus de remise en état s’avère, pour l’heure, plus coûteux que la fabrication d’un produit entièrement neuf. Pour illustrer cette démarche, nous avons visité deux sites près de Grenoble : l’usine MasterTech à Moirans et le site de Fontanil-Cornillon.

 

Si Schneider Electric a entamé son exploration de l’économie circulaire dès 2025, le processus complet est pour l’instant limité à deux gammes de produits, dont le gisement de produits récupérables est suffisamment important : les disjoncteurs MasterPacT et les cellules Fluair F100 et F200. Schneider Electric s’est par ailleurs doté d’une direction chargée de l’économie circulaire, notamment représentée par Matthieu Mailly (à gauche), Circular Transformation Director, et Geoffrey Richard, à droite, France Ops Cicular Director. © PP

 

 

 

 

 

 

 

MasterTech fabrique et "refurbish(es)" des disjoncteurs MasterPacT

À Moirans, dans la proche banlieue de Grenoble, l’usine MasterTech de Schneider Electric fabrique 90 000 disjoncteurs MasterPacT neufs par an et, depuis 2020, s’est progressivement dotée d’une ligne capable de "refurbish" 15 000 MasterPacT par an.

 

Le MasterPacT est un disjoncteur de tableau électrique basse tension, mais de grande puissance : de 800 à 6 300 A, soit 160 à 1260 kW en monophasé et 470 à 3 700 kW en triphasé. Ils équipent les usines, les immeubles collectifs, les bâtiments tertiaires, les bureaux, les hôpitaux, etc. © PP

 

 

Anne-Carole Donnenwirth est responsable de la production et de la réorganisation de l’usine MasterTech pour faire place à l’économie circulaire. © PP

 

 

Dans l’usine MasterTech, les disjoncteurs MasterPacT refurbished sont réceptionnés, analysés (seuls les produits ayant moins de 5 ans poursuivent vers le réemploi, les autres sont démantelés), toutes les données concernant leur précédente utilisation sont effacées, les pièces défectueuses sont déposées et remplacées, certaines sont remplacées par des composants plus modernes. © Schneider Electric

 

 

 

 

En fin de processus, les disjoncteurs MasterPacT refurbished atteignent strictement les mêmes performances que les appareils neufs et bénéficie des mêmes garanties de la part du fabricant. © Schneider Electric

 

 

 

 

 

Installer cette ligne de refurbishment dans l’usine de fabrication des disjoncteurs neufs offre plusieurs avantages. Le personnel connaît intimement ces appareils, la formation nécessaire pour s’attaquer au refurbishment est minimale. L’usine possède déjà un certain nombre d’équipements, comme les bancs de test, qui servent aux appareils neufs et aux appareils issus du réemploi, etc. Quatre références d’appareils issus du réemploi sont disponibles pour les clients dans un délai de 48 h, contre deux semaines pour les appareils neufs. Enfin, lors des fortes tensions d’approvisionnement durant le Covid et l’année qui a suivi, le réemploi a permis de fournir des MasterPacT refurbished en trois à quatre semaines au lieu de 4 à 6 mois d’attente sur les produits neufs durant cette période. L’usine fournit des disjoncteurs MasterPacT neufs et issus du réemploi, mais nus : ils sont accessoirisés en fonction des souhaits du client final – en matière de connectivité, notamment – dans d’autres usines du groupe.

 

 

 

 

 

EcoFit, les services de modernisation et de circularité, sur le site du Fontanil-Cornillon

Près de Grenoble, le site du Fontanil-Cornillon était consacré à la maintenance et à la réparation d’équipements. Depuis 2022, il a été réaménagé pour accueillir EcoFit, les services de modernisation et de circularité de Schneider Electric. Il s’agit de moderniser les équipements existants – retrofit, dans le vocabulaire schneiderien – en leur apportant les dernières innovations et de nouvelles fonctionnalités. Naturellement, ce n’est applicable qu’à des matériels dont la base installée est importante et dont la durée de vie se compte en décennies. Le site du Fontanil-Cornillon se consacre, par exemple, au remplacement d’un nouveau disjoncteur EasyPact EXEsans gaz SF6 dans les cellules moyennes tension Fluair 100 et 200. La gamme Fluair a été lancée en 1980 et ses divers produits équipent des milliers de sous-stations MT/BT à travers le monde. Elles présentent une particularité, leur disjoncteur est étanche et rempli de gaz SF6, l’hexafluorure de soufre, pour éviter l’apparition d’un arc électrique lors de l’ouverture du circuit. S’il n’est pas toxique, le SF6 possèdent un GWP (Global Warming Potential ou PRG pour Pouvoir de Réchauffement Global), calculé sur 100 ans, 23 500 fois supérieur à celui du CO2. Ce qui en fait le gaz à effet de serre le plus puissant de tous. Si Schneider Electric a développé une solution pour les cellules neuves qui fait appel à l’air et au vide, il propose aussi un service de maintenance des cellules équipés de commutateurs au SF6.

 

Les interrupteurs ou coupe-circuits des cellules MT contiennent du SF6 dans ce que l’on appelle "l’ampoule" : la partie brune. Lorsque les appareils arrivent, ils sont démontés, l’ampoule est isolée, le SF6 est retiré, puis collecté et régénéré dans une usine en Italie. Il sera utilisé pour recharger de nouvelles ampoules ou enveloppes étanches. © Schneider Electric

 

 

 

 

 

Au total, Schneider Electric annonce disposer aujourd’hui de 7 000 références de produits issus de l’économie circulaire. L’industriel a d’ailleurs remporté un appel d’offres lancé par Bouygues Energies & Services pour le projet immobilier "Six Degrès", grâce à ses offres de solutions issues de l’économie circulaire. Il faut dire qu’il s’agit d’un projet de construction de 39 000 m2 livré en mai 2024, conçu par le duo d’agences d’architecture Hardel Le Bihan et Alain Barthe ainsi que Niez Studio pour la partie paysagisme, pour le compte de SCOR Investment Partners et labellisé BBCA. Il était donc particulièrement important de réduire l’empreinte environnementale des lots techniques. Schneider Electric a fourni l’appareillage terminal Mureva et Unica, issu de l’usine de Privas spécialisée dans le reconditionnement, et des disjoncteurs MasterPacT MTZ.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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