Pour le Fort des Saumonards, sur l'île d'Oléron, le code a changé

Pour le Fort des Saumonards, sur l'île d'Oléron, le code a changé. © Bernard Reinteau

En deux ans, cet ouvrage de défense des ports charentais construit il y a deux siècles a été réhabilité et transformé en un centre d’apprentissage et de développement numériques.

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En deux ans, le Fort des Saumonards, cet ouvrage de défense des ports charentais construit il y a deux siècles a été réhabilité et transformé en un centre d’apprentissage et de développement numériques. D’une capacité d’accueil de 200 personnes, ce lieu entre pinède et plage fait la démonstration de la transition d’un site militaire obsolète en site de formation original.

Retour sur cette incroyable transformation et réhabilitation.

 

 

 

Le Fort des Saumonards, désormais établissement d’enseignement technique privé dédié au numérique

Racheté par la holding immobilière NJJ FSD, dirigée par Xavier Niel, emblématique PDG de Free, au département de la Charente Maritime, le Fort des Saumonards situé sur la côte nord-est de l’Île d’Oléron constitue depuis 2023 l’un des nombreux établissements d’enseignement technique privé dédiés au numérique – plus spécifiquement à la rédaction de code – désignés sous l’appellation Campus 42. Il existe actuellement 54 établissements de ce type dans le monde. De fait, ce lieu a pris l’appellation Forty2, allitération avec "foorty two" et rappel de son passé militaire.

Les 200 étudiants régulièrement recrutés à tous niveaux pour y développer leur potentiel et leur créativité disposent de tout l’équipement informatique nécessaire, d’installations de séjour – hébergement et restauration – et d’espaces de détente dans un esprit "colonie de vacances" : outre les activités classiques dans la cour intérieure – volley, pétanque… –, les développeurs peuvent aussi franchir la dune pour profiter de la plage des Saumonards face au Fort Boyard et l’Île d’Aix.

 

 

La cour intérieure du Fort des Saumonards. Les constructions ont été intégralement reprises et équipées pour l’accueil de sessions de 200 étudiants. Le sol a été décapé du bitume des anciens cheminements. © Bernard Reinteau

 


L’aménagement de cet espace d’un foncier de 25 000 m2 et de 2 400 m2 de surface de planchers (sur les 3 600 m2 disponibles) a demandé un travail spécifique à la maîtrise d’œuvre. Comme pour ses autres établissements parisiens, le propriétaire a mandaté le cabinet AR Studio d’architectures dirigé par Adrien Raoul. Ce dernier a conduit le chantier avec sa collègue Mélodie Bruillon. Lancé en mai 2021, il a été livré en juillet 2023.

 

 

Les architectes du chantier : Adrien Raoul et Mélodie Bruillon. © Bernard Reinteau

 

 


Un ERP de nouvelle génération

Naturellement, ce lieu recèle une histoire. Commencé en 1810 sous Napoléon 1er pour défendre les installations militaires maritimes de la côte charentaise – notamment Rochefort – des attaques des Anglais, ce fort se déploie sur plus de 200 m face à la mer et sur une profondeur de 70 m entre l’entrée par la tour du fort à la butte de tir face à la mer. Cet ouvrage n’a en réalité jamais connu le feu en raison de l’évolution géopolitique et de celle de la performance des canons. Sauf à la libération quand un régiment allemand, présent sur le site et coupé de toute communication extérieure, a échangé quelques tirs avec des troupes venues les avertir de la fin des combats. Un malentendu qui n’a laissé que des traces superficielles. Par la suite, ce lieu a servi durant plusieurs décennies de centre de colonies de vacances de l’armée de terre. Il était abandonné depuis 2010.

"Il ne s’agissait pas de refaire à neuf, mais de régler les problèmes pour que le site soit pérennisé et redevienne compatible avec une occupation de formation dans un esprit de colonie de vacances." explique Adrien Raoul.

 

Les postes de tir des extrémités nord et est de l’ouvrage ont été transformés en lieu d’échange et de lecture. © Bernard Reinteau

 


Les bâtiments militaires occupent le périmètre du foncier, et dans la cour intérieure à proximité de l’entrée, avait été construit un petit pavillon de deux niveaux en béton. Le projet promettait des modifications de façade, des aménagements et quelques démolitions. En outre, en raison de sa longue période de fermeture et de sa nouvelle affectation comme établissement recevant du public, le site était soumis à autorisation de travaux de modification. Les concepteurs avaient bel et bien l’intention d’apporter un contraste de façades et de matériaux pour le marquer d’une esthétique contemporaine.

Bien que l’ouvrage ne soit pas inscrit à l’inventaire des monuments historiques, l’architecte départemental des bâtiments de France et l’inspection des sites de la DREAL de Nouvelle Aquitaine ont suivi le chantier dès le lancement des études en 2018. À noter que le fort est en pleine zone Natura 2000.

 

 

À l’entrée de la cour, près de la tour du Fort, un bâtiment des années 60-70 a été maintenu et entièrement remanié : espace intérieur en atrium, revêtement extérieur en panneaux d’Alucobond. © Bernard Reinteau

 

 


Occuper tout l’espace

Les conclusions de ces échanges ont permis de cadrer la prestation de maîtrise d’œuvre : il y était clairement indiqué que le nouveau propriétaire n’avait aucun droit d’augmenter la surface bâtie. Seules les surfaces démolies pouvaient être reconstruites.

L’architecte a fixé l’aménagement des salles informatiques dans quatre entrepôts de munitions dans la partie sud-est de l’ouvrage. En tout, 200 postes de travail sous quatre voûtes aménagées avec 50 ordinateurs.

 

 

Les quatre salles de formation rassemblent chacune 50 ordinateurs. Les parois des voûtes ont été jointoyées et traitées contre l’humidité. Les plafonds sont équipés d’absorbeurs acoustiques. © Bernard Reinteau

 


Le restaurant de 100 places et les cuisines se développent dans la partie nord-ouest. Tout à côté, dans sept autres salles en voûtes coté nord, ont été disposés des dortoirs pour 200 personnes dotés d’aménagements de couchage spartiates : dans chacune d’elles, 28 à 30 "lits-cabines" superposés sur deux niveaux. Une création du cabinet d’architecture AR.

 

 

Dortoirs - Les lits-cabines conçus par le cabinet d’architecture AR rassemble le couchage et le rangement des stagiaires en formation. Chaque boxe est équipé d’un éclairage à variation de couleur. © Bernard Reinteau

 


Les bureaux, chambres des personnels permanents et les sanitaires sont réparties côté sud-ouest, de part et d’autre de la tour d’entrée. Au centre de la cour, la construction récente a été entièrement reconfigurée en un lieu de réunion et d’échange. La dalle entre les deux niveaux a été ouverte pour aménager un atrium avec revêtement en bois ; les parois extérieures ont été recouvertes d’un calepinage de plaques d’Alucobond de façon à amplifier le contraste entre le bâtiment du début du 19e et celui de la fin du 20e siècle.

 

 

Dans la cour intérieure, la construction la plus récente a été entièrement transformée. La dalle d’étage a été découpée pour créer une salle de conférence en atrium avec promenoir au 1er niveau. © Bernard Reinteau

 

 

 

Une rénovation lourde

Les interventions ont commencé par un important chantier de dépollution et de restauration. En premier lieu, le retrait de toutes les toitures en amiante et du bitume des cheminements. Par ailleurs, de part et d’autre de la tour du fort, les toits des bâtiments ont aussi été délestés de la couche de sable initialement destinées à amortir les tirs d’artillerie. Le sable a été déposé sur la dune entre le fort et la plage ; les bâtiments ont été isolés et recouverts de bac acier.

 

 

Les toits chargés de sable ont été purgés pour être isolés et recouverts de bacs acier. © Bernard Reinteau

 


Quant aux sols pollués découverts dans la cour intérieure, ils ont été laissés en place, étanchés en surface puis recouverts avec des cages à terre saine entretenues en potager.
Si le volume du chantier est important, les interventions sont cependant classiques. La totalité des anciennes menuiseries en bois et PVC a été retirée pour être remplacée par des menuiseries en bois.

Les voûtes des ouvrages ont été entièrement repiquées et les joints repris avec un enduit à pierre vue. Les parois ont été traitées contre l’humidité. Les sols, initialement tous carrelés, ont été recouverts d’une chape ciment, solution désignée par les architectes comme la seule adaptée au trafic intense.

Dans ces nouveaux locaux dons certains peuvent être densément occupés (les salles informatiques et les dortoirs), le renouvellement d’air est assuré par des unités plafonnières de ventilation double flux : 918 m3/h par "cluster" informatique de 50 postes et 504 m3/h par dortoir – avec un soufflage et une extraction par gaines métalliques à effet coanda : la prise d’air neuf et le rejet d’air vicié sont placés en imposte, en façade de chaque voûte.

 

Les salles informatiques et dortoirs sont chacune équipés d’une centrale de traitement d’air double flux. © Bernard Reinteau

 

 

En outre, les salles d’enseignement informatique ont été équipées de panneaux absorbants pour traiter l’acoustique. Quant à l’apport de chaleur, il est fourni par deux pompes à chaleur sur boucle d’eau : l’une de 62,4 kW pour les dortoirs, l’autre de 67 kW pour les dortoirs.

Le promoteur immobilier NJJ FCS ne livre aucun chiffre sur le montant de cette opération.




Source : batirama.com / Bernard Reinteau

L'auteur de cet article

photo auteur Bernard REINTEAU
Après un parcours de formation en histoire, Bernard Reinteau s'est orienté vers le journalisme au début des années 80. Entré en presse professionnelle bâtiment fin des années 80, il a passé plus de quinze ans dans le groupe Moniteur, puis s'est orienté vers la presse spécialisée en génie climatique. Indépendant depuis 2015, il intervient sur plusieurs titres de la presse bâtiment, essentiellement sur des sujets techniques.
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