L'affaire Apollonia est-elle l'escroquerie immobilière du siècle ?

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Le procès Apollonia s'est ouvert lundi 31 mars 2025 en fin de matinée à Marseille, pour plus de deux mois de débats. Il s'agit du procès, selon le président de l’association de victimes Asdevilm, de "la plus grosse affaire d’escroquerie immobilière que la France a connue" (près d'un milliard d'euros), avec des centaines de victimes flouées alors qu'elles espéraient se constituer un patrimoine à moindre frais.

Quelque 760 parties civiles et 110 avocats

Dans ce dossier, quinze prévenus dont un avocat et trois notaires seront jugés, jusqu'au 6 juin, devant le tribunal correctionnel de Marseille. Parmi les principaux prévenus figurent la société de gestion de patrimoine Apollonia, basée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), et ses fondateurs : Jean Badache, ancien commerçant ; sa femme Viviane, esthéticienne de profession, et leur fils, Benjamin Heysen-Badache, un temps aux commandes de l'entreprise.

Un moment mises en cause, des banques partenaires de l'opération se sont constituées partie civile. La salle des procès hors-norme du tribunal, dans l'ancienne caserne militaire du Muy, aura rarement été aussi remplie, avec des robes noires sur les sept premiers rangs et des dizaines de victimes qui ont fait le déplacement, la plupart aujourd'hui retraitées. Une trentaine de cartons au pied de la présidente témoignent aussi de l'épaisseur d'un dossier qui compte quelque 760 parties civiles et 110 avocats.

Quand Apollonia faisait la Une des journaux économiques

Au milieu des années 2000, la société Apollonia, avec son chiffre d'affaires de 36 millions d'euros, fait régulièrement la "Une" des journaux économiques, relatant à l'envi son succès. Tout bascule le 10 avril 2008, lorsqu'une plainte contre X est déposée auprès du procureur de la République de Marseille par 43 personnes. Tous sont des professionnels du milieu médical, aisés, mais désormais surendettés et ruinés par des investissements immobiliers qu’on leur avait vendus comme sans risques.

Deux mois plus tard, une information judiciaire est ouverte pour :

– "escroquerie commise en bande organisée", 

– "faux et usage de faux",

– et "exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque". 

Le périmètre de cette information sera par la suite élargi aux chefs "d'abus de confiance" et de "faux en écriture publique ou authentique par personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de sa mission".

Comment fonctionnait l'arnaque ?

Apollonia proposait d'acquérir des lots de programmes immobiliers éligibles au dispositif LMP (Loueurs Meublés Professionnels) fiscalement avantageux. Le mécanisme semblait d'autant plus attractif que "les effets combinés de ces avantages fiscaux et des revenus tirés de la mise en location des biens étaient censés" garantir aux clients "l'autofinancement des acquisitions, leur permettant de se constituer, quasiment sans bourse délier, un important patrimoine à l'orée de leur retraite", ainsi que le résumait le juge d'instruction. 

Les clients d'Apollonia (médecins, chirurgiens, pharmaciens, universitaires, etc.) étaient donc attirés par cette promesse de rentabilité exceptionnelle, un eldorado financier rendu crédible par l'intervention de commerciaux convainquants et de professionnels supposément sérieux (des notaires et un avocat).

Las, l'autofinancement promis "n'était qu'un mirage", comme le souligne le juge dans son ordonnance. Selon les parties civiles, les appartements vendus sur plan et leurs revenus locatifs étaient surévalués de "70 % à 100 %", avec des prêts immobiliers octroyés aux emprunteurs sans jamais voir de banquier, des offres de crédits signées à la va-vite sans respect du délai de rétractation, des documents justificatifs falsifiés, etc.

Au final, de 1997 à 2009, la société aixoise Apollonia aura procédé à la vente de 5 305 biens immobiliers pour près de 950 millions d'euros. 

La commission de 15 % (sur le prix de vente) perçue par les époux Badache leur a permis de mener grand train : au cours de l'enquête, plus de 7,5 millions ont été saisis, ainsi que trois biens en France et un au Maroc, sans compter de nombreux objets de luxe. Renvoyés notamment pour escroquerie en bande organisée, blanchiment aggravé, faux et usage de faux, ils risquent jusqu'à 10 ans de prison et un million d'euros d'amende.