La trêve hivernale ou période de suspension de l'expulsion locative

La trêve hivernale s'étend du 1er novembre d'une année au 31 mars de l'année suivante. © Freepik

Pendant la trêve hivernale, du 1er novembre au 31 mars, les expulsions des locataires sont suspendues. Qu'est-ce que cette suspension signifie en pratique pour le locataire et le bailleur ?




Pendant la trêve hivernale qui s'étend du 1er novembre d'une année au 31 mars de l'année suivante, un locataire qui ne paye pas ses loyers (et/ou ses charges locatives) ne peut pas être expulsé par son propriétaire car toute mesure d’expulsion des locataires non exécutée est suspendue (articles L412-6 à L412-8 du Code des procédures civiles d'exécution).

Selon des chiffres présentés par la Chambre nationale des commissaires de justice (anciennement dénommés "huissiers de justice"), en 2024, 24 000 procès-verbaux d'expulsion de ménages ont été délivrés, contre 12 825 en 2023. Cette augmentation impressionnante s'expliquerait par un "rattrapage" des années Covid mais aussi par une dégradation de la situation des impayés due essentiellement à l'inflation de ces dernières années.

Bien que l'expulsion soit interdite pendant la trêve hivernale, le propriétaire bailleur a la possibilité de continuer à effectuer les démarches nécessaires en vue d'une expulsion qui pourra être mise en exécution dès la fin de la trêve.

 

 

 

Note préalable : la procédure d'expulsion

Dans le cas d'impayés, le bailleur peut décider de demander, en justice, le remboursement des sommes dues dans le cadre d'une procédure d'injonction de payer ou/et demander la résiliation, c'est-à-dire la fin du bail.

Lorsqu’une décision d’expulsion est prononcée par un juge, le locataire perd son titre et son droit de rester en place ; il pourra alors être expulsé du logement avec le concours de la force publique.

Cette procédure suit un formalisme rigoureux encadré dans des délais strictes et elle fait intervenir de nombreux professionnels (commissaire de justice, juge du tribunal judiciaire, juge de l'exécution, les forces de l'ordre,...). Les différentes étapes de la procédure d'expulsion comprennent des délais imposés par la loi ou prononcés par le juge à la demande du locataire. Ainsi, la procédure d'expulsion peut s'avérer très longue (entre 8 mois et 3 ans).

 

 

 

La trêve hivernale : Les contours de la protection du locataire

La trêve hivernale s'applique sur cinq mois du 1er novembre d'une année au 31 mars de l'année suivante. Pendant cette période, il est interdit de procéder à l'expulsion d'un locataire. La trêve hivernale s'applique quel que soit le motif de l'expulsion (loyers impayés, troubles anormaux de voisinage, défaut d'assurance,...). Pendant cette période, les occupants d'un logement sont protégés contre l'exécution d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement

La trêve hivernale s'applique à tous les baux d’habitation, quelle que soit leur durée et quel que soit l’usage de la location : résidence principale, secondaire, saisonnière ou touristique. Toutefois, elle ne protège pas contre le recours à la justice de la part du bailleur afin qu'il obtienne un jugement prononçant l'exécution. Ainsi, la trêve hivernale ne s’oppose pas au prononcé par le juge d’une décision d’expulsion et n’empêche nullement le juge d’ordonner la libération des lieux en l’assortissant d’une astreinte, destinée à inciter le locataire à partir de lui-même rapidement, et de la liquider ensuite en prenant en compte le temps de la trêve. Ainsi, si la décision d’expulsion est rendue durant la période de trêve hivernale, son exécution sera simplement différée à la fin de cette période.

Le bailleur peut, de plus, valablement solliciter pendant la période hivernale le concours de la force publique pour l’exécution de la décision prononçant l’expulsion mais il sera alors effectivement reporté  au 1er avril suivant.

Dès le 1er avril de chaque année, la procédure d'expulsion locative peut reprendre et être exécutée par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), sauf si le litige a été résolu entre-temps.

Il est important de préciser que l'obligation de paiement des loyers n'est pas suspendue pendant la trêve hivernale. Ainsi les dettes passées du locataire à l'égard de son bailleur et les loyers des mois de novembre à mars restent dus.

 

 

 

La protection contre les coupures d'énergie

Pendant la trêve hivernale, les occupants d'un logement bénéficient également d'une protection contre les coupures d'énergie en cas de factures impayées (article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles). Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. Toutefois, pendant la trêve hivernale la fourniture d'électricité peut, dans la résidence principale, faire l'objet d'une réduction de puissance sauf pour les bénéficiaires du chèque énergie.

Si le locataire ne règle pas ou ne négocie pas ses factures avec son fournisseur pendant la trêve hivernale, ses dettes s'accumulent et se solderont par une coupure, en fin de trêve hivernale, sous réserve de certains conditions (délais, courrier,...).

 

 

 

Les sanctions au défaut de respect de la trêve hivernale

Le propriétaire/bailleur a l'obligation de respecter la trêve hivernale même si ses locataires ne respectent pas leur contrat de bail en ne payant pas leur loyer. Durant cette période, le propriétaire ne peut donc pas procéder à l'expulsion de son locataire  sous peine de lourdes sanctions. En effet, s'il tente d'expulser le locataire à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, il risque une peine de prison allant jusqu'à trois ans ainsi qu'une amende de 30 000 euros (article 226-4-2 du Code pénal). Cette sanction est valable également hors période de trêve hivernale : un propriétaire n'a pas le droit d'expulser de lui-même son locataire même si ce dernier a fait l’objet d’une procédure judiciaire d’expulsion. Une expulsion locative doit se faire suite à une décision judiciaire d'expulsion et avec le concours des forces de l'ordre.

Pendant cette période, le propriétaire/bailleur peut simplement entamer ou continuer les formalités et les procédures sans recourir à l'expulsion. L'exécution de l'expulsion sera reportée à la fin de la trêve.

 

 

 

Les exceptions à la trêve hivernale

Il existe des exceptions à la trêve hivernale, c'est-à-dire que dans certaines situations prévues par la loi, le propriétaire peut expulser, toujours dans le respect des procédures et avec le recours des forces de l'ordre, l'occupant du logement concerné pendant la trêve hivernale.

Ne sont pas concernées pas la trêve hivernale (articles L412-6 et suivant du Code de procédure civile) :

– les expulsions assorties d'un relogement des occupants dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de leur famille (le nombre de pièces doit correspondre au nombre d'occupants) ;

– Les expulsions des locataires d'un immeuble ayant fait l'objet d'un arrêté de péril (immeuble dangereux), l'expulsion se justifiant ici par des raisons de sécurité ;

– Les expulsions d'un époux ou conjoint ou partenaire de Pacs du domicile conjugal ordonnées par un juge aux affaires familiales dans le cadre d'une procédure de divorce ou de violences sur le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs ou sur un enfant ;

– Les expulsions de personnes en situation de "squat". 

 

Les squatteurs sont entendus comme tels lorsqu'ils occupent une résidence principale ou secondaire, un garage ou un terrain sans droit ni titre à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. Attention, un locataire qui se maintient dans les lieux à l’expiration du bail n’est pas un squatteur, le squat supposant une intrusion par effraction ou manœuvre. © Freepik

 

– Et, enfin, les expulsions de personnes occupant un logement étudiant mais ne bénéficiant plus de ce statut (exemple : résidence du CROUS).

 

Dans tous ces différents cas, les occupants ne sont pas protégés par la trêve hivernale et peuvent donc être expulsées pendant cette période.




Source : batirama.com / Nathalie Quiblier / © Freepik

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