La reprise, mythe ou réalité ?

La reprise, mythe ou réalité ?

Le BTP souffre plus que les autres de la conjoncture. Malgré des signes de reprises, les entreprises du secteur restent plombées par une crise qui n’en finit pas. Explications.




« Quand le Bâtiment va, tout va ». Ce vieil adage, connu de tous, a du plomb dans l’aile. Depuis 2008, le secteur s’enlise dans une crise économique sans précédent alors que d’autres activités ont déjà repris des couleurs. Globalement, la consommation des ménages redémarre doucement mais le Bâtiment reste exsangue. Des signes incitent pourtant à l’optimisme.

 

Le principal ? La flambée des demandes de crédits immobiliers. Preuve en est, les chiffres de production de nouveaux crédits. « Les montant accordés au 1er trimestre  grimpent à près de 40 milliards à + 28%  sur les trois derniers mois de 2014, assure Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision chez Xerfi. Sur un an, la hausse est encore plus significative : + 38%.

 

La baisse des taux d’intérêt explique pour l’essentiel cette déferlante, analyse le spécialiste. En effet, les taux des prêts affichent 2,01% en moyenne en mai, selon les chiffres communiqués par l'observatoire Crédit Logement/CSA. Pour l'accession à la propriété, ils ont atteint 2,08% dans le neuf et 1,99% dans l'ancien.

 

Des taux d’intérêts qui baissent toujours

 

« La baisse des taux soutient toujours la reprise des marchés immobiliers », commente l'observatoire qui précise que « la seule baisse des taux depuis fin 2013 équivaut à un recul des prix de 10% ». Pour autant, il ne suffit pas de lire les chiffres bruts. L’analyse de la situation montre une réalité moins reluisante. D’abord, les mises en chantier ne décollent toujours pas : 84 900 logements neufs sont sortis de terre au 1er trimestre 2015 en recul de 1,4% par rapport à la fin 2014 et de près de 9% sur un an.

 

« A cette cadence, moins de 340 000 logements seront construits cette année, analyse Alexandre Mirlicourtois, soit plus de 5% de moins qu’en 2014. Et compte tenu de la tendance des permis de construire délivrés, il est très difficile de prévoir un retournement à court terme. »

 

En baisse aussi, les autorisations sont tombées à leur plus bas niveau depuis juin 2009. Côté Ancien, ce n’est guère mieux. Les transactions sont passées sous la barre symbolique des 700 000 en cumul sur 12 mois en février ». D’un côté, des volumes en recul dans le Neuf et dans l’Ancien et des prix qui baissent. De l’autre, une explosion des prêts accordés par les banques… Cherchez l’erreur !

 

Vague de renégociations de prêt

 

La contradiction s’explique d’abord par la réduction des apports personnels. « Les très bonnes conditions de financement incitent fortement les ménages à réduire leur apport personnel pour emprunter plus. A cela s’ajoute le retour des primo-accédants sur le marché, généralement des ménages plus jeunes et plus modestes qui ont de fait un apport plus faible. »

 

Autre explication et non des moindres : la déferlante des demandes de renégociations de prêt. « Pour chaque renégociation de prêt réussie, un crédit nouveau est généré », précise le spécialiste de Xerfi.

 

Selon un sondage BVA paru en avril, deux tiers des Français ayant contracté un prêt immobilier ont déjà cherché à renégocier ou envisagent de le faire. Si bien qu’aujourd’hui au moins 1 dossier sur 4 est un rachat de crédit aucunement lié à l’acquisition d’un bien immobilier. « Pour les ménages concernés, l’économie n’est pas mince, de l’ordre de 200 euros mensuels par exemple pour un emprunt de 175 000 euros contracté en 2008 à un taux de 5%. »

 

Des ventes essentiellement dans l’Ancien

 

Une vraie bouffée d’oxygène pour certains foyers qui se serrent la ceinture au quotidien. « Mais cette cagnotte profite souvent bien plus à la consommation qu’à l’immobilier. » Lueur d’espoir toutefois pour les entreprises du bâtiment. Ces économies peuvent servir à financer des travaux d’économie d’énergie et/ou d’amélioration de l’habitat dans l’Ancien.

 

D’autant que selon le courtier en prêt immobilier Cafpi « 87% des clients empruntent aujourd’hui pour acquérir leur résidence principale et les acquisitions se portent sur l’Ancien à une écrasante majorité. » Avec souvent, des travaux à la clé. Une tendance confirmée par la dernière enquête Eurostat sur les ménages. Les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir engager des travaux de rénovation. Reste à les convaincre le passer à l’acte !




Source : batirama.com / Céline Jappé

 

 

Ceux qui s’en sortent bien

 

 

Si globalement, le secteur souffre toujours beaucoup, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu. Comment font-elles ?

 

« Il y a ceux qui ne travaillent pas ou presque pas… D’autres considèrent que la crise est passée, même s’il l’a subissent encore. Ils ont 2 à 3 mois de commandes devant eux, parfois même 6, confie Jean-Jacques Châtelain, président de l’UNA Peinture, Vitrerie Revêtement de la Capeb. Les moins impactés sont ceux qui ont su anticiper ces dernières années. Ils se sont lancés sur la Responsabilité sociale et environnementale (RSE), ont restructuré leur entreprise, formé leurs salariés, étendu leur champ d’actions, passé plus de temps avec leur client... »

 

Comme David Gastine qui dirige l’entreprise Hardy Peinture près de Rouen (76). Ou encore Jean-Alain Le Quéré, artisan couvreur à Quimper (29) qui a rejoint une coopérative de construction pour se positionner sur des chantiers de rénovation globale avec des confrères de corps de métiers différents.

 

Il y a aussi Didier Lézé, artisan plombier, chauffagiste et électricien à Champigné (49) qui s’est spécialisé dans les travaux d’accessibilité des logements existants (lire en page 23). Et la société Goupil à Avrillé (49) chauffagiste qui travaille avec une entreprise spécialisée dans l’isolation pour proposer à ses clients une offre globale en matière de rénovation énergétique.

 

En partenariat avec une banque, le chef d’entreprise organise des réunions d’information avec ses clients particuliers et leur propose aussi une solution de financement de leurs travaux ! Et des exemples comme ceux-là, il y en a dans toute la France. Anticipation, organisation, innovation… la recette du succès ?

 

Des entrepreneurs inquiets pour l’avenir

 

 

Selon le dernier baromètre de l’activité des TPE portant sur l’année 2014, l’artisanat du Bâtiment affiche de loin la plus forte baisse tous secteurs confondus. Toutefois, la crise économique ne suffit pas à expliquer le mal qui ronge les entreprises du Bâtiment.

 

-7,5% ! C’est la baisse d’activité des entreprises artisanales du Bâtiment en 2014 révélée par le dernier baromètre de la Fédération des Centres de Gestion Agréés (FCGA). Juste derrière le secteur de l’équipement de la maison avec une baisse de -4,5%.

 

Pourtant l’année 2013 avait connu un sursaut avec +1,6% lié notamment à un marché plus soutenu de l’entretien rénovation. En changeant souvent la donne, parfois même en cours d’année, les politiques successives de soutien à la performance énergétique des logements ont eu raison de l’enthousiasme des particuliers pour les travaux d’économies d’énergie. Sans parler de l’instabilité du taux de TVA en rénovation. Et alors que le marché du Neuf s’effondre, celui de la réhabilitation ne décolle toujours pas.

 

Lutter contre le dumping social

 

« Malgré les prémices d’une amélioration économique, nos entreprises se sentent embourbées dans cette crise débutée il y a déjà 7 ans », déclarait Patrick Liébus fin juin dans un discours prononcé à l’occasion des 25 ans d’EBC, organisation professionnelle ayant pour objectif de promouvoir et de défendre l’artisanat du Bâtiment au niveau européen (le président de la Capeb a été élu en juin dernier président d’EBC pour une durée de 3 ans, ndlr).

 

La lutte contre le dumping social et notamment contre la fraude aux salariés détachés au sein de l’Union Européenne s’est imposée comme le vrai combat d’EBC qui compte bien user de tout son poids pour faire réexaminer la directive détachement des travailleurs.

 

Manque de confiance en l’avenir

 

A cette concurrence déloyale viennent s’ajouter des mesures franco françaises qui plombent le moral des entrepreneurs du bâtiment. Le compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) est un des sujets qui cristallise le plus le mécontentement des chefs d’entreprise notamment les plus petits qui le jugent trop complexe pour être mis en place dans les TPE.

 

Autre dispositif à simplifier, le label RGE qui permet aux entreprises de faire bénéficier à leurs clients des mesures de soutien à la rénovation énergétiques des logements (Crédit d’impôt Transition énergétique, Eco-prêt à taux zéro, Certificat d’économie d’énergie).

 

Sans oublier les dysfonctionnements répétés du RSI, l’empilement des normes de construction, la concurrence des auto-entrepreneurs, la guerre des prix… Attaqués sur tous les fronts, administratifs, financiers, réglementaires… les entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à jeter l’éponge préférant cesser purement et simplement leur activité. Autre conséquence de ce contexte compliqué, un stress croissant et des risques accrus de burn-out.

 

En Savoir Plus

Un quart des défaillances proviennent du BTP

Les défaillances d’entreprises se sont accélérées en France début 2015 selon une étude d’Altares, acteur majeur de l’information sur les entreprises. Le secteur du BTP regroupe à lui seul plus d’un quart des victimes. Entre juin 2014 et juin 2015, Euler Hermes, spécialiste de l’assurance crédit avance le chiffre de 15 820 défaillances uniquement dans le BTP.

 

Altares pousse l’analyse plus loin en dressant un état des lieux des métiers les plus touchés : la maçonnerie générale en hausse de 15% entre avril 2014 et avril 2015, les menuisiers (+18%), les Cmistes (+12%) et les plâtriers (+8%).

1 Commentaire
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  • par augusto
  • 29/07/2015 16:01:37

Bonjour, suite à l'article sur la reprise du secteur btp je pense moi personnellement que c'est plus mythe que réalité, il y a eu un tout petit rebond au mois de juin mais là c'est le calme total. Cordialement. Augusto.

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