Des magistrats instructeurs du pôle de santé publique ont demandé le 29 janvier à un collège d'experts de se prononcer sur les liens entre la fibre cancérogène, interdite en France depuis 1997, et certaines maladies.
L'ordonnance comporte une quinzaine de demandes : "Quelles sont les pathologies dont il est scientifiquement établi qu'elles sont provoquées de manière certaine par l'inhalation de poussières d'amiante ? Est-il possible de déterminer au moment du diagnostic la date à laquelle la personne a été intoxiquée ?
Le simple fait de se trouver dans un environnement contenant des fibres entraîne-t-il d'emblée un risque de contracter" certaines maladies ?
Cette expertise, qui doit être rendue au plus tard le 30 septembre 2016, sera versée aux 27 dossiers "amiante" actuellement instruits au pôle de santé publique de Paris/
Les plus emblématiques concernent la société Eternit, premier producteur français d'amiante-ciment jusqu'à l'interdiction de la fibre, l'usine de Condé-sur-Noireau dans le Calvados, les anciens chantiers navals de la Normed à Dunkerque, le campus de Jussieu et la tour Montparnasse à Paris.
"Il n'existe actuellement que des expertises individuelles, plaignant par plaignant, et aucune expertise générale. Cela peut être utile pour un procès, même si un grand nombre de travaux scientifiques sur la dangerosité de l'amiante a déjà été versé aux dossiers", relève Jean-Paul Teissonière, l'un des avocats des parties civiles.
"Mais, le fait que cet acte soit diligenté 20 ans après le dépôt des premières plaintes est aberrant", ajoute-t-il. "Les victimes espéraient un grand procès Eternit en 2016. Leurs espoirs sont encore une fois douchés. Le combat risque de cesser faute de combattants", note Sylvie Topaloff, autre avocate des parties civiles.
Selon les autorités sanitaires, l'amiante pourrait provoquer jusqu'à 100.000 décès d'ici à 2025. Selon l'Andeva, l'association des victimes, 3.000 personnes meurent chaque année et les autorités sanitaires imputent à l'amiante 10 à 20% des cancers du poumon.Les premières plaintes ont été déposées en 1997. A ce jour, aucun procès n'a eu lieu en France.
La Cour de cassation a remis en cause dans l'ensemble des affaires la responsabilité des décideurs publics, confirmant notamment en avril l'annulation de la mise en examen de l'ex-ministre Martine Aubry, un temps mise en cause pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du Travail, en tant que directrice des relations du travail.