Dans le premier article consacré à la démarche d’interopérabilité Confluens (voir notre article Domotique 5), un certain nombre de questions sont apparus quant au marché visé. Les deux principaux animateurs de Confluens vont donc expliquer leur stratégie : Jean-Louis Demousseau, directeur général de Confluens, et Eric Bertand, directeur technique.
Selon eux, le but de Confluens est de « toucher les métiers verticaux, même à travers des automates dotés de capacités d’intelligence très réduites ». Si Confluens a commencé par mettre en relation des boîtes dotées d’une forte intelligence et d’une capacité de traitement importante – la box Tahoma de Somfy, la Box MyHome de Legrand, Wizer de Schneider Electric, les box domotiques de Delta Dore… – ce n’est qu’un début.
S’ils ont commencé par là, c’est que c’était le plus facile et qu’il fallait démontrer l’intérêt, la faisabilité et la fiabilité de la démarche. Confluens, rappelons-le est un bus de terrain sur IP qui met en relation les boîtes domotiques de ses six sociétés fondatrices - CDVI, Delta Dore, Hager, Legrand, Schneider Electric et Somfy – par le biais d’échange de messages qui déclenchent des scénarios.
Comme le dit Eric Bertrand, Confluens est un “passeur de paquets” entre boîtes domotiques. Confluens – ils insistent tellement la-dessus, qu’on finit par le comprendre – ne s’intéresse pas du tout aux processus métiers, aux objets au sens informatique.
Confluens ne définit pas un profil de serrure connectée, ni de régulateur de chauffage, etc. Elle permet simplement, l’échange de messages sur IP entre boîtes compatibles. Grâce à Confluence, chaque boîte issue de fabricants différents déclenche des actions cohérentes dans le cadre d’un scénario global.
Par exemple, recevant le message « absence de courte durée », la boîte Delta Dore ne va pas mettre en veille le chauffage, mais tout de même enclencher l’alarme, tandis que la boîte Legrand éteindra les lumières et que Wizer réduira la ventilation, etc. A travers cette technologie Confluens vise deux marchés : le petit tertiaire et l’ajout de fonctions à une installation domotique.
MM. Demousseau et Bertrand conviennent volontiers que dans la réalité le marché domotique accessible à Confluens aujourd’hui est réduit. Sur le terrain, il existe très peu de logements équipés d’une box Legrand pour piloter l’éclairage et d’une box Delta Dore pour le chauffage et d’une box Somfy pour les stores et d’une box Wizer pour les prises électriques… soit la situation idéale qui justifierait pleinement le recours à Confluens.
Mais en tertiaire, c’est une autre affaire. Dans une supérette comme il en s’en développe quantités en centre-ville, des Franprix, des Carrefour Market, etc., on trouve du froid, de l’éclairage, du contrôle d’accès, de la ventilation…
Chaque fonction verticale étant dirigée par son automate, sans solution simple pour les mettre en relation et produire un tableau de bord synthétique. Même chose dans un petit hôtel, dans une grande brasserie, etc.
Outre ce marché tertiaire, pour lequel Confluens – forte de sa non-ingérence dans les activités de chaque participant – se voit bien proposer une solution efficace pour l’utilisateur, simple à mettre en œuvre pour l’installateur et rassurante pour les industriels en raison de son caractère délibérément non-invasif, il s’agit aussi de faciliter l’intégration des autres équipements techniques du bâtiment.
L’équipe Confluens a entrepris ce qu’ils appellent « une tournée de tous les verticaux » : les fabricants de générateurs de chauffage, de groupes de ventilation, de générateurs d’ECS, de luminaires, de climatiseurs, de portiers vidéo en individuel et en collectif, bref de tous les équipements fixes dans le logement. Ceux que l’on considère comme “immeubles par destination” au sens où on ne les transporte pas facilement.
A tous ces industriels, Confluens explique l’intérêt de l’interopérabilité qui ne s’intéresse pas au fonctionnement des générateurs.
Comme, d’une part, la technologie Confluens est purement logicielle – c’est une stack, c’est-à-dire un petit programme peu consommateur d’énergie et se contentant d’une très faible puissance de traitement – et comme, d’autre part, les constructeurs sont notoirement réticents à ouvrir leurs protocoles propriétaires à des tiers, le discours est paraît-il bien reçu.
De plus, ces fabricants, d’Aldès à Zehnder, en passant par elm leblanc, Frisquet, Daikin et De Dietrich, s’écartent peut de leur cœur de métiers. La plupart d’entre eux n’envisagent pas de lancer des offres domotiques à visée globale. Confluens leur fournit une solution pour intégrer leurs matériels dans une cohérence domotique sans vendre leur âme.
C’est-à-dire sans ouvrir leurs API (Application Programming Interface), ni risquer de voir Confluens s’approprier leurs données techniques et celles qu’accumulent leurs appareils installés sur le terrain.
C’est aussi la démarche inverse de celles de Nest et des autres fabricants de thermostats connectés qui voulaient avoir accès aux protocoles propriétaires des fabricants de générateurs et faire leur miel des données générées par le client final. Confluens ne s’intéresse pas aux données, elle ne les voit même pas.
Du coup, Confluens devrait annoncer au second semestre plusieurs nouveaux participants en chauffage à eau chaude et électrique, en ventilation, en production d’ECS et en climatisation. Pour tous ces industriels, ajouter la stack de Confluens au programme tournant déjà sur leurs régulateurs, ce n’est pas compliqué.
Il leur faudra tout de même que ces régulateurs offrent une prise RJ45, le WiFi ou du CPL (communication par courant porteur) pour accéder au réseau IP du logement ou du local tertiaire. En tertiaire, justement, c’est déjà largement le cas. La plupart des régulateurs de froid, par exemple, savent communiquer sur IP.
En collectif, la plupart des nouvelles solutions qui apparaissent – comme le plus récent système de portier vidéo d’Urmet – sont connectés en RJ45 au réseau IP. Même en maison individuelle, quantité de constructeurs font communiquer leurs systèmes en WiFi.
Les nouveaux groupes de ventilation double-flux et générateurs d’ECS d’Aldès sont équipés d’une carte WiFi pour un pilotage à travers une App sur Smartphone à travers la box internet du logement. Bref, ce n’est pas insurmontable du tout.
Dans leur discours, les deux dirigeants de Confluens sont à la fois très ouverts et d’une prudence de sioux. Ils indiquent tout de même que leur ambition, après les box domotiques, est de faire fonctionner la stack Confluens sur de petits régulateurs, dont les puissances de traitement et l’intelligence sont très réduites.
Ils parlent d’ailleurs aussi avec les fabricants de thermostats connectés. Pour l’instant, ils se défendent de vouloir aller jusqu’à l’internet des objets. Ils plutôt évoquent l’idée, à un moment non-encore défini, de devoir accéder à un autre niveau d’abstraction où l’emploi d’objets au sens informatique deviendrait utile.
Ils envisagent alors, si cela devient nécessaire – attention : si et seulement si et en réunissant l’accord de tous les participants à Confluens – de ne pas du tout se lancer dans la construction d’objets Confluens, mais de pouvoir utiliser une ou plusieurs des bibliothèques d’objets disponibles. Celle de ZigBee 3.0, par exemple. Mais bien sûr ce n’est encore qu’une hypothèse. Lointaine, lointaine, on vous dit !