Alain Neveü constate un cadre légal incomplet qui selon lui empêche sa mise en œuvre « en toute sécurité juridique ». Réclamé depuis des années, institué par l’article 11 de la loi de transition énergétique, le carnet numérique de suivi et d’entretien du logement devait être applicable à toutes les constructions neuves après le 1er janvier prochain. Dans l’existant, la mesure est prévue pour 2025 pour tous les logements qui feront l’objet d’une mutation.
Destiné à l’amélioration progressive de la performance énergétique des logements, ce nouvel outil de la filière bâtiment doit intégrer, sous forme numérique, les diagnostics, audits et autres informations relatives aux travaux de conception et de modification des logements. Il doit aider les particuliers à mieux s’approprier leur logement ; les professionnels y trouveront l’information technique pour l’entretien et les travaux d’amélioration.
Ce carnet doit constituer, avec la maquette numérique, une des briques de la numérisation de l’industrie du bâtiment. Pour préparer la rédaction de décret d’application de cette mesure, la DHUP avait demandé, en septembre dernier à Alain Neveü, d’explorer ses modalités de gestion. Son rapport daté de janvier, est téléchargeable sur le site du Plan transition numérique du bâtiment depuis le 6 avril.
Dés les premières lignes de son rapport, Alain Neveü soulève « une grave difficulté » : « l’analyse détaillée du corpus législatif conduit au constat d’un cadre légal incomplet faisant obstacle à l’atteinte des ambitions fixées par le législateur. » A tel point qu’il achoppe dans sa mission d’élaboration d’un projet de décret.
Pour produire les compléments législatifs, il suggère de réunir le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), les Plans bâtiment durable et transition numérique dans le bâtiment.
En premier lieu, il relève que la mise en application est trop rapide pour assurer le succès de l’opération. Il recommande donc des expérimentations dans le neuf et l’existant. Ce qui est déjà fait, puisque le Plan transition numérique dans le bâtiment a lancé des appels à projet de préfiguration dans le neuf lors de son comité de pilotage du 29 mars dernier.
En deuxième lieu, il propose de distinguer le carnet numérique du neuf, le plus complet, de celui pour l’existant, les immeubles étant trop disparates et le fichier ne pouvant être enrichi que des documents rassemblés.
En troisième lieu, sans attendre 2025 et pour alléger la procédure, les maisons individuelles existantes pourraient être dotés d’un carnet renseigné de données « typologiques », notamment sur une base statistique.
Le mieux étant l’ennemi du bien, les copropriétés existantes et les organismes de logement social pourraient faire de même sur la base de leurs données initiales. À charge ensuite de compléter progressivement ces informations.
Le quatrième point pose une question centrale : son fonctionnement économique : « modèle de marché, de service public ou d’observatoire ». Ce point n’est pas évoqué dans l’article de la loi, et le rapporteur en fait « un préalable au retour devant le parlement ».
Cinquièmement, quid des droits et obligations des propriétaires et des locataires vis-à-vis de ce carnet numérique ? Sixièmement, au vu des données inscrites, notamment personnelles, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) doit être mise dans la boucle pour établir un « pack de conformité », à la manière de ce qui a été réalisé dans le cadre de déploiement des compteurs communicants.
Septièmement, les responsabilités les acteurs de la filière de la construction (promoteurs, constructeurs, syndics…) doivent être établies…
Huitièmement, tout doit être mis en place pour standardiser les formats informatiques d’échange. Neuvièmement, si le nom de carte Vitale du bâtiment a été abandonné, il faudra cependant établir un « identifiant du logement ». Il devra être unique, stable… Il est proposé que ce soit l’identifiant fiscale, d’adresse, de lot…
Enfin, Alain Neveü insiste sur le choix du modèle de gestion qui aura selon lui des impacts économiques, juridiques et techniques.
Avant de lister ces remarques, le rapporteur livre cependant le profil du carnet numérique. Il donne la préférence à un système en ligne – et non sur support individuel de type « clé USB » – et géré sur une architecture ouverte, de type « plate-forme collaborative » accessible à divers partenaires et interfacées. Il cite en exemple le service Gisèle de Qualitel. Mais l’initiative bute sur « un manque d’intérêts des syndics de copropriétés » et de leurs fournisseurs de logiciels.