Plusieurs fois reporté, le Décret n°2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est enfin disponible ici sur le site Legifrance
La PPE est prévue par la Loi sur la Transition Energétique et pour la Croissance Verte du 17 août 2015. Selon cette loi, la PPE doit détailler la feuille de route de l’évolution énergétique de la France pour les années 2016 à 2023.
Le texte devait donc fixer des objectifs et définir des moyens de tous ordres – administratifs, financiers, etc. – mis en œuvre pour les atteindre, un guide pour entamer la transition énergétique en quelque sorte. Le décret indique les objectifs, sans détailler les moyens pour y parvenir.
Le décret du 27 octobre contient un très grand nombre, une surabondance même, d’objectifs. Son Art. 2 détaille les objectifs de réduction de consommation des énergies fossiles par rapport à 2012 de manière extrêmement précise : -8,4% pour le gaz naturel en 2018, -15,8% au 31 décembre 2023, -15,6 et -23,4% pour le pétrole, -27,6 et -37% pour le charbon.
Son Art. 3, à l’inverse, énumère les objectifs de croissance pour les Energies Renouvelables (ENR), selon les cas en termes de puissance installée ou d’énergie produite.
Et de citer l’éolienne terrestre, l’éolien en mer posé, les énergies marines (éolien flottant, hydrolien), l’hydroélectricité, le photovoltaïque (baptisé « énergie radiative du soleil » : 10 200 MW installés au 31/12/2018, entre 18 200 et 20 200 MW au 31/12/2023), solaire thermique, pompes à chaleur, géothermie, bois-énergie, méthanisation, etc.
Ces objectifs pour les ENR étaient déjà contenus, à l’identique, dans l’Arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables
Ils sont repris dans un décret, sans que cela change quoi que ce soit au fond. Deux nouveaux objectifs ont cependant été ajoutés par rapport à l’arrêté d’avril : l’électromobilité dans l’Art. 6 du décret et l’effacement électrique (Art. 11).
Le texte est d’ailleurs muet sur la nature de ces objectifs : sont-ils indicatifs, contraignants ? Que se passe-t-il si on ne les atteints pas, ou si, à l’inverse, on les dépasse ?
Souvenez-vous : en 2010, le gouvernement avait imposé un brutal moratoire sur le développement du photovoltaïque (PV), accompagné d’une vicieuse campagne de dénigrement des « panneaux chinois », en arguant du fait que les objectifs PV fixés par la PPI (l’ancêtre de la PPE) de 2009 seraient bientôt dépassés.
Ce qui avait provoqué une crise tout à fait injustifiée, entraîné la faillite de nombreuses entreprises, terni durablement l’image du PV dans l’opinion et stoppé le développement des industriels français de la filière. Le texte du nouveau décret autorise toujours de telles manœuvres.
Selon les termes de la Loi sur la Transition Energétique, la PPE devait comporter plusieurs parties. Le décret traite seulement du développement des énergies renouvelables. Pourtant, son Art. 1 indique que la PPE est adoptée en totalité et, pour le prouver, renvoie à une note de bas de page en fin du texte qui renvoie elle-même à une page internet.
Cette page indique que « La programmation pluriannuelle de l’énergie est consultable sur le site internet du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer sur cette adresse. On trouve sur cette page une liste de liens vers d’autres pages sans aucune information quant à leur valeur juridique.
Côté moyens, le décret comporte (Art.3 – Al XI) un calendrier « indicatif » des « procédures de mise en concurrence pour les énergies renouvelables électriques ». Dans ce calendrier, figurent curieusement des appels d’offres lancés début 2016, bien avant la parution du décret.
Ensuite, pour les procédures à venir, rien n’est précisé quant à leur nature : est-ce que ce seront des appels d’offres comme pratiqués aujourd’hui ou autre chose ? Enfin, bien que le décret fixe un objectif pour les énergies marines, il ne propose aucune date de mise en concurrence au-delà de 2016, pourtant la période couverte par ce texte court jusqu’en 2023.
Par ailleurs, le décret indique dans son Art. 10 : « Aucune nouvelle installation de production d’électricité à partir de charbon, non équipée de système de captage, stockage ou valorisation du dioxyde de carbone (CO2) ne sera autorisée en métropole continentale ».
En gros, on ne peut plus construire de centrale à charbon sans en filtrer et séquestrer le CO2. Le décret, cependant, ne dit pas quand interviendra cette interdiction et ne précise pas non-plus la nature ou les objectifs à respecter par ces installations de captage et de stockage du CO2.
Enfin dans une apothéose inouïe de renoncement, l’Art. 12 précise « dans un délai maximal de six mois à compter de la publication du présent décret, Electricité de France établit un plan stratégique compatible avec les orientations de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui fixe l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025 ».
L’idée d’une tutelle du gouvernement sur EDF est définitivement abandonnée. Bref, ce nouveau décret et la PPE qu’il décrit, émettent une indication générale bienveillante en faveur des ENR et c’est à peu près tout.
Pourtant, le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) s’en est félicité. Jean-Louis BAL, Président du SER, a déclaré : « ce texte est un gage précieux de visibilité pour nos filières ; leur montée en puissance est désormais finement programmée. Je salue le signal de volontarisme très important donné aux investisseurs et aux industriels à la veille de l’examen de textes importants sur les énergies renouvelables et le marché de l’énergie au niveau européen. » Les attentes du SER seraient-elles si modestes ?
Source : batirama.com / Pascal Poggi