La TVA à 5,5 % dans le collimateur de la cour des comptes

La TVA à 5,5 % dans le collimateur de la cour des comptes

La pertinence de la TVA à 5,5% sur les travaux d'entretien des logements est une nouvelle fois remise en cause par la Cour des Comptes qui vient de rendre public un référé.




La Cour des comptes a rendu public, le 28 novembre, un référé du Premier président adressé aux ministres de l’Economie, Michel Sapin et du Logement Emmanuelle Cosse concernant le taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien et d'amélioration des logements de plus de deux ans, mettant en avant « les conditions de pilotage, de suivi et de contrôle insatisfaisantes au regard de l’effort budgétaire consenti ».

 

Que la Cour des comptes épingle le taux de TVA à 5,5%, une des aides les plus importantes pour la rénovation, n’est pas nouveau. Elle la remettait déjà en question dans un rapport fin 2015 et plus récemment dans un document publié début novembre, considérant que l’effet d’aubaine est très élevé. Un dispositif qui pèse lourd, selon elle, sur les finances publiques.


« Avec un coût de 3,28 milliards d’euros prévu en 2016, il représente la 4e dépense fiscale la plus importante en volume parmi les 449 dénombrées par le projet de loi de finances », indique la Cour qui rappelle que « de 1999 à 2015, le mécanisme a représenté un coût cumulé de 70 milliards d'euros pour les finances publiques, soit en moyenne un abandon de recettes de près de 4,4 milliards d'euros par an ».

 

Une TVA à la française

 

Elle constate également que peu de pays européens appliquent une telle mesure, à part le Royaume-Uni, qui l’utilise de façon marginale. Notons que la France fait exception avec ses trois taux (5,5, 10 et 20 %). Beaucoup d’Etats pratiquent le taux unique comme l’Allemagne (19%), l’Espagne ou l’Italie. Et pour les pays qui appliquent deux taux, comme la Belgique ou la Pologne, ils sont supérieurs aux taux français.

 

Si la Cour constate « qu’un consensus se dégage pour admettre que cette mesure a eu un effet positif sur l’activité et l’emploi dans le secteur du bâtiment », elle souligne que « les éléments techniques permettant d’appuyer cette appréciation sont insuffisants ».

 

Et c’est bien là que le bât blesse. Car, selon elle, peu d’études d’évaluation viennent étayer le bien-fondé du taux réduit de TVA. Depuis la création du dispositif, « sur les neuf tentatives d’évaluation, seules deux proviennent des pouvoirs publics ».

 

Evaluation du dispositif insuffisante, voire inexistante

 

La première en 2002 adressée à la Commission Européenne plaidait pour le maintien du dispositif compte tenu de ses effets estimés : une augmentation du CA du secteur en deux ans de 2,8 Md € et la création de 43 000  emplois.

 

La seconde sur les niches fiscales, réalisée en juin 2011, a revu à la baisse les chiffres : une augmentation du CA du secteur de 1,6 Md € et la création de 32 000 emplois, tout en soulignant que le coût net par emploi créé revenait entre 50 et 90 000 €. Depuis, plus rien, outre les études menées par les fédérations professionnelles Capeb et FFB, que la Cour des Comptes estime de parti-pris.

 

Mais ce n’est pas la seule interrogation. La Cour reste sceptique sur la finalité de cette mesure, arguant qu’à partir de 2012, le taux a été modifié trois fois, alors qu’entre 1999 à 2012, il était resté stable à 5,5%. En 2012, il a été porté à 7%, puis à 10%, pour revenir au 1er janvier 2014 à 5,5%  pour les travaux d'amélioration énergétique, ainsi que sur les travaux induits et à 10% pour les travaux d’entretien et d’amélioration.

 

« Ces modifications n’ont fait l’objet d’aucune étude préalable : aucun chiffrage du gain attendu en matière de recettes fiscales n’a été présenté et aucune estimation de leurs effets attendus sur l’économie et sur l’emploi n’a été produite », regrette la Cour dans le référé.

 

Les deux recommandations de la Cour des comptes

 

En pointant des conditions de pilotage, de suivi et de contrôle insatisfaisantes au regard de l’effort budgétaire consenti, la Cour demande aux ministres concernés, Michel Sapin et Emmanuelle Cosse, de faire réaliser des études qui « permettent rapidement d’apporter au Parlement et aux citoyens la preuve de la pertinence et de l’efficacité du dispositif ».

 

Ainsi, elle formule deux recommandations. La première est de présenter un chiffrage des effets budgétaires et économiques des trois ajustements intervenus depuis 2012. La seconde est d’évaluer précisément les bénéfices économiques du taux réduit en examinant à la fois le coût pour les finances publiques des créations d’emplois et les scénarios d’évolution pour en améliorer l’efficacité.

 

En réponse à ce référé, la ministre du Logement a expliqué que le coût prévisionnel 2015 a été obtenu en s'appuyant « sur les prévisions de dépenses de travaux éligibles au CITE au titre de 2015, dépenses majorées de 20 % au titre de la main d'œuvre et de 20 % au titre des travaux induits, tous deux non éligibles au CITE mais éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 %. L'assiette de la dépense fiscale au taux de TVA de 5,5 % est estimée à 7,7 Mds€ au titre de 2015».

 

Des études difficiles à réaliser selon la ministre


Elle justifie l’abaissement du taux à 5,5% en 2014 pour « soutenir l'effort important de rénovation énergétique, en application des engagements pris par le Président de la République le 21 mai 2013 se déclinant notamment à travers le plan de rénovation énergétique de l'habitat (PREH), et l'objectif de 500 000 logements rénovés par an d'ici 2017 ».

 

Concernant l’absence d’évaluation, la ministre reconnaît la difficulté à réaliser de telles études parce que le code NAF de l’INSEE ne permet pas d'isoler le secteur de l'entretien-amélioration des logements dans les statistiques sur les entreprises produites chaque année.

 

« Par conséquent, le chiffre d'affaires et le nombre d'emplois relevant du secteur ne sont pas connus avec précision, ce qui rend difficile la réalisation d'évaluations sur l'impact du taux réduit de TVA. Pour pallier cette difficulté, un affinement de la nomenclature NAF devrait sans doute être effectué mais ce travail n'entre pas dans mon périmètre d'action », estime Emmanuelle Cosse.

 

Précisons toutefois que cette mesure pourrait évoluer et se fondre dans un système global d’aides à la rénovation des logements, le gouvernement devant proposer au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, une aide globale des dispositifs fiscaux (article 14 de la loi LTECV).

 




Source : batirama.com / Frédérique Vergne

2 Commentaires
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  • par artisan65
  • 29/11/2016 10:30:55

L’avantage du taux de TVA réduit est qu’il n’est pas discriminant, contrairement au RGE et autres montages pervers qui ont pour vocation de racketter les artisans au profit de leur représentants les plus gros (FFB et consort). Si un bilan est urgent, c’est plutôt celui du RGE du CITE, des CEE et autres MONSTRES VERTS qu’il faut faire. Le RGE coute 500 millions par an aux divers partenaires impactés par cet abus de pouvoir et il ne rapporte que des désillusions, qui sont très bien mises en cause par un précédent rapport de la Cour des Comptes, ainsi que par plusieurs rapports de l’UFC que Choisir, dont le dernier vient de paraître et mériterait un article à lui tout seul. Cette distorsion de concurrence antisociale avantage les gros par rapport aux petits, son bilan est donc désastreux et son maintien est IMMORAL et CRIMINEL.

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platine
  • par artisan65
  • 29/11/2016 10:30:10

Le bilan est facile à faire, en voici les pistes et les grandes lignes. Travailler sur un vieux bâtis coute 2 ou 3 fois plus de main d’œuvre que sur du neuf. Les M2 sont aussi moins facile à valoriser, car le vieux impose des contraintes architecturales. Si vous voulez une politique qui respecte le patrimoine existant, ce constat technique et économique est à prendre en compte pour encourager l’aménagement des vielles pierres, ce qui contribue aussi à minimiser l’émission de carbone. Une autre conséquence directe est que à défaut d’encouragement la réaction sociale est plus de travail souterrain ou familial, ou solidaire, dans ce cas au lieu de rapporter un peu cela ne rapporte plus rien, sinon peut être plus de malfaçons et plus d’accidents domestiques, à vérifier. Enfin ces travaux à fort taux de main d’œuvre ont des chances de rester localisés plus que les chantiers de neuf, programmables de loin. Or un Euro dépensé localement en génère 4 environ, alors que l'Euro dépensé à l’extérieur ne génère aucune richesse locale et doit même trouver une compensation pour conserver un équilibre monétaire.

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