Les jeux de l’Arenh sur le marché de l’électricité en France

Les jeux de l’Arenh sur le marché de l’électricité en France

EDF doit vendre à prix coûtant une partie de sa production nucléaire. En période de hausse des prix de gros, cela génère des effets d’aubaine pour les acheteurs.




Tout commence avec la Loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010. Cette loi a créé l’Arenh : l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique.

 

En effet, lors des discussions préalables à l’ouverture du marché de l’électricité en 2010, les fournisseurs alternatifs qui s’apprêtaient à concurrencer EDF, avaient fait remarqué combien il était injuste qu’ils ne puissent pas bénéficier des faibles coûts de production de l’électricité nucléaire.

 

Entrave à la concurrence

 

Après tout, le parc nucléaire avait été largement financé par les contribuables et réserver son bénéfice au seul EDF constituait une entrave à la concurrence.

 

D’ailleurs, la Commission Européenne, à l’issue d’une enquête sur les aides de l’Etat, avait conclu que l’existence de tarifs régulés – Jaune, Vert et Bleu en 2010, seulement Bleu depuis le 1er janvier 2016 – jointe au fait que seul EDF avait accès au nucléaire bon marché, constituaient des obstacles au développement d’une réelle concurrence sur le marché de l’électricité en France.

 

Qu’à cela ne tienne. Le gouvernement d’alors avait donc introduit l’Arenh dans la Loi Nome pour rétablir une certaine équité entre les concurrents sur le marché de la distribution de l’électricité en France.

 

Un quota de nucléaire bon marché

 

Le mécanisme est géré par la CRE (Commission de régulation de l’énergie). Depuis le 1er janvier 2011, le dispositif de l’Arenh permet aux fournisseurs alternatifs qui le souhaitent, d’acheter, à un prix régulé, de l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF.

 

Ce prix, initialement fixé à 40 €/MWh le 1er Juillet 2011, a été porté à 42 €/MWh depuis le 1er janvier 2012. L’article L-336 du Code de l’Energie fixe à 100 TWh par an le quota d’électricité Arenh destiné aux consommateurs finals. Depuis le 1er juillet 2014, l’Arenh est également ouvert aux gestionnaires de réseau, dont RTE, pour compenser leurs pertes.

 

Des accords-cadres entre EDF et les demandeurs

 

L’exercice du droit à l’ Arenh passe par la signature d’un accord-cadre entre chaque demandeur et EDF. La CRE gère l’ensemble et calcule les droits – la quantité de MWH – qu’elle notifie à chaque co-contractant.

 

Chaque semestre – fin octobre 2016 pour le 1er semestre 2017 et au plus tard le 16 mai prochain pour le second semestre 2017 - les fournisseurs intéressés font une demande d’Arenh auprès de la CRE, en la justifiant par une prévision des consommations de leurs propres clients.

 

Ces prévisions, les droits Arenh calculés et alloués à chaque fournisseur, ne sont connus que de la CRE et du fournisseur. EDF n’est informée que de la quantité globale. Les paiements sont gérés par la Caisse des Dépôts et Consignations.

 

Baisse des prix de gros de l’électricité depuis 2013

 

Avec l’ouverture du marché de l’électricité en 2010, deux types de prix de gros sont apparus : les prix Spots et les prix à terme. Le prix Spot pour l’électricité est le prix des livraisons pour le lendemain sur la bourse Epex Spot, fixé tous les jours par un mécanisme d’enchères entre 12h30 et 13h.

 

Les contrats de livraison à terme sont des contrats négociés de vente et d’achat d’électricité, au prix fixé le jour de la conclusion du contrat, pour des livraisons dans les semaines, les mois ou même les années à venir. Depuis 2013, les prix de gros de l’électricité sur le marché spot sont globalement en baisse : - 20% entre 2013 et 2014 pour atteindre une moyenne 2014 de 34,6 € MWh.

 

En 2015 et en 2016, ils oscillent entre 30 et 40 €/MWh, selon qu’il s’agit de livraisons en base ou en pointe. La moyenne des prix de gros spot (sauf en heures de pointe) et à terme sont tous deux passés en dessous des prix Arenh. Ils ont atteint de 42 €/MWh fin 2014, puis 38 €/MWh en septembre 2015 avant de remonter à 36 €/MWh en juin 2016. Autant dire qu’aucun fournisseur n’était tenté par le prix de l’Arenh à 42 €/MWh.

 

Suivie d’une brutale remontée fin 2016

 

Comme l’explique d’ailleurs la CRE : « Les volumes demandés pour le 1er semestre 2014 et le 1er semestre 2015 étaient, respectivement, de 36,8 TWh (dont 5,9 TWh au titre des pertes) et 15,7 TWh (dont 5,1 TWh au titre des pertes). En 2016, il n’y a pas eu de demande ».

 

Puis, tout a changé avec l’arrêt de près du tiers du parc nucléaire français à l’automne 2016. Les prix de gros sont rapidement repartis à la hausse sur le marché : 45,7 €/MWh pour les prix Spot du 31 Octobre, 84,77 €/MWh le 7 novembre, 66,57 €/MWh le 28 novembre, 78,64 €/MWh le 2 décembre.

 

Du coup, les 42 €/MWh de l’Arenh redeviennent extrêmement attractifs pour les fournisseurs alternatifs. Comme le note la CRE : « Dans le contexte actuel de la hausse des prix de marché de gros de l'électricité, la CRE constate une augmentation importante des demandes d'Arenhdes fournisseurs alternatifs pour le 1er semestre de l'année 2017 ».

 

Le risque de la rente

 

Le risque est simple : un fournisseur alternatif pourrait acheter du courant Arenhà 42 €/MWh et le revendre au prix du marché, empochant au passage une marge de 50 à 100%. Ce risque de « captation de la rente » a été perçu par le gouvernement qui a publié le 25 octobre 2016 une «évolution des modalités de fonctionnement du dispositif Arenh ».

 

Le gouvernement ne peut pas suspendre, ni modifier profondément l’Arenh. Créé par une Loi, il faut une autre Loi pour le modifier. Aucune Loi en ce sens n’est inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée Nationale ou du Sénat.

 

Le gouvernement envisage en revanche de modifier le décret Arenh de manière à tenir compte des demandes lors des exercices précédents et à organiser une certaine « monotonie » afin d’éviter de trop grandes fluctuations dans les quantités Arenh demandées de période à période.

 

Qui seront les bénéficiaires de l’allocation ?

 

Cependant, comme aucun fournisseur n’a demandé d’Arenhen 2016, on ne voit pas très bien ce que cela signifie. Quoiqu’il en soit, la CRE souligne que « le volume total d'Arenhdemandé pour le 1er semestre 2017 s'élève à 40,75 TWh (dont 0,35 TWh au titre des pertes).

 

Dans l’hypothèse où aucune demande supplémentaire ne serait effectuée au prochain guichet du 16 mai 2017, le volume total d’Arenh demandé sur l’année 2017 complète s’élèverait à 82,2 TWh (dont 0,7 TWh au titre des pertes) ». Ce qui reste en dessous des 100 TWh autorisés par le Code de l’Energie. En vertu de l’organisation de la gestion de l’Arenh, on ne peut pas savoir quels seront les bénéficiaires de cette allocation.




Source : batirama.com / Pascal Poggi

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