Les arrêtés de février et juillet 2016 sur le contrôle des fuites des installations thermodynamiques a troublé les professionnels. L’AFCE prévoit de publier un guide d’explication de la réglementation fin 2017
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Les équipements de détection de fuites des gaz frigorigènes des installations thermodynamiques (pompes à chaleur, chillers…) sont-ils adaptés aux règles imposées par la réglementation publiée en 2016 ? Et répondent-ils aux différentes configurations d’installations ?
L’Ademe* et l’AFCE** recevront d’ici quelques semaines l’étude de terrain confiée à Mines ParisTech et Armines, rédigée sous la direction de Stéphanie Barrault (École des Mines), sur l’efficacité de différents moyens disponibles.
En tout, une dizaine de sites (centres commerciaux, stockage frigorifique, patinoires…) dotés de ces appareillages ont été audités.
Les premiers éléments de ce travail, présentés début mars, permettent à la fois de mieux cerner le potentiel des différentes solutions disponibles. Ils devraient aussi aider les professionnels à lever le flou autour des règles indiquées dans l’arrêté du 29 février 2016, puis modifié dans celui du 25 juillet***.
Il faut noter qu’en la matière, la réglementation française va un cran au-delà de ce que demandent les directives européennes « F-Gas » (517/2014) et sur le contrôle d’étanchéité (1516/2007) : les vérifications d’étanchéité sont plus régulières ; l’arrêté impose aussi un marquage par étiquette amovible des zones contrôlées…
En outre, rappelle Stéphanie Barrault, les arrêtés publiés en 2016 ont laissé des incertitudes dans l’esprit des professionnels. Bien indiquée dans l’arrêté modificatif de juillet 2016, la méthode directe restait trop rapidement décrite : en clair, en cas de fuite, il faut intervenir… vite.
Les maîtres d’ouvrage et exploitants sont informés des seuils (50 g/h ou 10 % de la charge), de la composition des matériels de détection (sondes…) et de la liaison à une alarme. Mais rien sur la solution technique à mettre en œuvre.
Quant à la méthode indirecte, c’est-à-dire la détection de fuite par analyse de défaut du système – pression, température, consommations d’énergie du compresseur, niveaux de réfrigérants ou de recharge –, elle a aussi fait l’objet d’interrogations de la part des professionnels.
Comment la mettre en œuvre conformément à la réglementation ? Suffit-elle pour la recherche de fuites ?
L’arrêté de février 2016 prévoit d’indiquer les points de fuite constatés et
traités à l’aide d’étiquettes amovibles..
L’étude a principalement porté sur trois types d’équipements experts :
Sur le terrain, ces appareillages ont été soumis à des mesures d’épreuve et autres simulations. Pour quels bilans ?
Dédiée au froid commercial centralisé et aux entrepôts logistiques, la solution DNI mesure en permanence – toutes les 2 à 3 secondes – le niveau de réfrigérant dans les réservoirs ; colonnes et pesons sont étalonnés et qualifiés. Il surveille aussi continuellement les paramètres de température et de pression. Les informations centralisées sont analysées par un algorithme, et le système détecte ainsi les défauts d’étanchéité.
S’il est remarqué pour son apprentissage en continu du fonctionnement du site et l’enrichissement de sa base de données au fil de l’eau, en revanche ce système est lésé par son délai d’apprentissage : une semaine. Durant tout ce temps, l’installation reste pratiquement sans surveillance.
Smart d’EO2S assure cette fonction d’initialisation dans un délai beaucoup plus court : une heure. Il suit l’installation en temps réel grâce aux capteurs placés au niveau du réservoir de liquide : le suivi des fluctuations de volume permet au système expert de déterminer une fuite.
Stéphanie Barrault note cependant que ces deux fournisseurs travaillent actuellement sur des développements tels que des versions pour systèmes sans réservoirs de fluides et des algorithmes capables de distinguer les fuites des soutirages. Comme tout système d’alarme, le développement de ces équipements repose aussi sur leur capacité à détecter des fuites réalistes.
Stéphanie Barrault, coordinatrice de l’étude Ademe-AFCE
menée par l’École des Mines et Armines. « Les systèmes
actuellement disponibles sont en train d’évoluer, et
d’autres technologies de détection sont développées,
notamment aux États-Unis »
Quant à la solution intégrée au DRV, elle diffère des précédentes par son caractère non continue : elle doit être déclenchée par l’opérateur ou l’exploitant, et affiche ainsi un code de bon fonctionnement ou de défaut d’étanchéité. Mais le fabricant ferait peu de cas de sa présence sur ses unités extérieures, et il serait notoirement sous utilisé.
Les responsables de cette étude ont aussi mis à l’épreuve les contrôleurs d’ambiance, outils de mesure indispensable au systèmes experts. Leur conclusion est claire : les contrôleurs à infrarouge, d’un seuil de sensibilité de 1 ppm, permettent une détection de fuite correcte et rapide… à condition d’être correctement placés. Pour ce faire, une simulation d’écoulement d’air et la recherche des points d’accumulation des gaz sont nécessaires.
Les auteurs de cette étude reconnaissent en particulier que ces systèmes experts n’ont pas la même sensibilité lors des fuites. Déjà, ils leur faut plusieurs jours pour repérer les petites fuites, celles de 50 à 100 g/h. De fait, les installations peuvent avoir perdu plus de 10 % de leur charge avant que l’alarme ne se déclenche.
Cependant, l’un des systèmes experts – il n’a pas été désigné – se distingue par sa sensibilité sur ces petites fuites lentes : les pertes de moins de 3 % de la charge sur quatre à cinq jours sont détectées. Quant aux fuites progressives, les deux les repèrent, mais l’un en un jour, l’autre en plusieurs…
Pour ce qui concerne la détection sur DRV, dans un cas de l’étude, le système ne s’est pas manifesté alors que la perte de fluide avait atteint 3 % de la charge. Non continue, elle est cependant hors réglementation.
La conclusion des scientifiques devrait aussi souligner l’écart entre les prescriptions réglementaires et les subtilités rencontrés sur le terrain en raison de la disposition des installations – sans négliger par ailleurs les difficultés à procéder aux mesures avec les groupes posés en toiture… Ainsi, ce travail pourrait être suivi de la rédaction d’un guide d’aide à l’application des règles.
Ce manuel – qui serait relu par les pouvoirs publics – fournirait notamment aux opérateurs et exploitants des outils de calcul d’étanchéité pour pouvoir négocier avec leurs fournisseurs. Ces formules d’estimation globale, fondées sur les données statistiques des installations, tiendraient compte de la maintenance, des fluides, des fuites déjà constatées…
Cet ouvrage proposerait aussi des méthodes pour mieux mettre en service les systèmes experts – par exemple, décaler de quelques jours le rechargement en fluide et l’apprentissage du système pour améliorer la détection.
L’AFCE rassemble actuellement un groupe de travail sur ce sujet, et le guide pourrait être disponible avant cette fin d’année.
Il faut aussi retenir que l’usage d’un système expert, pour coûteux qu’il soit, s’avère financièrement intéressant : selon la taille de l’installation, il serait amorti en deux ou trois ans.