Monsieur Hervé L. avait réclamé à son ancien employeur, la société SAIPEM, une prime de trois mois de salaire en tant qu’auteur d'une invention pour laquelle son employeur avait déposé un brevet.
En effet, tant le code de la Propriété Intellectuelle, que la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 1er juin 2004 (convention collective BTP cadre), prévoient une rémunération supplémentaire pour les salariés auteurs d’une invention.
Plus précisément, le Code de la Propriété Intellectuelle (article L611-7) énonce que les inventions faites par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail appartiennent à l'employeur. Si ce dernier dépose un brevet sur cette invention, il doit en informer son salarié. Le salarié a alors droit à une rémunération supplémentaire suivant les conditions déterminées par sa convention collective.
Concernant les cadres du BTP, les conditions d’attribution de cette prime sont définies dans la convention collective BTP cadre (article 8.1). Cette convention énonce les principes suivants:
Suivant les étapes énoncées par la convention, le premier argument avancé par la société Saipem pour ne pas avoir à verser la prime d’invention à Monsieur Hubert L., a été de prétendre que son nom n'apparaissait pas sur le Brevet. Dès lors, la société Saipem n'aurait pas eu à lui verser de prime.
Toutefois, la Cour d'Appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 25 mars 2016, juge, sur ce point, que, contrairement à ce qu'affirme son ancien employeur, Monsieur Hubert L. est bien mentionné en qualité de premier inventeur du brevet en cause.
Le deuxième argument avancé par la société Saipem a été que le brevet n'avait connu aucun développement ni aucune exploitation commerciale. La société SAIPEM aurait en effet déposé ce brevet dans le seul but de se prémunir d'un brevet similaire déposé par un concurrent.
La encore, en vertu de l'article 8.1, si tel était bien le cas, la société Saipem n'aurait pas à verser de prime.
Or, sur ce second point, la Cour d'Appel a jugé que Monsieur Hubert L., n’avait pas apporté la preuve de l'exploitation commerciale du brevet, et n'avait pas demandé à son ancien employeur de produire des pièces permettant d'établir cette exploitation. Par conséquent, la Cour a conclu que Monsieur Hubert L. n'avait pas droit à la gratification prévue pour les inventeurs salariés.
La Cour a estimé en outre qu’elle ne saurait demander à la société Saipem d’apporter la preuve de la non-exploitation du brevet, cette demande revenant à lui demander une preuve impossible.
L’article 8.1 de la convention collective BTP cadre n'ouvre droit à la gratification de l'inventeur salarié que lorsque le brevet portant sur l'invention a fait l’objet d’une exploitation commerciale.
La logique de cette mesure est de limiter l’exposition financière de l’employeur déposant un brevet, en n’ajoutant pas au coût du dépôt, le coût d’une rémunération supplémentaire due au salarié inventeur. Ainsi, cette gratification n’interviendra que lorsque son employeur en tirera profit, autrement dit, lorsqu’il en fera une exploitation commerciale.
Dans le cas présent, la société Saipem justifie la non-exploitation du brevet par le caractère uniquement défensif de ce brevet, dont le but était seulement de se prémunir d'un brevet similaire déposé par un concurrent.
Le profit attendu du brevet n’était donc pas direct, via une exploitation commerciale, mais bien indirect, via la limitation de l’impact d’un brevet concurrent. Par conséquent, on peut légitimement considérer que le profit attendu du brevet en question a été obtenu dès son dépôt. Partant, la rémunération supplémentaire de l'inventeur salarié devrait lui être également acquise à cette date.
A l'inverse, la solution retenue par la Cour revient à considérer que l'inventeur d'un brevet défensif n'aurait jamais droit à la gratification prévue à l'article 8.1, ce qui semble contraire, tant à l'équité, qu'au but d'incitation à l'innovation poursuivit par ce texte.
Source : Cour d'appel, Aix-en-Provence, 9e chambre B, 25 mars 2016 – n° 14/06816